A la confluence de la rue des Frères Djaout et l’artère Askri Ahcène, à Bab El Oued, le septuagénaire Mohamed Ghezali tient une échoppe de réparation de bécanes. Il évolue depuis presque quatre décades au milieu d’un capharnaüm où flottent les effluves de graisse et de cambouis. Il est tout le temps au taquet, surtout avec la nouvelle tendance des jeunes à vouloir s’offrir un scooter. Sur le fronton de son petit local, l’artisan accole un nom commercial singulier. On y lit en lettres blanches, tenez-vous bien ! «Clinique des motos». Cette enseigne en guise de «raison sociale» est somme toute métaphorique (comme le cimetière des voitures). Ce n’est pas faux lorsque l’on sait que notre mécano vole au secours des deux-roues motorisés pour les remettre d’aplomb dans son lieu d’exploitation exigu. Coup de pub ou juste pour se démarquer de ses pairs ? L’idée en tout cas l’a titillé en 1986 lorsqu’il a décidé de regagner le bercail et reprendre en main l’activité de son père. «En 1985, le président Chadli Bendjedid, alors en visite officielle en France, a réuni la communauté algérienne et nous avait exhortés à retourner au bled, nous promettant monts et merveilles, autrement dit, le boulot et le gîte», dira sur un ton dépité notre interlocuteur. Depuis, le mécano ronge son frein et se démène comme il peut auprès des autorités locales, la wilaya déléguée en l’occurrence, pour espérer disposer d’un établissement plus commode, lui permettant de former des jeunes dans la réparation de motocycles. Peine perdue. Les responsables manifestent au départ leur intérêt, mais sans suite, laisse entendre le réparateur de scooters qui fait contre mauvaise fortune bon cœur. Pourtant, le local Ronda, situé juste en face de son réduit, est abandonné depuis des lustres. «C’est un espace tout indiqué pour cet usage», fait-il remarquer. Son cri sera-t-il entendu ? «Je ne baisserai pas les bras et je continue à prendre mon mal en patience», lance en guise de conclusion notre mécano, espérant, par ailleurs, trouver une oreille attentive auprès des pouvoirs publics.