La crise alimentaire : Une question de sécurité mondiale

13/03/2023 mis à jour: 23:10
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Cette présente contribution traite du rapport de la FAO (février 2023) concernant les tensions alimentaires dans le monde à travers l’indice des prix d’un panier de produits alimentaires composé des cinq groupes de produits de base, la viande, les produits laitiers, les céréales , les huiles végétales et le sucre.


1.- Le constat est que par rapport aux années 2021/2022, , pour la période de janvier à février 2023, l’Indice des prix des produits alimentaires recule mais très légèrement. Le repli en février 2023 s’explique par un important recul des indices des prix des huiles végétales et des produits laitiers et une faible baisse des indices des prix des céréales et de la viande, qui font plus que compenser une nette hausse de l’indice des prix du sucre. Pour les céréales, le niveau de l’indice de février 2023, s’explique par les inquiétudes que suscite le temps sec dans les principales régions de production de blé dur rouge d’hiver aux Etats-Unis d’Amérique, la forte demande de l’Australie, , la vive concurrence entre les pays exportateurs mais également par la dégradation des conditions en Argentine, ainsi que par des retards dans les semis de la seconde culture de maïs et un rythme d’exportation soutenu au Brésil, tandis que la faible demande à l’importation aux Etats-Unis d’Amérique a pesé sur les prix du maïs à l’exportation, ce qui a contribué au plafonnement de la hausse des prix, 

Ainsi, les prix internationaux du riz se sont tassés de 1,0 pour cent en février, car les activités commerciales ont ralenti dans la plupart des principaux pays exportateurs d’Asie, alors que leurs monnaies nationales se déprécient face au dollar des États-Unis. La faiblesse de l’indice des huiles végétales s’explique par le recul des prix des huiles de palme, de soja, de tournesol et de colza, où les prix mondiaux de l’huile de soja ont continué à baisser, sous l’effet d’une diminution des achats dans les principaux pays importateurs et de la hausse de la production attendue en Amérique du Sud. 

En ce qui concerne l’huile de tournesol et l’huile de colza, les cours mondiaux ont poursuivi leur trajectoire descendante, tirés vers le bas par l’abondance des disponibilités exportables dans le monde. Les prix des produits laitiers, ont connu un fléchissement en février 2023 des prix, les reculs les plus nets étant à mettre au compte du beurre et du lait écrémé en poudre la raison étant dû à une demande mondiale faible, en particulier en ce qui concerne les livraisons à court terme, est à l’origine de cette baisse des prix, malgré l’augmentation notable des achats ces dernières semaines dans l’Asie du Nord.. Pour l’indice des prix de la viande, , les prix internationaux de la viande de volaille ont accusé leur huitième mois consécutif de baisse, sous l’effet d’une offre mondiale abondante et d’une demande à l’importation moins soutenue, malgré les épidémies de grippe aviaire qui sévissent dans plusieurs des principaux pays producteurs Après avoir baissé sans interruption depuis juin 2022, les prix de la viande bovine sont restés stables, car la reprise des achats à l’importation, en particulier en Asie du Nord, a plutôt bien équilibré la demande mondiale et l’offre actuelle. Les prix internationaux de la viande ovine ont eux aussi globalement peu évolué, car la demande mondiale était suffisante pour absorber l’offre abondante en provenance d’Australie. 

L’indice des prix du sucre a connu un .le rebond de février principalement lié à la révision à la baisse apportée aux prévisions concernant la production de sucre en Inde en 2022-2023, qui a affaibli les perspectives d’exportation avec des craintes quant à une baisse des disponibilités exportables en provenance de l’Inde dans un contexte de forte demande mondiale à l’importation. Toutefois, la bonne avancée des récoltes en Thaïlande et des précipitations abondantes dans les principales régions du Brésil ont empêché une hausse des prix plus marquée, combiné au fléchissement des cours internationaux du pétrole brut et des prix de l’éthanol au Brésil qui a également contribué à limiter la pression haussière sur les prix mondiaux du sucre.
 

2.- Selon un rapport de l’ONU du 06 juillet 2022, analysant l’année 2021, environ 2,3 milliards de personnes (29,3 pour cent de la population mondiale) étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave – soit 350 millions de personnes de plus qu’avant la pandémie de Covid-19. Près de 924 millions de personnes (11,7% de la population mondiale) étaient confrontées à une insécurité alimentaire grave, soit une augmentation de 207 millions de personnes en deux ans où la population était de 7,88 milliards actuellement dépassant milliards d’habitants soit plus de 10%, L’ Afrique subsaharienne connaît une misère inégalée ,où seulement en trois ans, 2020/2022, le nombre de personnes qui se rapprochent de la famine est passé de 3,6 millions à 10,5 millions dans cinq pays – le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Niger avec un flux migratoire selon le PAM de 400%. Avec l’impact du réchauffement climatique toujours selon l’ONU la sécheresse devrait frapper durement l’Afrique qui ce qui accentuerait la crise alimentaire et les flux migratoires corrélée avec la pénurie d’eau, 2,2 milliards de personnes sur la planète n’ont pas accès à de l’eau potable à leur domicile. Les prix des denrées alimentaires, déjà en hausse depuis le second semestre 2020, ont atteint un niveau record en février 2022 en raison de la forte demande, des coûts des intrants et du transport, mais aussi des perturbations du trafic portuaire. Les prix du blé et de l’orge, par exemple, ont augmenté de 31% dans l’ensemble du monde au cours de l’année 2021. Les prix de l’huile de colza et de l’huile de tournesol ont affiché une hausse de plus de 60% (voir notre intervention sur YouTube à la télévision internationale Alg 24 New’s du 04 mars 2023). La forte demande et la volatilité des prix du gaz naturel ont également fait grimper les coûts des engrais. 

C’est ainsi que le prix de l’urée, un important engrais azoté, a plus que triplé au cours des 12 derniers mois. Et se pose l’impact du conflit entre la Russie et l’Ukraine sur la sécurité où ces deux pays assurent réalisent plus d’un tiers des exportations mondiales de céréales. Ce sont aussi de grands fournisseurs de colza, qui d’autre part réalisent 52 pour cent des exportations mondiales d’huile de tournesol. En effet, les perturbations subies par la production et les filières d’approvisionnement et d’acheminement des céréales et des graines oléagineuses, et les restrictions imposées aux exportations de la Russie ont des répercussions sensibles sur la sécurité alimentaire. Cela est particulièrement le cas des pays qui dépendent des importations de blé et se procurent 30%, voire plus, de leur blé auprès de la Russie et de l’Ukraine, bon nombre de pays se situant en Afrique, en Asie au Proche-Orient, d’Europe et d’Asie centrale. 


En conclusion, la sécurité alimentaire, devant éviter les utopies n’existant de sécurité alimentaire à 100%, chaque pays devant investir dans les projets à avantages comparatifs, est le fondement de la sécurité de chaque pays (voir la contribution du professeur Abderrahmane Mebtoul , mensuel El Moudjahid Politis mars 2023, la nécessaire transition énergétique). Face aux impacts irréversibles du réchauffement climatique et de la pression démographique mondiale , plus de 8 milliards s d’habitant depuis le 1er janvier 2023, avec plus d’un quart au niveau de l’Afrique entre 2030/2035, s’impose pour l’humanité la nécessaire transition énergétique fondée sur un nouveau modèle de production alimentaire et donc consommation, économisant l’eau qui deviendra l’enjeu majeur du XXIe siècle, fondement de la sécurité mondiale. 

 

 

Par  Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités, expert international 
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