Washington a exhorté ses concitoyens à quitter le territoire ukrainien sans attendre : Les bruits de bottes s’intensifient aux frontières de l’Ukraine

12/02/2022 mis à jour: 01:19
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Les Etats-Unis ont prévenu la Russie qu’elle ferait l’objet de sanctions économiques dévastatrices en cas d’agression militaire. Mais Moscou, qui se pose en victime d’une politique agressive de l’Otan, a jusque-là fait fi de ces menaces.

La Russie lancera-t-elle une offensive contre l’Ukraine ? Même si les autorités russes ont assuré à de nombreuses reprises qu’elles ne joueront pas la carte de l’escalade et qu’elles n’ont pas l’intention d’envahir leur voisin «passé à l’Ouest», les Etats-Unis soutiennent mordicus qu’une attaque russe contre Kiev est imminente. La Russie est d’ailleurs accusée depuis plusieurs mois par les Occidentaux d’avoir massé plus de 100 000 soldats et des armes lourdes à la frontière ukrainienne. 

Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a ainsi a averti hier qu’une invasion durant les Jeux olympiques d’hiver n’était pas à exclure. «Nous sommes dans une période où une invasion pourrait commencer à tout moment, et pour être clair, cela inclut les Jeux olympiques», a-t-il déclaré, balayant les spéculations selon lesquelles Moscou attendrait la fin des Jeux de Pékin, qui s’achèveront le 20 février, pour éviter de faire de l’ombre à son allié chinois. «Pour le dire simplement, nous continuons à voir des signes très troublants d’une escalade russe», a expliqué M. Biden à l’issue d’une rencontre avec ses partenaires du Quad, qui regroupe l’Australie, l’Inde, le Japon et les Etats-Unis, à Melbourne. Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a lui aussi mis en garde hier contre le «risque réel d’un nouveau conflit armé». 

Le chef des services norvégiens de renseignement militaire a estimé, quant à lui, que «tout est prêt d’un point de vue opérationnel pour un vaste spectre d’opérations militaires russes en Ukraine», soulignant que la décision n’appartenait plus qu’au Kremlin. Les Russes «ont tout ce dont ils ont besoin pour tout mettre à exécution, d’une invasion mineure à l’est, d’attaques mineures un peu partout en Ukraine à une invasion complète avec, éventuellement, une occupation de toute l’Ukraine ou de certaines parties» du pays, a déclaré le vice-amiral Nils Andreas Stensønes.

Face justement à une telle perspective, le président américain, Joe Biden, a demandé aux Américains présents en Ukraine de quitter le pays. Pour beaucoup d’observateurs, c’est aussi le signe que la guerre pourrait se rapprocher. «Les citoyens américains doivent partir, ils doivent partir maintenant», a-t-il exhorté lors d’une interview sur NBC News. «Nous avons affaire à l’une des plus grandes armées du monde. C’est une situation très différente, les choses pourraient vite s’emballer.» 

Le président américain a rappelé qu’il n’enverrait pas de soldats sur le terrain en Ukraine, même pour évacuer des Américains dans l’hypothèse d’une invasion russe. Ce serait «une guerre mondiale. Quand les Américains et les Russes commencent à se tirer dessus, nous sommes dans un monde très différent», a-t-il affirmé. «Ce que j’espère, c’est que si (...) (Poutine) est assez imprudent pour y aller, il est assez intelligent pour ne rien faire qui ait un impact négatif sur les citoyens américains», a encore dit Joe Biden au sujet du président russe. 

Les efforts diplomatiques européens s’enlisent 
 Les autorités ukrainiennes ont, quant à elles, minimisé hier l’importance de l’appel du président américain à ses compatriotes de quitter l’Ukraine. «Il n’y a rien de neuf dans cette déclaration», a relativisé le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba. Kiev avait déjà qualifié d’alarmiste la décision des Etats-Unis d’évacuer les proches du personnel de l’ambassade et leur analyse quant à l’imminence d’une offensive russe. M. Kouleba a par ailleurs une nouvelle fois rejeté les accusations de Moscou, affirmant que Kiev préparait une attaque contre les séparatistes prorusses dans l’est du pays. «L’Ukraine ne prévoit aucune offensive (...), tous ces messages de la partie russe visent à renforcer la pression psychologique et à rejeter la responsabilité (de la situation) sur l’Ukraine», a déclaré le ministre. 
L’est de l’Ukraine est depuis 2014 en proie à une guerre entre les forces de Kiev et des séparatistes prorusses, dont le Kremlin est largement considéré comme le parrain militaire et financier. 

Ces déclarations interviennent au moment où les efforts diplomatiques européens sur le conflit en Ukraine se sont enlisés. Selon les observateurs, des avancées dans ce dossier sont pourtant jugées cruciales pour désamorcer la crise russo-occidentale qui menace de dégénérer en guerre. 

«Nous ne voyons toujours aucun signe de désescalade dans la situation actuelle et nous le regrettons vivement», a relevé le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Hebestreit, repris hier par l’AFP. Plusieurs séries de pourparlers ces derniers jours n’ont pas permis de progresser pour résoudre cette crise, que les Occidentaux décrivent comme la plus dangereuse depuis la fin de la guerre froide, il y a trois décennies. Hier, le Kremlin a relevé que des discussions réunissant la veille à Berlin des représentants de la Russie, de l’Ukraine, de l’Allemagne et de la France n’avaient produit «aucun résultat». 

Moscou, qui a déjà annexé la Crimée en 2014, dément toute velléité agressive envers l’Ukraine, mais conditionne toute désescalade à une série d’exigences, notamment l’assurance que Kiev n’intégrera jamais l’Otan. Ce qui est «inacceptable» pour les Occidentaux. En parallèle de ce constat, Moscou a annoncé de nouvelles manœuvres militaires à la frontière ukrainienne. 

Alors que la Russie mène depuis jeudi des manœuvres d’envergure au Bélarus, voisin de l’Ukraine, Moscou a annoncé hier d’autres entraînements aux «missions de combat» dans la région frontalière russe de Rostov, avec des centaines de soldats et des chars. Par ailleurs, la marine russe conduit des manœuvres en mer Noire, dont l’Ukraine est aussi riveraine.

Face au spectre d’une guerre sur le sol européen, les dirigeants du Vieux continent poursuivent leurs efforts diplomatiques. Dans la foulée du président français, Emmanuel Macron, le chancelier allemand, Olaf Scholz, doit voir lundi à Kiev le président Volodymyr Zelensky, puis Vladimir Poutine mardi à Moscou. Par ailleurs, le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, se trouvait hier dans la capitale russe pour s’entretenir avec son homologue, Sergueï Choïgou. 

Mais des discussions jeudi à Berlin au format «Normandie», réunissant Russie, Ukraine, Allemagne et France, ont montré le fossé qui sépare Moscou des Occidentaux et leurs alliés ukrainiens. D’où justement les craintes de voir la situation dégénérer à tout moment.

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