Plus de 75% des personnes sondées estiment que l’opération «Déluge d’Al Aqsa» a remis la question palestinienne au-devant de la scène internationale et en tête de liste des priorités diplomatiques dans le monde.
Le dernier sondage du Centre palestinien de veille et de recherche (Palestinian Center for Policy and Survey research) confirme la chute libre de la cote de popularité de l’Autorité palestinienne (AP) et de son président Mahmoud Abbas. Si des élections générales étaient organisées aujourd’hui sur le territoire palestinien, Abbas ne serait crédité que de 20% des voix face à Ismaël Haniyeh, président du bureau politique du Hamas, qui lui récolterait plus de 70% des suffrages.
On savait que les attaques menées par les Brigades Al Qassam, le 7 octobre 2023, contre les kibboutz et autres unités militaires israéliennes, avaient renfloué les réservoirs des soutiens populaires au mouvement de résistance, mais que cette popularité ait pu tenir après 5 mois de guerre et de terreur, la dévastation de Ghaza et la mort de plus de 30 000 civils, a de quoi démentir des analyses qui parient sur un déclin décisif de la notoriété du Hamas par un effet de culpabilisation générale.
Ce résultat «contre-intuitif», comme disent les spécialistes, dit bien que le stock d’adhésion et de sympathie à l’égard du mouvement qui incarne la résistance aujourd’hui reste important.
Le sondage, réalisé au début du mois de mars en cours, concerne un échantillon de 1580 Palestiniens, dont 830 habitent en Cisjordanie et 750 sur le territoire de Ghaza. Dans l’enclave, les enquêteurs précisent que pour la sécurité de leurs sondeurs sur place, ils ont opté pour les régions les moins exposées aux combats quotidiens (Rafah, une partie du quartier Khan Younès...).
Dans les deux territoires, la population salue majoritairement les attaques du 7 octobre et les considèrent comme un sursaut héroïque de la résistance palestinienne.
Plus de 75% des personnes sondées estiment que l’opération «Déluge d’Al Aqsa» a remis la question palestinienne au-devant de la scène internationale et en tête de liste des priorités diplomatiques dans le monde. Fait surprenant, et 5 mois de souffrances après, c’est dans la bande de Ghaza que le soutien est le plus fort, et évolue même de 14 points par rapport à un sondage réalisé il y a près de trois mois par le même centre de recherche.
Les enquêteurs font une nuance cependant, selon laquelle le soutien aux attaques du 7 octobre ne signifie pas forcément un soutien équivalent au Hamas. Les personnes interrogées préfèrent par ailleurs largement que les institutions du Hamas puissent garder en main la gestion des affaires publiques dans l’enclave palestinienne.
Le soutien sur ce point précis a pour sa part augmenté de plusieurs points par rapport au sondage précédent de décembre dernier. Sur les projections concernant l’après-guerre, les sondés rejettent à plus des trois quarts, l’idée d’une coalition conduite par les Etats-Unis et associant des partenaires arabes, à l’image de l’Arabie Saoudite, la Jordanie et l’Egypte, pour la gestion du territoire.
Ressentiment à l’égard des «frères arabes»
Les Palestiniens restent sur un autre plan particulièrement déçus par les «frères arabes», notamment la Jordanie et l’Egypte. Près de 70% des sondés, interrogés sur la possibilité d’un scénario d’exode vers le Sinaï en cas d’attaque massive contre Rafah, ont répondu qu’ils étaient convaincus que l’armée égyptienne userait des armes pour repousser déplacés. C’est dire la profondeur du ressentiment actuel.
Le Yémen et le Qatar voient par contre leurs cotes respectives augmenter de plusieurs points. L’implication du mouvement Houthis, à travers des opérations militaires de soutien en mer Rouge, semble être appréciée par les Palestiniens, de même qu’est appréciée la grande mobilisation diplomatique de Doha.
Sur le plan international, ce sont bien évidemment les Etats-Unis qui déçoivent le plus et sont carrément accusés de participation active au crime qui cible les Palestiniens.
Dans le registre strictement politique, l’enquête révèle également que 84% des sondés pensent qu’il est temps pour Mahmoud Abbas de démissionner, alors que 65% d’entre eux estiment que l’institution qu’il préside est devenue un boulet pour la cause palestinienne.
Ces échos confirment les causes profondes des récentes vives polémiques au sein de la classe politique palestinienne, après la nomination d’un nouveau Premier ministre à la tête du gouvernement à Ramallah.
La grande perte de vitesse de l’AP place donc au mouvement Hamas et son personnel dirigeant comme les favoris en cas de processus politique, selon les préférences dégagées dans le sondage.
Un élément relativise cependant cette popularité résiliente du Hamas : l’enquête fait savoir qu’en cas de compétition politique entre Ismaël Haniyeh et Merouane Barghouti, le «Nelson Mandela palestinien», la donne changera complètement.
L’ancien chef de la branche armée du Fatah et l’un de ses dirigeants les plus en vue a été condamné à perpétuité et emprisonné par Israël depuis 2004. Selon le sondage, l’homme demeure la personnalité politique la plus populaire et bénéficierait de plus de 60% des suffrages en cas d’élections, même si Haniyeh devait être son adversaire direct.