Pour Pékin, «la cause première des tensions dans le détroit de Taïwan, c’est la tentative des autorités taiwanaises de s’appuyer sur les Etats-Unis pour obtenir l’indépendance et l’insistance des Etats-Unis à utiliser Taïwan pour endiguer la Chine».
La Chine a promis hier des «mesures fermes» face à la visite aux Etats-Unis du vice-président de Taïwan, William Lai, car elle voit ce séjour comme une atteinte à ses revendications de souveraineté sur l’île, rapporte l’AFP.
Selon les autorités taïwanaises, ce dernier doit simplement «transiter» par le sol américain avant de se rendre au Paraguay pour assister à l’entrée en fonction du nouveau président, Santiago Pena.
Mais le dirigeant, aux positions indépendantistes assumées et à ce titre bête noire de Pékin, pourrait rencontrer des personnalités politiques américaines durant son passage à New York, où il dit être arrivé hier.
La Chine estime que Taïwan est l’une de ses provinces, qu’elle n’a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949.
Elle dit privilégier une réunification «pacifique» avec le territoire, où les quelque 23 millions d’habitants sont gouvernés par un système démocratique. Mais elle n’a jamais renoncé à employer la force militaire pour y parvenir.
«La Chine s’oppose fermement à toute forme de contact officiel entre les Etats-Unis et Taïwan et s’oppose fermement au fait que des séparatistes militant pour l’indépendance de Taïwan puissent se rendre aux Etats-Unis», a indiqué hier un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. «La Chine suit de près» la visite de William Lai «et prendra des mesures fermes et énergiques pour sauvegarder sa souveraineté et son intégrité territoriale», a-t-il affirmé dans un communiqué.
L’armée chinoise a organisé en avril des manœuvres de trois jours autour de Taïwan en réaction à une rencontre aux Etats-Unis entre le président de la Chambre américaine des représentants, Kevin McCarthy, et la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen.
«Heureux d’arriver dans la Grosse Pomme, icône de la liberté, de la démocratie et des opportunités», a indiqué hier William Lai sur X (le nouveau nom de Twitter) après son arrivée à New York.
Il a également écrit avoir été accueilli par des représentants de l’Institut américain à Taïwan, l’organisme qui fait office d’ambassade américaine de facto sur l’île en l’absence de relations diplomatiques entre Washington et Taipei. Après New York, W.
Lai doit se rendre au Paraguay, l’un des derniers pays à reconnaître officiellement Taipei, puis s’arrêter à San Francisco au retour. William Lai est candidat à la succession de l’actuelle présidente Tsai Ing-wen. Tous les deux sont issus du Parti démocratique progressiste (PDP), pro-indépendantiste.
La Chine voit avec méfiance les rencontres ces dernières années entre des dirigeants taiwanais et des représentants de certains pays occidentaux, notamment des Etats-Unis, car elles confèrent une forme de légitimité aux autorités de l’île.
«Les Etats-Unis et Taïwan, de connivence, autorisent William Lai à exercer des activités politiques aux Etats-Unis sous le prétexte d’un transit», a souligné hier le ministère chinois des Affaires étrangères. Il a exprimé son «vif mécontentement» face à cette visite du «fauteur de troubles» William Lai.
Washington entretient des relations étroites, économiques et militaires avec Taipei. En 1991, Taïwan abroge les dispositions instaurant l’Etat de guerre avec la Chine. Mais en juin 1995, Pékin suspend des négociations vers une normalisation pour protester contre un voyage du président Lee Teng-hui à Washington.
Le 14 mars 2005, Pékin a adopté une loi anti-sécession à l’encontre de Taïwan. Le 12 juin 2008, Pékin et Taipei reprennent le dialogue, après la victoire à l’élection présidentielle en mars du candidat du Kouo-Min-Tang, Ma Ying-jeou, partisan d’un rapprochement avec la Chine, qui sera réélu en 2012.
Au cours de la semaine précédant le départ de William Lai, la présence militaire chinoise autour de Taïwan a ainsi été plus importante que d’habitude. «La cause première des tensions dans le détroit de Taïwan, c’est la tentative des autorités taïwanaises de s’appuyer sur les Etats-Unis pour obtenir l’indépendance et l’insistance des Etats-Unis à utiliser Taïwan pour endiguer la Chine», a observé hier Pékin.
Les Etats-Unis, qui ont accordé leur reconnaissance diplomatique à la République populaire de Chine en 1979, restent cependant l’allié le plus puissant de Taïwan ainsi que son principal fournisseur d’armes.
Les relations entre Pékin et Taipei se sont envenimées depuis l’élection, en 2016, de la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen, qui refuse de reconnaître l’unité de principe de l’île et du continent, comme le réclame l’Empire du Milieu.
Tensions
La dirigeante indépendantiste du Parti démocrate progressiste (DPP) défend «l’identité nationale» de l’île et réclame un dialogue «d’égal à égal» avec la Chine. Pékin suspend toute communication et accentue sa pression diplomatique et économique sur l’île.
Comme des avions militaires chinois font régulièrement des incursions dans la zone d’identification de défense aérienne (Adiz) de Taïwan. Une Adiz est une zone, bien plus étendue qu’un espace aérien, dans laquelle les autorités d’un territoire demandent que les aéronefs étrangers s’identifient pour des raisons de sécurité nationale.
Mesures qui ne laissent pas indifférent l’Oncle Sam. Ainsi, le président Donald Trump appelle au téléphone Tsai Ing-wen, un contact direct qui est une première depuis des décennies. Son administration accepte ensuite de vendre pour 1,4 milliard d’euros d’armement à Taïwan. Et début octobre 2021, Taipei et Washington ont confirmé la présence de soldats américains sur l’île.
Le même mois, le ministre de la Défense taiwanais, Chiu Kuo-cheng, a prévenu que l’armée chinoise aurait la «pleine capacité» d’attaquer le pays en 2025. En mai 2022, le président Joe Biden a répondu par l’affirmative à la question de savoir si les Etats-Unis défendraient militairement Taïwan.
Peu après, la Maison-Blanche a rapidement précisé que la position américaine sur Taïwan n’avait pas changé et a réitéré son engagement envers la politique d’«une seule Chine».
En août de la même année, la présidente de la Chambre des représentants américaine, Nancy Pelosi, a effectué une visite dans l’île. Une visite qui suscite des représailles chinoises, avec des manœuvres militaires de grande envergure, encerclant l’île le 4 août et des tirs de missiles une semaine durant.
Dans les semaines qui suivent, les Etats-Unis envoient des navires de guerre dans le détroit et annoncent de nouvelles aides militaires. Réélue en 2020, Mme Tsai Ing-wen a rencontré le 5 avril dernier le successeur de Mme Pelosi, Kevin McCarthy, à Los Angeles. Pékin menace de représailles. Le 8 avril, Pékin annonce trois jours d’exercices militaires autour de l’île.
Fin juin, le ministère de la Défense taïwanais a affirmé que 19 avions, dont des chasseurs J-10 et J-16, ont été détectés autour de son territoire. Huit de ces appareils ont franchi la «ligne médiane du détroit de Taïwan», une frontière invisible qui sépare l’île du continent, s’approchant jusqu’à 44 km des côtes taiwanaises, a-t-il ajouté dans son communiqué.
«En outre, cinq navires de la marine chinoise ont effectué une patrouille de combat conjointe», a poursuivi le ministère, qui a dit surveiller de près la situation et avoir déployé ses avions et navires de patrouille en réponse à cet incident.
Début juin, plus de 30 avions de guerre chinois ont pénétré dans l’Adiz de Taïwan en l’espace de six heures. Début juin, plus de 30 avions de guerre chinois ont pénétré dans l’Adiz de Taïwan en l’espace de six heures. Il ne s’agit pas du plus grand nombre d’incursions chinoises dans cette zone taïwanaise cette année, 45 avions chinois l’ont pénétrée le 9 avril.