La pièce de théâtre Perte du nom de Sid Ahmed Sahla : Le reniement de soi au profit du mercantilisme…

14/03/2023 mis à jour: 04:30
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Photo : D. R.

Perte d’identité ? Celle du nom ou carrément… reniement de soi ?

Toujours est-il que le texte Diaât lesm est d’une force inouïe, en ce sens que l’auteur, Sid Ahmed Sahla, journaliste et dramaturge, puise «sa» langue dans «le patrimoine linguistique d’une richesse incroyable et qui tend à se perdre et les thèmes traités qui ne sont pas sans rappeler Tennessee Williams, les tragédies grecques, Tchekov…», dit de lui Mohamed El Keurti, homme de théâtre.

Sid Ahmed, comme le pense le linguiste Abdou Elimam, «sait labourer la langue pour permettre à ses représentations du terroir de dire le monde moderne, la société où les luttes politiques sont signe d’émancipation…»

Mais au-delà de la langue utilisée et qui réconcilie le public connaisseur avec le 4e art, l’auteur affirme que dans sa pièce, il porte un concept simple et complexe à la fois : «Je me suis intéressé au code civil et patronyme avant 1882, date où le colonisateur, pour s’approprier des terres, a décidé de transcrire les noms algériens».

Une véritable socio-tragédie, aspergée d’humour. Corrosif, parfois. Noir, souvent. Trois frères et une sœur se retrouvent dans la maison de leur enfance, le quarantième jour du décès de leur père… pour le partage de l’héritage, la maison familiale. Manque de pot, sommes-nous tentés de dire, de son vivant, le défunt avait décidé de léguer son bien au Habous.

Déçus, désabusés, les déshérités, sur proposition de leur frère aîné, s’accordent à vendre le nom de leur famille à un ferrailleur, une transaction qui n’engage personne, mais qui rapporte gros.

S’enclenche, aussitôt, un affrontement entre le cadet et l’aîné des frères sur la question et naturellement, des alliances se font et se défont…

Cupidité, égocentrisme, en fait, c’est toute la complexité humaine qui est dénudée par l’auteur, d’une grande humilité où le patriotisme est visible dans le texte.

Diaât lesm, dont la générale a été donnée au théâtre régional de Mascara, le 26 décembre 2022, puis programmée au TR Oran le 11 janvier et au TNA les 9 et 10 février 2023, est magnifiquement mise en scène par Mohamed Frimehdi et professionnellement jouée par une pléiade d’artistes talentueux, comme Imène Larbi, Mohamed Chikhaoui, Badr El Kamal Boumazza et Abdelillah Benmoulay.

«Bravo au metteur en scène et à toute l’équipe d’avoir transformé le magistral travail sur les mots de l’auteur, en un beau spectacle qui a sur éviter les écueils du folklore et de l’emphase, un travail qui est promis à un succès mérité…», reconnaît l’universitaire Abdeldjebar Bouguesri.

 

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