Zoubida Assoul. Présidente de l’Union pour le changement et le progrès : «Je ne compte pas faire de la figuration à la présidentielle»

18/03/2024 mis à jour: 03:20
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Photo : H. Lyès

Zoubida Assoul, avocate et présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP), est la première personnalité politique à décider de se porter candidate à la candidature de la présidentielle 2024. Dans cet entretien, elle revient sur les raisons de sa participation à ce rendez-vous électoral, alors que son parti a, depuis sa création, opté pour le boycott. Son programme électoral sera dévoilé dès la convocation du corps électoral. Elle pense que l’Algérien ne boudera pas cette fois-ci les urnes, pour peu que des mesures d’apaisement interviennent. Elle fait part de sa vision de l’indépendance de la justice. Elle estime, par ailleurs, que la politique étrangère du pays et sa capacité à influer sur la géopolitique dépend de sa stabilité en interne.

  • Vous êtes la première personnalité politique à décider de vous lancer dans la compétition électorale pour la présidentielle de décembre prochain. Pourquoi ? Qu’est-ce qui a motivé la décision de l’UCP ?

Depuis son agrément en 2013, l’Union pour le changement et le progrès (UCP) n’avait jamais participé à une quelconque élection, nous avions privilégié l’éveil politique et la formation des militants.

Nous avions aussi contribué par des propositions de réformes du mode de gouvernance et du fonctionnement des institutions à travers la proposition d’un projet de constitution qui consacre la séparation et l’équilibre des pouvoirs, avec un pouvoir judiciaire indépendant, seul garant des droits et libertés individuelles et collectives.

Vous savez, dès l’instant où l’on s’engage en politique, on est amené inévitablement à se projeter à répondre aux attentes citoyennes et conformément à nos valeurs.

Et partant, on se prépare tout le temps à une pareille échéance. C’est un travail de longue haleine qui est fait d’analyse, de réflexion et de recherche de solutions pour répondre à tous les problèmes du pays en s’appuyant sur les expériences passées.

Nous avons donc expérimenté, comme d’autres acteurs et forces politiques, le boycott des élections et ses effets sur la vie des citoyens.

Force est de constater que cette démarche n’a pas permis d’opérer le changement escompté et a induit, hélas, à un renforcement du système en place mais plus encore à la dégradation des acquis en termes de droits et libertés, des conditions de vie des citoyens et de la gouvernance des institutions.

Cinq années depuis le déclenchement du hirak et l’espoir qu’il a suscité, la répression a été érigée en mode de gouvernance, au vu de toutes les lois liberticides promulguées, la fermeture des champs politique et médiatique et des espaces publics, l’absence de débats contradictoires sur l’ensemble des sujets qui touchent à la vie du citoyen.

Bref, on a tué la vie politique et on a poussé bon nombre de personnes à quitter le pays parce qu’elles n’arrivent plus à se projeter. Les revendications exprimées par le mouvement pacifique ont porté essentiellement sur la concrétisation de l’Etat de droit avec tout ce qu’il induit comme droit à l’épanouissement et au bien-être du citoyen.

A ce titre, si le Hirak a rempli amplement sa mission en faisant barrage à un cinquième mandat, à charge maintenant aux élites de traduire ces revendications en des projets et actions politiques pérennes.

Aussi, après mûre réflexion et au regard de la situation de notre pays, dans un monde qui annonce des bouleversements sans précédent faisant craindre des risques sécuritaires réels qu’induit la nouvelle géopolitique, j’ai décidé de me porter candidate à la présidentielle 2024, après approbation du conseil national le premier mars de l’année en cours.

  • Comment répondez-vous aux critiques visant votre projet de candidature à la présidentielle ?

Les personnes qui considèrent que ma candidature servirait à légitimer le pouvoir se fourvoient, puisque ni l’UCP ni moi-même ne sommes des alliés du système.

Par ailleurs, j’ai bien précisé que je ne comptais pas faire de la figuration et que mon intention est donc de participer de manière effective à cette échéance avec un projet qui ambitionne le changement pour le bien des Algériennes et des Algériens.

Leur redonner la confiance en eux-mêmes et en leur pouvoir de faire la différence par l’acte de choisir leur Président est une chance de rompre avec l’inertie.

  • Vous entrez donc dans la compétition avec un projet électoral. Peut-on connaître le contenu de votre programme ?

Mon programme vous sera communiqué dès la convocation du corps électoral. Je peux, toutefois et dès à présent, vous indiquer que les axes principaux du programme seront en droite ligne avec les revendications essentielles que je n’ai cessé de marteler depuis la création de l’UCP et qui sont notamment : l’Etat de droit et une économie prospère créatrice de richesse et d’emplois sans discrimination. Il y a eu un échec de la politique économique qui s’est traduit par la destruction de notre assise industrielle.

  • Que proposez-vous pour diversifier l’économie nationale ?

Pour permettre à notre économie de sortir de sa dépendance chronique de la rente des hydrocarbures, il est urgent d’entamer sa diversification en réformant l’administration, le système bancaire et fiscal, en encourageant la création de petites et moyennes entreprises, en mobilisant les compétences, en privilégiant la création d’emplois, le tout dans un climat de confiance et de sécurité juridique.

  • Vous étiez ancienne magistrate et vous exercez actuellement la profession d’avocate. Quelle est votre vision du système judiciaire ? 

Effectivement, mon parcours professionnel a commencé par la fonction de juge en 1981 dans les juridictions, ensuite comme première cadre supérieure au ministère de la Justice jusqu’en 1990, en tant que praticienne du droit pour passer à législatrice durant la période de transition (1994-1997).

Depuis 2004 à ce jour, j’exerce le métier d’avocate. L’expérience et le vécu au sein des institutions judiciaire et parlementaire m’ont permis de déceler toutes les anomalies et dysfonctionnements auxquels je souhaite y remédier à travers mon engagement politique.

Ainsi, ma vision de l’indépendance de la justice passe d’abord par une volonté politique réelle et sa traduction sur le terrain. Elle se fera avec la participation de tous les acteurs du monde judiciaire, dans le but de rétablir la confiance du justiciable et des acteurs économiques en l’institution.

  • Comment comptez-vous convaincre les Algériens à se rendre aux urnes et à voter pour vous ?

Si l’on juge les conséquences du boycott des précédentes consultations électorales sur la vie des citoyens et citoyennes, pour peu que d’ici décembre 2024, les mesures d’apaisement exigées interviennent, en particulier la libération des détenus politiques et d’opinion, alors rien ne s’opposera à une participation massive au vote, d’autant qu’il s’agit d’accomplir un devoir envers notre pays.

Il sera aussi question d’en finir avec l’arbitraire, l’injustice et le manque de considération que l’on subit depuis bien longtemps.

  • Plusieurs partis politiques conditionnent leur participation à ce scrutin par la réunion des conditions et un climat apaisant. Qu’en pensez-vous ?

Je suis d’avis qu’aucune voix ne peut-être audible quant aux exigences de mise en place des conditions d’une élection ouverte, transparente et garantissant l’égalité des chances à tous les candidats, sans qu’elle ne soit appuyée par une candidature. Par ailleurs, il est utopique de s’attendre à un climat idéal, au vu de toutes les tentatives antérieures.

  • L’UCP faisait partie du Pacte de l’alternative démocratique (PAD), composé de plusieurs partis et personnalités nationales. Est-ce que vous avez eu à débattre de l’éventualité d’aller vers une candidature consensuelle pour le camp démocratique ?

Dans le cadre du PAD créé en juin 2019, la question de la participation aux élections présidentielles et celle du candidat consensuel n’ont jamais été abordées et pour cause, les exigences de l’époque étaient toutes autres.

L’UCP n’a ménagé aucun effort, durant l’année 2023, dans le dialogue et la concertation avec une bonne partie des acteurs politiques de l’opposition démocratique.

Notre parti a appelé à travailler sur l’éventualité d’un candidat consensuel sans y parvenir. Nonobstant cela, j’ai déclaré que j’étais toujours disposée à discuter de toutes propositions autour d’un candidat consensuel.

  • Des partis politiques ont appelé au renforcement et à la consolidation du front interne. Ils ont tenu des rassemblements et tenté d’élaborer une stratégie unitaire pour conforter le front interne… Quelle appréciation faites-vous de cette initiative ?

S’il y a eu des pistes proposées par d’autres partis politiques, c’est qu’elles n’ont pas été clairement exprimées. L’UCP a toujours été ouvert au dialogue et a même œuvré activement dans ce sens.

Toutefois, il est évident que la politique étrangère du pays et sa capacité d’influer sur la géopolitique dépend de sa stabilité en interne, soit de son pouvoir à surmonter la crise politique chronique, aux fins de rétablir la confiance.

  • Le FFS propose également une initiative et a rencontré plusieurs partis et personnalités politiques. Est-ce que vous avez été approchée et que pensez-vous de son projet ?

Concernant l’initiative du FFS, l’UCP n’a pas été approchée.

  • Un communiqué du ministère de l’Intérieur datant de 2021, accusant l’UCP d’être en situation d’illégalité, a circulé au lendemain de l’annonce de votre participation à la présidentielle. Comment expliquez-vous cela ? Qui est derrière ce communiqué ?

Je confirme qu’il s’agit bien d’une fake news et je sais qui est derrière et je suis préparé à faire face à d’autres...

  • Nous ne vous avons pas entendu sur la guerre en Palestine. Le barreau d’Alger a mis en place une commission pour Ghaza. Vous en faites partie ?

L’UCP s’est exprimé sur les crimes de guerre, contre l’humanité et le génocide perpétrés contre les populations civiles de Ghaza, en particulier contre des enfants et des femmes.

L’Algérie n’ayant pas ratifié le statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale, elle n’est pas recevable à déposer plainte devant cette juridiction.

Par ailleurs, le soutien de l’Algérie quant à la question palestinienne n’a jamais souffert d’ambiguïté, de même n’a ménagé aucun effort pour plaider le cessez-le-feu et l’acheminement des aides aux populations.

L’Union nationale des barreaux algériens a récemment déposé une requête auprès du procureur de la Cour pénale internationale dans l’espoir qu’une enquête soit diligentée. Le barreau des avocats d’Alger, de son côté, a mis en place une commission Ghaza dont je fais partie.

Elle travaille pour des démarches similaires. L’incapacité de la communauté internationale à faire appliquer le droit international contre Israël en dit long sur le pouvoir des lobbies, bien que les opinions publiques occidentales commencent à prendre conscience de l’injustice de l’occupation imposée au peuple palestinien depuis bien longtemps.
 

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