La librairie «La Renaissance» de Riadh El Feth risque de fermer définitivement : «J’interpelle le président de la République, Abdelmadjid Tebboune»

24/07/2022 mis à jour: 06:03
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Photo : D. R.

Pour les habitués de la librairie La Renaissance, les férus de lecture, les auteurs seront inévitablement tristes de savoir qu’encore une fois un lieu de savoir, de culture, pourrait fermer et pénaliser les grands et petits lecteurs, les Algériens. La librairie La Renaissance de Riadh El Feth à Alger risque de fermer définitivement si rien n’est fait pour la sauver.

Les auteurs ayant signé leurs livres à la librairie La Renaissance se nomment Ahmed Serri, Leïla Aslaoui, Boualem Sansal, Mehdi (Chaîne III), Kaddour Mehamsadji, Mahfoud Keddache, Malika Hachid, Belkacem Rouache, Hakim Laâlam, Narimane Chentouf, Rahal Mansour, Laïfa Aït Daoud…Et bien, s’il n’y a pas de plan de sauvetage de la librairie La Renaissance, ce ne sera qu’un souvenir. Ici, était sise une librairie. Les livres, écrivains, la littérature, la joie de lire…Et maintenant, c’est devenu un fast-food, une boutique de bijoux de fantaisie…

C’est un homme inquiet, voire désespéré, qui nous a appelés et rappelés pour nous lancer un appel au secours, un cri de détresse, un SOS. Mustapha Benmejdoub, 70 ans, exerçant le métier de libraire depuis… 34 ans, risque de voir sa librairie, La Renaissance - inaugurée en 1986 à Riadh El Feth et sise au niveau 112, à l’Office Riadh El Feth (El Madania, à Alger) - fermer s’il ne s’acquitte pas de cette dette, un passif de 120 millions de centimes représentant la somme des mois de location à l’OREF durant la crise sanitaire où la librairie La Renaissance n’a pratiquement rien vendu.

La dernière librairie à Riadh El Feth

Mustapha Benmejdoub avait saisi le ministère de tutelle, de la Culture, en envoyant un courrier, datant du 4 avril 2022, au ministère de tutelle et plus précisément à la ministre de la Culture, Mme Soraya Mouloudji, lui demandant l’exonération du cumul de loyer non honoré durant la pandémie de Covid et de la crise sanitaire ayant impacté les ventes de livres. «J’ai adressé une correspondance à l’honorable ministre de la Culture, Mme Soraya Mouloudji, la sollicitant à propos de l’exonération de ce lourd passif de location de la librairie La Renaissance de l’ordre de 140 millions de centimes à l’OREF, et ce, tout en comptant sur sa bienveillance, sa compréhension et son approbation. Pendant deux ans, sans activité. On ne pouvait pas payer le loyer car on ne vendait pas de livre. C’était fermé, la crise sanitaire, les gens n’allaient pas à Riadh El Feth. Actuellement, le livre ne marche pas. Les gens n’achètent pas de livres surtout à Riadh El Feth.

On vit sous pression, avec une mise en demeure de l’huissier de justice. Nous demandons respectueusement à Mme la ministre de la Culture de réponde à l’OREF…» «Si nous fermons la librairie La Renaissance (et la librairie Jeunesse), il n’y aura plus de librairie à Riadh El Feth. Cette requête n’est pas pour moi, ce n’est pas un gain personnel. C’est tout simplement pour reprendre l’activité. Il s’agit de librairie, des livres… Il s’agit de sauver une librairie. Je vis dans la pression. Faut-il «manger» ou penser à régler ce cumul de loyer. Je suis tombé dans la précarité. C’est un appel à l’aide, au secours…

Des fois, nous n’ouvrons pas la caisse de toute la journée… Nous sollicitions L’État, le ministère de tutelle pour cette exonération. Nous n’avons pas d’autres ressources. Je travaille avec mes trois enfants, Hichem, Samir et Tarik - mariés et avec enfants - dans la gestion des librairies (La Renaissance et Jeunesse). Des fois, je regrette. Si nous nous n’avions pas investi dans le livre, nous ne serions jamais tombés dans la précarité… J’avais une dame et deux jeunes filles qui travaillaient avec moi, j’ai été obligé malheureusement de les arrêter parce que je ne pouvais plus assurer leurs salaires…»

«Simplement une exonération»

Je ne demande pas d’argent ou d’achat mais simplement une exonération… Maintenant, j’ai 70 ans où vais-je aller ? Mon père était déjà dans la papeterie et l’édition. Nous n’avons pas voulu changer d’activité à but lucratif. Changer la librairie en fast-food, pizzeria, restaurant, salon de thé ou supérette. Mais non, libraire, est un métier noble. Sinon, je me serai enrichi…».

Foire du livre ou foire d’empoigne

Mustapha Benmejdoub ajoutera avec amertume : «Les syndicats du livre sont au courant de cette intenable et pénible situation précaire. Ils n’ont ni appelé ni se sont rapprochés de nous, pour nous soutenir. Ils sont absorbés par d’autres affaires. Il faut aider et se solidariser avec nous. La librairie est un lien culturel avec le citoyen. Comment peut-on se désolidariser avec actant de la chaîne du livre ? Si j’étais chanteur de raï, on m’aurait soutenu. J’ai frappé à toutes les portes. Je n’ai rien obtenu. Parmi elles, l’Office Riadh El Feth. Il existe des espaces abandonnés à l’OREF sur les trois niveaux. J’ai déposé une demande, il y environ un mois. En juin 2022. L’objet portait sur l’octroi d’un espace de 200 m2 pour organiser une foire du livre.

Car cela attire les lecteurs et le public. Avant, avec l’ancienne direction, j’organisais cet événement chaque année. La DEP a accepté la demande en la signant. Mais au niveau du directeur de l’OREF, il a conditionné l’organisation de cette foire par le payement de l’espace. Pourtant, c’est un espace abandonné. Il y a un grand blocage au sein de l’administration de l’OREF. Avec cette événement culturel ; j’aurais pu payer mon loyer. Mais non. On est bloqué et paralysé. On n’aime pas les gens qui travaillent.»

«Le président aime, défend et encourage la culture en Algérie»

«Comme je n’ai eu aucune réponse de Mme la ministre de la Culture, alors j’interpelle le président de la République, Abdelmadjid Tebboune. C’est une personne qui aime, défend et encourage la culture en Algérie. Il aime le livre. J’espère que le président de la République sera informé sur cette situation précaire et que les librairies La Renaisance et Jeunesse vont fermer si rien n’est fait. J’interpelle le président de la République parce que nous aimerions que les gens continuent à lire.

Il y a une loi datant de deux ans qui stipule que les institutions de l’Etat achètent des ouvrages aux librairies. Si on aurait appliqué cette loi, jamais nous en serions arrivés là. Les universités n’achètent que les importateurs. C’est un gaspillage. Je ne demande pas d’argent. Je veux uniquement être exonéré de cette lourde dette. Sinon, j’ai des ouvrages d’histoires. Comme celui intitulé 50e anniversaire de l’UGEMA. J’en possède 1000 exemplaires en stock.

Ou tel que intitulé Lettres d’un prisonnier de la guerre d’Algérie de Derradji Bouhariti parus aux éditions La Renaissance, en stock aussi. Pourquoi le ministère de la Culture et celui des Moudjahidine n’achètent pas nos ouvrages. Même dans le livre, il existe le favoritisme. Pour vous dire, il y a des gens dans le besoin, des citoyens, sont venus m’aider selon leur fortune du pot. Mais j’ai décliné la proposition. Ils sont généreux et humains. Mais je ne voudrais pas de l’argent. Seulement, être exonéré, pas autre chose. Il s’agit de livre, de culture, de savoir, pas d’argent…

 


 

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