Pyongyang et Moscou, qui «luttent ensemble» contre l’«hégémonie» américaine, ont signé hier un accord de défense mutuelle, a annoncé le président Vladimir Poutine lors de sa visite d’Etat de deux jours en Corée du Nord, selon des propos recueillis par l’AFP.
«Le traité pour un partenariat global signé aujourd’hui prévoit, entre autres, une assistance mutuelle en cas d’agression contre une partie au traité», a déclaré V. Poutine à la presse après avoir signé le document. «La Russie et la Corée mènent toutes deux une politique étrangère indépendante et n’acceptent pas le langage du chantage et du diktat», a-t-il poursuivi. Il a qualifié l’accord de «document véritablement révolutionnaire», ajoutant que la Russie «n’excluait pas pour elle-même une coopération militaro-technique» avec Pyongyang où il est arrivé la veille.
De son côté, le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un a assuré que l’accord est «exclusivement pacifique et défensif ». Qualifiant Vladimir Poutine de «meilleur ami» de son pays, il a salué l’avènement d’une «nouvelle ère» dans les relations avec Moscou. «Il ne fait aucun doute que le traité de partenariat stratégique global (...) garantira de manière fiable l’alliance entre la Corée du Nord et la Russie pendant un siècle et qu’il contribue pleinement au maintien de la paix et de la stabilité dans la région», a plus tard observé Kim Jong Un.
Le gouvernement nord-coréen «exprime son entier soutien et sa solidarité au gouvernement, à l’armée et au peuple russes dans la conduite de l’opération militaire spéciale en Ukraine pour protéger la souveraineté, les intérêts de sécurité et l’intégrité territoriale», a-t-il indiqué. «Nous apprécions beaucoup votre soutien systématique et permanent de la politique russe, y compris sur le dossier ukrainien», a en retour dit le chef du Kremlin.
Et de poursuivre : «(...) Aujourd’hui, nous luttons ensemble contre les pratiques hégémoniques et néocolonialistes des Etats-Unis et de leurs satellites.» Par ailleurs, le président russe a estimé que les sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU visant Pyongyang pour son programme nucléaire, «inspirées par les Etats-Unis et leurs alliés», doivent être «réexaminées».
Inquiétude de l’Occident
Moscou et Pyongyang sont alliés depuis la fin de la guerre de Corée (1950-1953). En 2000, le premier sommet entre la Fédération de Russie et la Corée du Nord débouche sur une déclaration commune pour la coopération économique et les échanges diplomatiques.
La signature d’un accord entre V. Poutine et Kim Jong Il, décédé en 2011, père et prédécesseur de Kim Jong Un, relance les relations. Ce dernier, alors en quête d’appuis face à son différend sur le nucléaire avec Washington, effectue sa première visite officielle en Russie en 2019. Les deux pays ont accéléré le rythme dans le développement de leurs relations depuis l’offensive russe en Ukraine en 2022. En juillet de cette même année, la Corée du Nord a reconnu comme Etats indépendants les Républiques de Donetsk et de Louhansk sous contrôle des pro-russes.
Américains et Européens s’inquiètent du rapprochement entre Moscou et Pyongyang, accusant les Nord-Coréens de livrer massivement des munitions et des missiles à la Russie. Ils craignent que la visite de V. Poutine ne débouche sur de nouvelles livraisons. En échange, selon Washington et Séoul, la Russie a fourni à la Corée du Nord son expertise pour son programme de satellites et envoyé de l’aide pour faire face aux pénuries alimentaires du pays. En mars, la Russie a utilisé son veto au Conseil de sécurité de l’ONU pour mettre fin à la surveillance des violations des sanctions internationales visant la Corée du Nord, un cadeau majeur à Pyongyang.
Début 2023, Washington a déjà accusé Pyongyang d’avoir cédé des obus d’artillerie à Moscou en vue d’armer le groupe paramilitaire Wagner, alors déployé à Bakhmout. Mi-août, la Russie et la Corée du Nord ont prôné une coopération accrue, notamment dans le domaine de la défense. Le 4 septembre la porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, Adrienne Watson, a déclaré que «des négociations sur la fourniture d’armes entre la Russie et la Corée du Nord progressent activement».
A la même période, Washington a assuré que Pyongyang, malgré ses démentis, a fourni des roquettes d’infanterie et des missiles à la Russie en 2022, destinés au groupe paramilitaire privé Wagner.
La Corée du Nord s’est déclarée en 2022 puissance nucléaire «irréversible» et a indiqué à plusieurs reprises qu’elle n’abandonnerait jamais son programme nucléaire, option considérée comme essentielle à sa survie. Son statut d’Etat nucléaire a, en outre, été inscrit en septembre dans sa Constitution.
Lors de leur sommet tripartite tenu en août 2023 à Camp David, les Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon ont appelé une nouvelle fois Pyongyang à «abandonner son programme nucléaire et de missiles balistiques». Ils ont décidé aussi de mettre en place un programme d’exercices militaires conjoints sur plusieurs années.
En octobre, un bombardier américain B-52, capable de transporter des bombes atomiques, a effectué une rare mission en Corée du Sud, moins d’une semaine après la visite dans un port sud-coréen du porte-avions à propulsion nucléaire USS Ronald Reagan. En novembre, la Corée du Nord a réussi à placer en orbite son premier satellite espion «Malligyong-1», après deux échecs en mai et en août.
Ce satellite est capable, selon Pyongyang, de lui fournir des images de sites militaires américains et sud-coréens. Les Occidentaux, le Japon et la Corée du Sud ont dénoncé ce lancement.