Utilisation rationnelle de l’eau : L'urgence de sensibiliser la population

07/05/2023 mis à jour: 00:53
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ll n'est plus permis de continuer à gaspiller de l'eau potable - Photo : D. R.

Beaucoup de citoyens continuent de croire que l’eau est une ressource dont on peut user et abuser en tournant simplement son robinet. Comme par magie. Il faut sensibiliser dans la rue, les écoles, les mosquées, les foyers et partout où cela reste possible, pour arriver à changer notre vision du monde et notre rapport à la nature et aux ressources qu’elle nous offre.

Des cours d’eau complètement à sec, une végétation en souffrance et des champs jaunâtres où des épis de blé rabougris ne sont sortis du sol que de quelques centimètres avant de s’incliner, vaincus par une implacable sécheresse. Très peu de précipitations au cours d’un hiver particulièrement doux et sec. Le pays n’a connu qu’un seul épisode neigeux et de rares pluies réparties plus souvent sur le littoral.

Nous sommes supposés être au cœur du printemps, le paysage de végétation chétive et desséchée est celui d’un mois de juillet et les températures celles d’un mois de juin. Ces deux derniers mois, la météo a été prolifique en journées chaudes et en températures anormalement élevées pour la saison. Même le siroco, habituellement présent au plus fort de l’été, s’est invité très tôt cette année au beau milieu du Ramadhan. Ainsi, l’hiver de l’année 2023 a dépassé de loin les prévisions les plus pessimistes en matière de précipitations. Il vient à point nommé confirmer cette nouvelle et effrayante tendance climatique en Afrique du Nord : des hivers doux, courts et peu humides et des étés longs et torrides.

Chez les voisins tunisiens et marocains, la situation ne prête guère à plus d’optimisme. Tous les experts sont unanimes à dire que les pays du Maghreb connaissent l’une des pires sécheresses des 50 dernières années. En Tunisie, très sévèrement touchée par le stress hydrique pour la cinquième année consécutive, il est question d’annoncer l’état d’urgence hydraulique incessamment. Une première. Les réserves du pays, qui étaient de 1,2 million de mètres cubes en 2022, ont baissé de plus de 31%, selon des chiffres fournis par les pouvoirs publics tunisiens.

Avec le déficit de pluviométrie, la trentaine de barrages du pays, qui servent à l'irrigation mais aussi à l'approvisionnement en eau potable, affichent des niveaux de remplissage alarmants. Aucun n'atteint le tiers du niveau maximal et certains sont même sous les 15%, toujours selon les chiffres officiels. La proportion des exploitations céréalières touchées par la sécheresse est désormais de 70%. Etranglé par une crise financière sans précédent, le pays de Kaïs Saïed risque de devoir recourir aux importations des céréales au moment où les prix sont au plus haut depuis des mois à cause du conflit entre la Russie et l’Ukraine.

Il en va de même pour le Maroc, également en situation de sévère stress hydrique. Selon un rapport publié cet été par la Banque mondiale, le royaume chérifien ne disposerait plus que de 600 m3 d’eau par habitant et par an, et se rapproche dangereusement du seuil de pénurie absolue qui est de 500 m3 par habitant. Les chiffres officiels font part d’un taux de remplissage de 30% pour les principaux barrages du pays, contre 46% l’année dernière.

La Méditerranée, hot spot des dérèglements climatiques

En fait, c’est tout le pourtour méditerranéen qui subit les contrecoups du dérèglement climatique. En France, 7 départements sont en alerte sécheresse et ont déjà pris des mesures de restrictions d’eau. Huit autres sont en vigilance et pourraient bientôt atteindre les niveaux d’alerte entraînant des mesures de restriction de certains usages de l’eau, comme l’arrosage des jardins, des espaces verts et des golfs ou le lavage des voitures. La situation est également très tendue en Espagne.

Le dernier bulletin hydrologique fourni par les autorités évoque un déficit de 6000 hm3 par rapport à la moyenne des dix dernières années. Les réserves d'eau nationales sont à 50% et à peine 28% en Catalogne, où plus de 500 communes sont placées en état d’alerte. C’est sans doute tout cela qui fait dire, à juste titre d’ailleurs, aux scientifiques de l’Institut méditerranéen de l’eau (IME) que la grande bleue est devenue le hot spot des dérèglements climatiques.

Chez nous, selon Malek Abdesselam, docteur en hydrologie et maître de conférences à l’université de Tizi Ouzou, pour la période comprise entre septembre 2022 et mars 2023, les déficits de précipitations oscillent entre 30 et 70% entre le littoral et les régions de l’intérieur du pays. Les barrages du pays sont à un taux général de remplissage de 32%. Ceux du Centre sont à moins de 20% de leurs capacités, 21% à l’Ouest et à près de 50% pour l’Est. Doté d’un réservoir d’une capacité de 640 millions de mètres cubes, le Koudiat Asserdoun a atteint le seuil critique. Le barrage Taksebt, lui, a gagné 40 à 45 millions de mètres cubes d’eau avec la fonte des neiges du Djurdjura.

Cela fait dire à notre expert que l’été s’annonce d’ores et déjà très problématique. «Les stocks de neige étaient faibles et ont pratiquement totalement fondu. Les prévisions d’avoir des apports importants sont faibles. Cependant, des épisodes de pluies peuvent arriver en ce mois de mai et il ne faut pas perdre ces apports. On peut récupérer une partie des volumes qui rejoignent la mer avant la fin de saison des pluies. Freiner la course des eaux vers la mer en les captant par des digues ou seuils submersibles et perméables. Ce n'est pas cher, pas compliqué et rapide. L’été n’est plus loin, il risque d’être compliqué pour l’irrigation et l’AEP», conclut Malek Abdesselam.

Un peu partout dans le monde, scientifiques et climatologues tirent la sonnette d’alarme. En 2022, la température moyenne sur la planète était supérieure d’environ 1,15°C à sa valeur préindustrielle (période comprise entre 1850 et 1900). Quant aux températures de surface de l’eau des mers et des océans, en avril 2023, elles dépassent désormais les 21°C, ce qui n'avait jamais été observé auparavant à aucun moment de l'année. En Algérie, tout un train de mesures ont été prises ces dernières années. Des plans d’urgence et de nouvelles politiques de mobilisation, de rationnement et de rationalisation des ressources hydriques ont été élaborés et lancés.

Changer notre vision du monde

Au dernier Conseil des ministres, tenu le 16 avril, le président Abdelmadjid Tebboune a réaffirmé une fois de plus l’option de la généralisation des stations de dessalement de l’eau de mer tout le long du littoral algérien. Il a également ordonné d’assurer une distribution continue et rationnelle de l’eau, tout comme il a préconisé l’utilisation des dernières technologies pour réguler la consommation et la distribution de cette ressource vitale. D’autres mesures avaient été prises, en janvier dernier, dans le sens de l’élaboration d’un plan d’urgence basé sur une nouvelle politique d’économie de l’eau sur l’ensemble du territoire national. Le président Tebboune a également décidé de réactiver la police de l’eau pour lutter contre le gaspillage.

Ce train de mesures et ces plans d’urgence sont extrêmement pertinents. Il convient maintenant de mobiliser tous les moyens possibles pour sensibiliser les citoyens autour de l’utilisation rationnelle de l’eau pour lutter contre son gaspillage. Jusqu’à présent, peu ou pas de campagne à grande échelle dans les grands médias pour rappeler à tous que la belle époque de l’insouciance et de l’abondance de l’eau est bel et bien révolu.

Beaucoup de citoyens continuent de croire que l’eau est une ressource dont on peut user et abuser en tournant simplement son robinet. Comme par magie. Il faut sensibiliser dans la rue, les écoles, les mosquées, les foyers et partout où cela reste possible, pour arriver à changer notre vision du monde et notre rapport à la nature et aux ressources qu’elle nous offre. Il n’y a pas de raison que l’on sensibilise autour du gaspillage du pain en envoyant des sms aux citoyens sur leurs téléphones mais pas autour de l’eau. Pour un pays qui n’a toujours pas assuré son indépendance alimentaire, l’un et l’autre sont vitaux.

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