La non-écriture de l’histoire de la révolution de novembre 54 : Un reniement des chouhada ! (2e partie et fin)

12/07/2023 mis à jour: 08:35
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Pour recentrer le débat, il nous faut souligner et rappeler que nous avons failli principalement pour ne pas avoir œuvré à créer un centre d’intérêt autour des événements réels qui ont parsemé le cours de la glorieuse Révolution de Novembre, ce qui signifie :

  • afficher une volonté politique de faire de l’écriture authentique de l’histoire de la Révolution de Novembre une œuvre nationale à caractère idéologique et civilisationnel ; 
  • encourager toutes les initiatives qui participent de cette œuvre, tout en les assurant de l’orientation et du contrôle requis pour éviter les manipulations et les dérives ;
  • créer une institution crédible qui œuvrerait à rassembler, à travers des concours et des mesures incitatives, des archives écrites, des témoignages oraux et écrits, etc., liés à des épisodes de la Guerre de Libération ;
  • mobiliser les moyens financiers nécessaires, de manière officielle, transparente et orthodoxe afin de les mettre à la disposition des initiatives.
     

Car, nous devons bien comprendre le sens réel à donner au vocable «écriture de l’histoire» de la glorieuse Révolution déclenchée le 1er Novembre 1954, qui ne peut se résumer à des actes littéraires, quels qu’en soient leurs auteurs et la qualité de leur contenu. 

L’œuvre est plus grandiose, et pour la réaliser, il y aurait lieu de mettre en chantier :
* des films relatant les grandes batailles livrées à l’ennemi et que de batailles grandioses pourraient être traduites en films cinématographiques, telles :

  • la bataille «d’Agouni Ouzedhoudh» que nous avons citée plus haut ;

La bataille d’El Djorf, dans le Nord-Constantinois (la liste est loin d’être limitative, les batailles livrées par les vaillants combattants de l’ALN étant tellement innombrables qu’il serait, du reste, judicieux de les lister dans un fichier historique national) ;

  • le déroulement des grands complots relevant de la guerre psychologique (à l’exemple du complot «Oiseau Bleu») ;
  • le calvaire des convois d’acheminement d’armes.
  • La bataille livrée par la «Fédération de France» ou VIIe Wilaya ;

L’épopée de l’équipe de football du FLN, dont certains acteurs sont encore en vie : Rachid Mekhloufi, les frères Soukane, Maouche… qu’Allah leur prête longue vie, alors que d’autres, auxquels nous rendons un vibrant hommage, nous ont quittés, qu’Allah leur accorde Sa Miséricorde : Bentifour – Boubekeur – Abdelhamid Kermali et, tout récemment, le regretté Mustapha Zitouni.

* Des séminaires nationaux et internationaux ayant pour thèmes les événements marquants de la Guerre d’Algérie.
* Des fresques et des opérettes qui pourraient être mises à l’écran…
Nous voyons que l’envergure de cette œuvre nous conforte dans la réflexion avec laquelle nous avons entamé la rédaction de cette modeste contribution et qui nous a fait dire que la non-écriture de l’histoire de la Révolution  de Novembre 54 constituait un reniement des chouhada ! 

Et pourquoi ne nous inspirerions nous pas de l’œuvre du même genre réalisée par la France autour de l’histoire de la résistance à l’occupation allemande, pour rester dans le modèle de notre Guerre de Libération et, davantage, à celle des Américains dont l’expression a été encore plus ample.

Que de films prodigieux, qui nous ont extasiés dans notre jeune âge, ont, en effet, été réalisés par les Américains pour reproduire et pérenniser les épisodes historiques de leur guerre de sécession et, plus près de nous, ceux qui sont liés à leur participation aux deux guerres mondiales.
Et que de titres de films nous ont émerveillés et qui s’appliquent parfaitement aux épisodes de notre glorieuse 

Révolution de Novembre et à ses valeureux chouhada, tels :

  • les héros meurent jeunes ;
  • les héros ne meurent jamais ;
  • les héros meurent toujours…

Alors, et comme nous célébrons la Fête de la libération et de l’indépendance nationale, que nous leur devons en grande partie, commençons par rendre un vibrant hommage à nos héros, les chouhada ! 

Hommage aux Chouhada

Le plus bel hommage qui puisse vous être rendu vous est fait par ce verset sublime que nous tirons du texte sacré du Saint Coran, dont la révélation a précédé de plusieurs siècles votre existence et vos actes : 
ولا تحسبن الذين قتلوا في سببيل الله امواتا بل احياءا عند ربهم يرزقون
Traduction du verset : «Ne pensez point que ceux qui sont tombés pour la cause de Dieu sont morts. Ils sont, au contraire, vivants auprès de leur seigneur et comblés de faveurs.» (1) 

Vous avez été «un million et demi» de chouhada à avoir réalisé avec vos compagnons, les moudjahidine, une des plus belles révolutions du XXe siècle, qui a assuré non seulement le recouvrement de l’indépendance de notre chère Algérie, mais également de nombreux autres pays dominés auxquels elle a ouvert la voie en traçant le processus de décolonisation grâce à votre victoire éclatante sur une des plus grandes puissances colonisatrices de ce même siècle.

Par vos actes de bravoure et votre sacrifice suprême, vous avez atteint la postérité mais vous avez surtout réalisé, avec le concours de vos compagnons d’armes et votre peuple, un des plus beaux exploits que l’histoire universelle ait eu à enregistrer dans le registre des résistances héroïques des peuples à la domination. 

Le gain que vos sacrifices ont engendré au profit de l’Algérie ne se limite point à sa libération du joug colonial : l’envergure et la dimension que vous avez su imprimer à notre Révolution ont grandement servi l’Algérie indépendante, qui devait faire face à la seconde bataille, celle de l’édification. 

Cette seconde bataille, pour être bien menée, avait besoin d’être confortée par :

  • la stabilité et la cohésion nationales ;
  • le respect des autres nations ;
  • l’aide extérieure des pays amis de la Révolution déjà. 

Et, grâce à Dieu et aux sacrifices exemplaires consentis par les combattants de cette Révolution, dont la grandeur a forcé l’admiration de la planète entière, ces trois soubassements ont été rapidement constitués autour de l’élan d’édification et n’ont même pas été affectés par les événements, qui ont marqué la période de transition lors du changement de régime de gouvernance du pays, immédiatement après la proclamation de la libération et de l’indépendance nationale.

L’exemple que vous et vos compagnons de combat avez livré à l’humanité toute entière, en matière d’esprit de sacrifice, de dignité et de sens de l’honneur, mais également les exploits que vous avez réalisés et les batailles que vous avez livrées dans l’humilité face à un ennemi tant de fois supérieur en force de frappe militaire, s’ils n’ont pas été vains, ont également servi à enrichir l’histoire universelle.

L’histoire nationale, quant à elle, retiendra, peut-être un jour, que la Révolution que vous avez tous servie avec le même état d’esprit et la même abnégation ne vous a pas «tous servis» en retour, tant elle a connu, comme toutes les révolutions, des moments de faiblesse, de désarroi et des dysfonctionnements qui ont été à l’origine d’erreurs et d’injustices.

Vous n’avez certainement pas tous eu droit à la gloire que vous méritiez intrinsèquement, bien que votre engagement dans la Révolution n’était lié à aucune considération d’ordre matériel ou honorifique mais bel et bien inspiré par l’amour de votre patrie et de votre peuple qu’il vous pesait de les voir dominés, opprimés et exploités.

Bien plus, pour certains parmi vous, rejoindre la Révolution, c’était d’abord sacrifier une certaine aisance matérielle et sociale et celle des leurs sans calcul ni regret, ayant juste à l’esprit qu’il valait mieux mourir pour la liberté et la dignité plutôt que de vivre, même dans une condition sociale individuelle satisfaisante, au sein d’un peuple brimé et d’une patrie spoliée.

Que d’exemples nous ont été rapportés au sujet des convictions de certains parmi vous qui prévoyaient l’indépendance inéluctable de l’Algérie mais qui souhaitaient tout de même être honorés dans «l’istichaâd», inspirés sans doute par de sombres appréhensions quant à l’avenir de l’Algérie indépendante.

Ceux-là n’avaient sans doute pas totalement tort si l’on imagine qu’ils ont bâti leurs sombres analyses prospectives à partir de certaines situations qu’ils ont vécues en pleine Révolution, c’est-à-dire durant les années de feu où, pourtant, la relation sociale était empreinte de sérieux, d’abnégation et de solidarité collective, que ce soit dans les maquis ou au sein de la société civile.

Etaient-ils soucieux que le serment qui était fait à ceux parmi eux qui tomberaient au champ d’honneur ne puisse pas être respecté par tous et dans son intégralité ?

Une chose est certaine, et nous l’avons vérifiée pour vous, c’est qu’un silence méthodique s’est installé autour des destinées symboliques de certains d’entre vous, comme si les dirigeants de la Révolution qui ont survécu à leur entreprise avaient développé à leur égard une appréhension et un remords de conscience qui s’expliquent par le reflet négatif d’eux-mêmes que leur renvoie le souvenir de leurs valeureux compagnons que vous fûtes.

Ainsi en a-t-il été des destinées des héros Abane et Lotfi, dont l’intelligence et les visions en matière d’organisation politique et stratégique mises au service de la Révolution ont vite été étouffées par leurs compagnons pendant que leur œuvre a été déteinte depuis l’accession à l’indépendance puis franchement vouée à la désacralisation et à l’oubli.

A vous les chouhada qui ont participé à l’opération «Oiseau Bleu», ce haut fait d’armes que nous connaissons le mieux, nous vous tirons la révérence.

Non pas que vous méritiez une mention particulière par rapport à vos compagnons tombés au champ d’honneur, tant il ne saurait y avoir de mention spéciale dans «l’istichaâd».

Mais, les circonstances ont fait que vous avez réalisé un exploit et un fait d’armes dont même le récit est difficile à faire accepter par le commun des mortels.

Vous avez, en effet, réussi l’exploit de retourner complètement et avec succès au profit du FLN / ALN un complot fomenté précocement par l’ennemi pour étouffer la Révolution dans l’œuf et l’anéantir.

Cet épisode glorieux de la guerre d’indépendance pour la réalisation duquel ont grandement contribué, aux côtés de nombreux héros de la Wilaya III historique, deux dignes fils de la ville d’Azazga, a été réhabilité à l’occasion de la célébration du 48e anniversaire de la Fête populaire du recouvrement de l’indépendance et de la souveraineté nationales que nous avons célébrée le lundi 5 juillet 2010, par une cérémonie d’inauguration de deux stèles érigées en hommage aux deux acteurs de l’opération «Oiseau Bleu» cités ci-dessus : Le commandant Zaïdat Ahmed et le capitaine Mehlal Saïd. 

Et puisse Dieu éclairer notre esprit et faire en sorte que notre modeste contribution puisse aboutir, un jour, à l’édition d’une publication dont le contenu sera satisfaisant aux plans de la rigueur intellectuelle et de la démarche scientifique au point de susciter l’intérêt des lecteurs, notamment des jeunes de la nouvelle génération pour lesquels la Révolution héroïque de Novembre 54 relève déjà du fait historique lointain, logé, sans un référent particulier, dans une parcelle de la mémoire collective et les convaincre de la véracité des faits et des récits que nous nous attacherons à reproduire avec la même humilité que celle qui vous a animés lorsque vous les réalisiez.

C’est l’hommage que doivent vous rendre les vivants !  

Par Mehlal Ali, Un fils de chahid 

(1)- La traduction concerne le verset 169 de la sourate : Al Imrân.
Elle est tirée du recueil en cinq tomes portant traduction du Coran par Cheikh Hamza Boubekeur, ancien recteur de la Mosquée de Paris. Le Coran - Traduction et Commentaire par Cheikh Hamza Boubekeur - ENAG / éditions 1994. 

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