La boxeuse au mental d’acier qui s’est battue contre le monde entier : Médaille d’amour pour Imane Khelif

05/08/2024 mis à jour: 14:33
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Elle s’est battue au premier tour contre l’Italienne Angela Carini, puis en quarts de finale contre l’Hongroise Hamori Anna Luca. Et elle est en bonne voie pour aller en finale. Mais Imane Khelif s’est aussi abattue contre des légions de «haters», dont quelques célébrités aux commentaires malveillants mettant en doute sa féminité : Elon Musk, Donald Trump, Giogina Meloni, Piers Morgan, J. K. Rowling… Une épreuve violente dont notre championne est sortie grandie, portée en triomphe par tout un peuple.

 

 

En battant l’Hongroise Hamori Anna Luca (5-0), samedi, à l’Arena Paris Nord et en se qualifiant pour les demi-finales chez les moins de 66 kg, la boxeuse Imane Khelif, qui est au cœur d’une véritable tempête médiatique, est assurée de remporter au moins le bronze. 

C’est une règle spécifique à la boxe : en effet, les quatre demi-finalistes repartent au moins avec une médaille de bronze. Mais après tout ce qu’elle vient de traverser, Imane Khelif s’est surtout assurée de gagner la plus chère et la plus précieuse des médailles : celle de l’estime, de l’amour et du respect de tout un peuple. Oui, la médaille du cœur que lui a décernée le peuple algérien. Car toute l’Algérie scande son nom avec ardeur comme le chœur de ces supporters transfigurés qui ont afflué en nombre à Villepinte, en Seine-Saint-Denis, où se déroulent les épreuves de boxe, pour la soutenir en agitant le drapeau algérien. Mieux encore : son «affaire» lui a valu un élan de sympathie qui a largement dépassé nos frontières.


«Elle est née femme, boxe en tant que femme» 

Pour ceux qui n’ont pas suivi ce feuilleton olympique, depuis son entrée en lice aux JO de Paris jeudi 1er août et son premier combat remporté en 46 secondes face à l’Italienne Angela Carini, nous assistons à une véritable campagne de harcèlement politico-médiatique contre notre championne, avec des relents de racisme absolument nauséabonds. Il a été reproché à Imane, pour aller vite, de boxer dans une catégorie qui n’est pas la sienne. Et ce n’est pas en termes de poids que le problème est posé mais en termes de genre. La boxeuse présenterait un niveau élevé de testostérone qui ferait d’elle plutôt une athlète «masculine», et à ce titre, elle ne devrait pas boxer avec les filles. 

L’affaire a pris des proportions délirantes lorsque des personnalités comme Elon Musk, Donald Trump, Viktor Orban, Piers Morgan ou encore l’écrivaine J. K. Rowling, la «mère» de Harry Potter, se sont jetées dans le ring de la propagande et de la calomnie pour tenter de disqualifier Imane Khelif en colportant des arguments douteux et factuellement erronés. Et avec l’hystérie des réseaux sociaux et leur propension à tout amplifier, les attaques subies par Imane ont tourné au cyberharcèlement, atteignant une ampleur épouvantable. 
 

Pourtant, les choses ont été claires depuis le début comme l’a rappelé le CIO, le Comité international olympique, qui, à aucun moment, n’a mis en doute l’éligibilité de notre compatriote. «Elle est née femme, enregistrée comme femme, vit sa vie en tant que femme, boxe en tant que femme», a tranché vendredi le porte-parole du CIO, Mark Adams, lors d’un point de presse quotidien, avant de préciser très explicitement : «Ce n’est pas un cas transgenre.» 

Vendredi, soit la veille du match de quarts de finale, l’Hongroise «a déclenché les hostilités à l’encontre de Khelif via de nombreuses stories publiées sur Instagram où elle a partagé de multiples posts offensants contre l’Algérienne : ‘‘C’est la femme qui va combattre un boxeur demain.’’ Ou encore un autre où l’on voit une combattante faire un face-à-face avec une bête musclée avec des cornes, le tout avec le symbole ‘‘Paris 2024’’», rapporte la radio RMC Sport sur son site officiel. Dans un autre message, Anna Hamori se plaint : «Je dois combattre un homme demain, ça été avéré qu’Imane Khelif est un homme. En 2023, elle a été disqualifiée. Je vais mettre ma vie en danger.» 

De son côté, le Comité national hongrois a saisi le CIO. «Seules les concurrentes présentant des caractéristiques biologiques exclusivement féminines doivent être autorisées à concourir dans la catégorie femme. Dans le cas contraire, le droit des femmes à l’égalité des chances et à une concurrence loyale est fondamentalement violé», a déclaré l’instance hongroise dans un communiqué. 

Au tour précédent, le combat contre l’Italienne Angela Carini est devenu une affaire d’Etat. La Première ministre italienne d’extrême droite, Giorgia Meloni, a réagi après la défaite de la boxeuse transalpine en déclarant sur X : «Je pense que les athlètes qui ont des caractéristiques génétiques masculines ne devraient pas être admis aux compétitions féminines.» Et d’ajouter : «Je sais que tu n’abandonneras pas, Angela, et je sais qu’un jour tu gagneras avec efforts et sueurs ce que tu mérites. Dans une compétition enfin équitable.» 

Son bras droit Mattéo Salvini, vice-président du Conseil des ministres, se lâche à son tour en parlant de «gifle à l’éthique du sport et à la crédibilité» des Jeux olympiques. Il interroge pourquoi «la boxeuse trans algérienne» (ce sont ses mots) a été admise à participer aux JO alors qu’elle était interdite de compétition aux Championnats du monde. L’homme politique italien faisait référence à la disqualification d’Imane aux Mondiaux de boxe de New Delhi en mars 2023 pour «taux élevé de testostérone». 

Non contente d’empêcher Imane d’évoluer au plus haut niveau de compétition, la Fédération internationale de boxe (IBA selon l’acronyme anglais) a pris fait et cause pour son adversaire italienne en insinuant que le combat de jeudi dernier n’était pas loyal. Dans un communiqué diffusé vendredi 2 août, le président de l’IBA, Umar Kremlev, a exprimé son soutien à la boxeuse italienne en affirmant : «Seules les athlètes éligibles devraient concourir pour des raisons de sécurité.» Il lance dans la foulée : «Je ne comprends pas pourquoi ils tuent la boxe féminine.» 

Signalons que l’IBA et le CIO sont en conflit. Le soutien de la Fédération internationale de boxe à Angelina Carini ne s’arrête pas aux mots. Elle a proposé une juteuse récompense à la boxeuse battue par l’Algérienne. «L’invraisemblable geste de l’IBA, qui va donner 100 000 dollars à l’Italienne Carini après son abandon polémique contre l’Algérienne Khelif» titre RMC Sport. 


De Biban Mesbah à Tokyo

Mais c’est précisément le genre de gestes qui ne peuvent que booster notre brave Tiaretoise au mental d’acier, comme l’a souligné Kheireddine Barbari, le chef de la délégation algérienne, au micro de RMC Sport. «Imane, c’est notre championne. Imane, c’est une affaire d’Etat. Imane est vice-championne du monde. Elle est là pour gagner la médaille olympique. On est tous derrière elle. On sait très bien les gens qui sont derrière cette polémique. Mais ça a donné plus de motivation à notre championne. One, two, three, viva l’Algérie !» martèle-t-il. 

N’en déplaise à tous ces «haters» et leurs petites phrases haineuses, le succès fulgurant de notre battante au cœur d’or et aux poings rageurs sur les tous les rings de la vie constituera désormais une source d’inspiration pour des milliers de filles et de garçons en Algérie. La vice-championne du monde 2022 et qui a été classe 5e aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021, le disait dernièrement, dans un reportage sur Canal Algérie. «L’histoire d’Imane, de mon point de vue, est passionnante», glissait avec humilité et un sourire espiègle la jeune pugiliste de 25 ans. Et elle l’est tout à fait, Imane. Une formidable success story. Celle d’une jeune fille originaire de Laghouat qui a grandi dans un petit village près de Tiaret, Biban Mesbah, commune d’Aïn Bouchekif, qu’elle a tiré désormais de l’anonymat. 

Dans ce reportage émouvant, elle raconte avec une touchante simplicité, sans pathos, toutes les épreuves qu’elle a traversées avant de devenir l’icône qu’elle est. Imane est issue, dit-elle fièrement, d’un petit village de la wilaya de Tiaret. Biban Mesbah «était éloigné du centre-ville d’environ 10 km», précise-t-elle dans ce reportage. «Je suis venue du village à la ville et de la ville à la capitale, puis de la capitale vers l’étranger.» «Je viens d’une famille conservatrice, et la boxe est un sport peu pratiqué par les femmes. C’est ce qui était difficile pour moi. Même question transport, pour me déplacer du village au centre-ville où j’effectuais mes entraînements, c’était compliqué. Ce sont là les obstacles que je devais surmonter à mes débuts. Je suis arrivée jusqu’à vendre de la galette au bord des routes, je récupérais des objets en plastique, en fer et en cuivre pour les revendre afin de pouvoir payer le transport, parce que ma famille était pauvre et n’avait pas les moyens de m’assurer ces commodités.» Et te voici sur le toit du monde. Bonne chance pour la suite, Imane !

Mustapha Benfodil 

 

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