La Palestine renaît des cendres de Ghaza

26/05/2024 mis à jour: 09:26
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Au soir du 7 octobre 2023, alors que son appareil sécuritaire et sa classe politique restaient groggy par l’envergure inédite des attaques menées par les Brigades Al Qassam, Israël était déjà assuré non seulement du soutien inconditionnel de ses alliés, mais aussi de leur engagement à rameuter la planète pour en finir avec les derniers foyers de résistance palestinienne.

 Le Hamas avait fait l’erreur fatale, avait-on hâtivement conclu, de sortir de ce territoire en déshérence que serait devenue Ghaza ; il restait donc un assaut ultime de quelques semaines, au pire de quelques mois, contre ses bataillons sans plan de charge et sans moyens militaires, depuis au moins la guerre de 2014, pour conclure l’affaire. Après avoir passé des décennies à ignorer les souffrances des Palestiniens, dans l’enclave mais aussi en Cisjordanie, malgré les alertes régulières des agences onusiennes, l’Occident a paru presque sincère de ne pas concevoir qu’un sursaut significatif, quitte désespéré, puisse être tenté au nom de la résistance à l’occupation et ses appétits débridés, notamment avec l’arrivée de l’extrême droite sioniste au pouvoir. Les Palestiniens vaincus et résignés, avait-on sans doute expédié, tout comme étaient disposés à la compromission des «frères» arabes appâtés par de profitables repositionnements par le truchement d’une normalisation décomplexée, ne pouvaient plus être capables de résistance, mais seulement d’actes «terroristes» fomentés ailleurs pour servir des agendas autres que la fondamentale revendication du droit à la souveraineté. 

On ne compte pas les dirigeants européens et américains qui se sont pliés au sirupeux devoir de pointer au bureau de Netanyahu éploré pour faire acte de solidarité, et qui ont, au mot près, épousé son récit et validé ses plans de «légitime défense» devant les caméras. 

On en est bien loin aujourd’hui. Bientôt huit mois après de la campagne sanguinaire déclenchée par Tel-Aviv contre la bande de Ghaza, la verticalité de ses villes, le modique réseau de ses infrastructures, ses hôpitaux, ses écoles… et la vie tout court de sa population, la réalité saute aux yeux du monde, simple, indiscutable et incontournable dans toute œuvre visant à maintenir la stabilité au Proche-Orient et sur la planète. La réalité foncière d’une force d’occupation nourrie depuis 76 ans à la légitimation internationale assidue du viol sioniste, au mythe de la supériorité judéo-chrétienne, et son ADN de fabrique porté naturellement sur la perpétuation de la colonisation et l’élimination existentielle de l’autre. 

Ce n’est sans doute pas un hasard que Tel-Aviv se soit permis le gouvernement le plus extrémiste et le plus messianique de son existence, à une séquence de l’histoire qui a vu le reflux des soutiens pour la cause palestinienne et son exclusion du registre des priorités internationales.

 Le fait paraît comme l’étape concluant un processus global et abouti de négation de l’aspiration palestinienne à la souveraineté, rendant inutile toute propension à la négociation dans la société israélienne. L’immense sacrifice que consent la population de Ghaza depuis près de huit mois et la témérité inouïe de ses résistants rétablissent un tant soit peu de cet équilibre rompu de l’équation, après des décennies de jachère diplomatique et de compromission. 

Les derniers développements attestent que la cause ne pourra plus passer au compte pertes et profits : vote par la majorité de l’Assemblée générale de l’ONU d’un statut de membre à la Palestine, implication de la Cour de justice internationale (CIJ) et de la Cour pénale internationale (CPI), dynamique inédite en Europe pour la reconnaissance d’un Etat Palestinien, solidarité sans précédent de la jeunesse mondiale... 

Certes, cela ne paraît pas impacter pour l’heure l’immédiat de la guerre, mais de nouvelles bases se mettent concrètement en place pour que la Terre ne se permette plus de tourner dans le sens exclusif des horloges israéliennes. 

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