Au paradis des ambianceurs des deux rives du fleuve Congo, les Papa Wemba, Grand Kallé, Wendo, Tabu Ley Rochereau, Franklin Boukaka et autres Pamelo Mounka sont heureux : la rumba congolaise fait officiellement partie du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
L’Unesco, réunie en décembre pour étudier une soixantaine de candidatures, a annoncé que la rumba congolaise - dossier présenté
par le Congo-Kinshasa et le Congo-Brazzaville - était admise sur sa liste. Elle y rejoint la rumba cubaine, inscrite en 2016 et, pour l’Afrique centrale, les polyphonies pygmées de Centrafrique (2003) ou les tambours du Burundi (2014). «Cette richesse venue du Congo et exportée dans le monde entier constitue un des éléments de notre fierté», avait tweeté le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement de RDC Patrick Muyaya, dès jeudi dernier, alors qu’une conférence de presse était organisée pour commenter l’événement, avec quelques jours d’avance. «Il est de notre devoir à tous de promouvoir la «Rumba», ajoutait-il. A Kinshasa et Brazzaville, les spécialistes situent les origines de la rumba dans l’ancien royaume Kongo, où l’on pratiquait une danse appelée Nkumba, qui signifie «nombril», parce qu’elle faisait danser homme et femme nombril contre nombril. Avec la traite négrière, les Africains ont emmené dans les Amériques leur culture et leur musique. Ils ont fabriqué leurs instruments, rudimentaires au début, plus sophistiqués ensuite, pour donner naissance au jazz au Nord, à la rumba au Sud. Avant que cette musique soit ramenée en Afrique par les commerçants, avec disques et guitares.
«Nous sommes le pays de la rumba»
La rumba dans sa version moderne a une centaine d’années. C’est une musique des villes et des bars, de rencontre des cultures et de nostalgie, de «résistance et de résilience», de «partage du plaisir aussi», avec son mode de vie et ses codes vestimentaires («la sape»), expliquait récemment à l’AFP le Pr André Yoka Lye, directeur à Kinshasa de l’Institut national des arts (INA). Pour lui, la rumba est «tentaculaire, présente dans tous les domaines de la vie nationale». Elle est marquée par l’histoire politique des deux Congo, avant et après l’indépendance. Elle a connu des hauts et des bas, ses stars font parfois polémique, voire scandale, ses réseaux de production et de distribution sont critiqués pour manquer de rigueur. Mais elle vit et se renouvelle, assure-t-on dans les deux capitales congolaises, où on compte sur cette inscription au patrimoine mondial pour lui donner une notoriété nouvelle, y compris auprès des Congolais eux-mêmes. «Nous sommes le pays de la rumba, qu’est-ce que nous en faisons ?», s’interrogeait le ministre de la Communication.
«La rumba, la maternité de la musique africaine»
Dans un entretien donné à El Watan - signé K. Smail - datant du 25 avril 2016, le roi de la rumba congolaise, Papa Wemba nous avait éclairé à propos de sa qualification de voix d’or de l’Afrique : «Oh, la voix d’or ! ( Parce que je chante avec une voix très pointue, comme ça. Très aiguë. Mais je ne suis pas la voix d’or de l’Afrique. Je suis parmi ceux qui éclairent la musique africaine. Oui, heureusement que j’ai eu cette chance-là. Cela fait plus de quatre décennies que je suis dans ce métier-là. Je n’ai pas commencé aujourd’hui. J’ai la chance de traverser tout cela, quoi. Seul Dieu sait où il me mène… Je suis fier d’être chanteur. Je suis fier quand on m’invite partout. Je suis fier qu’on vienne m’acclamer. Je suis fier qu’on parle de moi. Je suis fier qu’on écoute ma musique. Tout cela, c’est une fierté. C’est aussi parce que je travaille, quoi ! Je ne me croise pas les bras. Je crois qu’il y a comme un jeu de ping-pong comme ça. Tel un boomerang. On donne et puis on reçoit. C’est comme cela que je vois et conçois ma façon de travailler dans la musique. Je ne peux pas travailler tout seul. Non, je ne saurai pas le faire. Il faudrait qu’il y ait des échanges. Et j’aime ces échanges-la. La rumba, pour moi, restera la maternité de la musique africaine. Elle n’aura jamais de rides. Même si on l’écoute et ne l’écoute pas. Même si on la danse et ne la danse pas. Cette musique demeurera toujours… ».
«J’aimerais bien venir en Algérie»
Abordant la musique algérienne et un éventuel emprunt, Papa Wemba notera : «Je tombe surtout sur les sonorités orientales. J’aime bien, quoi. Je n’ai pas encore eu le privilège de reprendre un son algérien dans mon répertoire. Mais un jour viendra. Ah, une contribution ! Cela j’adorerai. J’aimerais bien venir en Algérie. Je ne m’y suis jamais produit. Je devais venir en 2009 à l’occasion du 2e Festival panafricain en 2009. Mais malheureusement, cela n’a pas marché… »
Malheureusement, le regretté Papa Wemba, est décédé prématurément, le dimanche 24 avril 2016. Et devinez comment. A la Molière. Oui, il succombera suite à un malaise en s’effondrant sur scène à Abidjan (Côte d’Ivoire), il avait 66 ans.