La mise à nu

03/09/2023 mis à jour: 02:39
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La globalisation du monde est en marche, sans doute pas comme l'espéraient ses initiateurs. L'émergence du groupe des Brics, qui se veut un contrepoids à la puissance des Etats-Unis et de leurs alliés, se présente comme un espoir pour tous les pays qui ont souffert, pendant longtemps, d'un ordre international injuste, qui les maintenait dans la domination et la marginalisation.

Modifiant, en profondeur, la relation des hommes entre eux, des nations, voire des continents entre eux, cette  polarisation, imposée, de l'ordre mondial est entrée dans une autre phase, avec les soubresauts de l'Afrique subsaharienne, qui renoue avec les coups d'Etat vieille «recette» dont elle est coutumière, devenue un passage obligé pour accéder, par les armes, au pouvoir. Cette phase a sérieusement ébranlé la sérénité des grandes puissances, obnibulées par la sauvegarde de leurs intérêts, dans cette partie «chaude» (au   sens propre et au figuré) et néanmoins géostratégique du continent .

Aujourd'hui, on constate que le médiatique a joué un rôle non négligeable dans cette mue, qui a surpris tout le monde, en ce sens, qu'on est passé d'un monde de territoires à un univers de réseaux. L'Afrique, à travers ses derniers coups d'Etat, comme un phénomène tectonique, a réveillé les vieux démons coloniaux qui se trouvent au cœur de l'actualité et de leurs pré carrés menacés.

De même qu'elle a mis à nu les disparités hallucinantes entre les gouvernances des pays touchés par les «putschs». D'un côté, des gouvernants  à l'appétit vorace, on se souvient des tyranneaux excentriques ayant défrayé la chronique (Amin Dada, Bokassa, Mobutu, Mugabe, Macias Nguema...), des nababs de pacotille, gagnés par la corruption, le népotisme, la triche, la folie des grandeurs et la lutte des clans, de l'autre, des populations oubliées, sur le bas-côté de l'histoire, végétant au seuil de la pauvreté et de l'indigence, criant leur colère à la face du monde.

Le président français, lui, s'est inquiété de cette «épidémie de coups d'Etat». Sauf qu'il continue à divaguer, sur une Françafrique normalement révolue, avec la nostalgie remâchée d'un passé évanoui. Mais qui a instillé ce «mal» qui a  gangrené la conduite des affaires publiques des pays africains «amis», si ce n'est les mafias à la tête de ces pays, bien cautionnées, qui baignent dans le luxe et l'opulence, avec des fortunes colossales, alors que leurs peuples crient famine. Cette mue, qui ne plait sans doute pas aux «juridistes» obtus, n'est pas à sous-estimer et fait lever un vent d'espoir pour les foules révoltées. Ne dit-on pas que les serpents qui muent sont aveugles.

Les hommes aussi, en ne considérant pas cette mue à sa juste dimension. Que ce soit  à Niamey ou à Libreville, on a rendu la parole au peuple, même si ce n'est pas le même contexte et les mêmes motivations. Au Gabon, la chute de la dynastie des Bongo, cautionnés par l'ancien occupant, qui a régné sur le pays durant  plus d'un demi-siècle (55 ans) a révélé l'étendue de la catastrophe.

La providence a peut être arraché ce pays en révolte  aux égarements et aux dépassements de ses dirigeants, même si elle reste confuse sur les aspirations à venir. Sentant le danger, Paul Byia, le président vétéran, camerounais (42 ans de règne), a vite fait de procéder à un remaniement au sein de son armée, sait-on jamais ! Ces spasmes, issus de coups de force récurrents et condamnables, jettent une lumière crue sur le comportement des maîtres protecteurs, tutélaires, malades encore d'une ancienne griserie, mais qui ont consenti (c'est Macron qui l'a déclaré) de revoir  en profondeur leur politique africaine. La mise à jour s'imposait, mais si c'est avec le même état d'esprit, l'opération est vouée d'avance à l'échec...

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