La Dernière Reine projeté au Festival de la littérature et du cinéma de la femme : Malentendu et turcophobie en film

21/09/2023 mis à jour: 05:45
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Salle de spectacle de la ville de Saïda où a été projeté La Dernière reine - Photo : D. R.

Ce qui émerge peu à peu d’un flot d’images gorgées d’une violence inouïe, à force d’une spectacularité extrême, c’est l’insistance non sur la témérité des combattants turcs mais sur une bestialité qui leur est prêtée par leurs gestuelles et leurs hurlements de fauves.

Le seul film qui m’a provoqué durant le festival. L’histoire je la laisse aux historiens», est une appréciation sur La Dernière reine d’un homme de théâtre sur Facebook le lendemain de sa projection à Saïda, lors du Festival de la littérature et du cinéma de la femme.

Terrible est cet aveu qui fait de l’histoire une affaire secondaire au profit d’une fiction qui fait allègrement fie de celle-ci. Adila Bendimred, la coréalisatrice du film, n’a-t-elle pas ainsi fait des émules, elle qui a publiquement revendiqué un spécieux droit à la fiction, sans en tracer de limites, par quelque souci déontologique que ce soit. Pis, elle ne s’est par ailleurs pas réclamée d’un droit à l’uchronie qui, elle, reconnaît explicitement que ce qu’elle rapporte n’a pas eu lieu comme dans le film Retour vers le futur de Robert Zemeckis.

En effet, la moindre des règles en la matière impose que le spectateur connaisse bien l’histoire sur la ou les questions abordées, l’intrusion de l’imagination sur la base d’un raisonnement contrefactuel n’ayant de sens que de permettre d’interroger l’histoire.

Or, comme il y a une méconnaissance flagrante en notre pays en matière historique, un tel film participe forcément de sa falsification. Son intrigue tourne autour de la destinée de Zaphira résistant à la prise de pouvoir sur Alger par Baba Aroudj, présenté par les agissements qui lui sont prêtés comme le méchant de l’histoire, venu à la tête d’une horde de soudards.

Or, l’existence de cette Zaphira a été remise en cause, en Europe même, aussitôt qu’elle a été annoncée par Jacques-Philippe Laugier de Tassy, le chancelier du consulat français à Alger en 1717-1718, un homme réputé pour être un fabulateur.

De la sorte, Zaphira, le personnage titre qu’elle introduit et qu’elle campe, s’il n’a en rien modifié le cours de l’histoire, il en a, par contre, modifié sérieusement le sens chez le spectateur non averti. Ainsi, la mise en échec de la Reconquista catholique est réduite à une affaire de corsaires lubriques, sans foi ni loi.

Car, pour rappel, après la victoire achevée en 1492 sur les occupants musulmans de l’Espagne, la Reconquista s’en est pris à la rive sud de la Méditerranée d’où étaient arrivés en 711 les conquérants musulmans. Ceci étant rapporté pour la clarté du propos, qu’en est-il dans le film ? Les premières séquences d’exposition sèment plus la confusion qu’elles n’éclairent sur la situation historique.

On sait globalement qui sont en présence, mais on ne distingue pas qui est qui dans les scènes de combat, leurs lieux et leur moment historique. Ce qui émerge peu à peu d’un flot d’images gorgées d’une violence inouïe, à force d’une spectacularité extrême, c’est l’insistance non sur la témérité des combattants turcs mais sur une bestialité qui leur est prêtée par leurs gestuelles et leurs hurlements de fauves.

D’autres plans, à d’autres moments, sales, rictus aux lèvres, ils sont l’exacte image des affreux pistoléros popularisés par les westerns spaghetti. C’est en conséquence par cet aspect, purement cinématographique, que le film choisit son camp, celui de la turcophobie en Europe et particulièrement en France.

Certes, à Saïda, le public a applaudi, mais parce qu’il s’agit d’un film d’action, que par ailleurs son casting est remarquable avec des comédiens qui ont haussé le film à des niveaux supérieurs par leurs talents, par la reconstitution éblouissante des décors et des costumes. Là est aussi le malentendu d’un succès. 


 

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