La résistance des femmes, leur mobilisation et leurs engagements citoyens et pour la cause nationale ont une mémoire qui plonge ses racines au plus loin de l’histoire algérienne. Cette mémoire est le patrimoine et la référence de générations de femmes du temps présent et futur.
Une mémoire faite de souffrances, de sacrifices, de douleurs, d’humiliations et de traumatismes, mais aussi de bravoure, de courage, de dévouement et de fierté. Elle est éternelle, vivante. Ce qui a permis aux Algériennes de se relever et d’être debout.
Le soixantième anniversaire des Accords d’Evian, prélude du recouvrement de la souveraineté nationale et de l’indépendance de notre pays libéré du joug colonial, nous rappelle opportunément le rôle joué par les Algériennes au sein de l’ALN, dans le FLN et plus globalement dans les douars et villages en dispensant soins et nourriture aux moudjahidine. Elles étaient également là pour construire la patrie libérée. Que ne se souvient-on, à titre d’exemple, de ces jeunes filles engagées dans le volontariat pour la Révolution agraire. Tout comme les millions d’entre elles qui ont marqué, plus tard, de leur empreinte l’engagement populaire dans le hirak pour dire que la démocratie ne se construira pas sans elles, que celle-ci ne serait qu’une enveloppe creuse sans égalité des droits, sans le respect de la dignité et de l’intégrité des femmes.
Bien sûr, elles ont engrangé des acquis, comme celui de l’instruction ou de l’activité professionnelle, mais la parité hommes-femmes exige une volonté politique affirmée. A ceux qui se demandent ce que veulent encore les femmes, et ce que revendiquent les féministes, en arguant que 62% des universitaires sont des femmes et que 41% du nombre global des fonctionnaires sont des femmes, que 21 500 fonctionnaires dans les administrations publiques occupent des postes supérieurs, elles répondent qu’elles veulent être régies par les mêmes lois que les hommes, sans discrimination, qu’elles ne veulent pas d’un statut familial qui fait d’elles des mineures soumises à la volonté masculine, qu’elles ne veulent pas être sous le joug du patriarcat, subir les mentalités rétrogrades, la misogynie et le sexisme légitimés par des coutumes et des pratiques sociales archaïques, au prix de leurs vies. Battues à mort, brûlées vives, égorgées par des maris ou des ex-maris, des frères, des proches. C’est ce qu’elles refusent.
Les féministes, qui peuvent déranger les conservateurs de tous bords, parce qu’elles contestent un ordre sociopolitique qui discrimine les femmes, tirent la sonnette d’alarme : le féminicide n’est pas une exception, il prend de l’ampleur, c’est le symptôme d’un mal social profond. Ce phénomène n’est pas propre à la société algérienne, il concerne toutes les sociétés à travers le monde, certes, mais dans nombre de pays il a provoqué une véritable prise de conscience. Et en Algérie, qu’en est-il ? On ne peut que déplorer, chez nous, l’absence de campagnes de sensibilisation contre les violences à l’encontre des femmes. Certes, un pan de ce tabou est levé. Les progrès réalisés au regard de ce fléau social sont insuffisants.
Mais il reste tout le travail de prévention, de prise en charge et de justice. L’Etat a pour rôle de protéger les citoyens et les citoyennes de toutes formes de violence selon un principe d’égalité. La société doit aussi assumer sa part de responsabilité. Et si la mémoire des femmes est aussi dans le combat de générations de féministes pour la citoyenneté pleine et entière des Algériennes, la lutte pour l’égalité des droits continue.