Un bateau de l’ONG espagnole Open Arms a inauguré hier le corridor maritime reliant le port chypriote de Larnaca à la bande de Ghaza. L’opération qui a été réalisée conjointement avec une autre organisation caritative, World Central Kitchen (WCK), consiste en l’acheminement de 200 tonnes de vivres au profit de la population palestinienne assiégée.
Alors que la situation humanitaire ne fait qu’empirer à Ghaza et que la famine tue de plus en plus de Palestiniens, en premier lieu les enfants, le corridor maritime reliant Chypre à la bande de Ghaza, et annoncé récemment par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est entré en action ce mardi.
Un bateau de l’ONG espagnole Open Arms («bras ouverts» en français) a quitté, en effet, hier matin, le port de Larnaca, mettant le cap sur Ghaza, à 370 km au sud du port chypriote. Le navire espagnol transportait à son bord «200 tonnes de vivres qui doivent être distribuées à Ghaza par l’organisation du chef hispano-américain José Andrés, World Central Kitchen (WCK)», rapporte l’AFP.
Sur son site officiel (wck.org), l’organisation fondée par le cuisinier José Andrés a communiqué sur cette opération pilote en expliquant : «World Central Kitchen a expédié sa première cargaison maritime d’aide humanitaire à Ghaza. Après des semaines de préparation, notre équipe à Chypre a chargé près de 200 tonnes de nourriture sur le bateau Open Arms qui acheminera l’aide dont Ghaza a désespérément besoin.
Une fois sur place, nous distribuerons la nourriture aux communautés au bord de la famine. WCK a fourni plus de 35 millions de repas aux Palestiniens déplacés depuis qu’elle a servi nos premières assiettes de nourriture dans la région.» Et de souligner : «Nous travaillons avec les Emirats arabes unis, Chypre et la communauté internationale pour ouvrir ce couloir d’aide maritime afin qu’autant de repas que possible parviennent aux Palestiniens dans le besoin.»
«Aux côtés de nos partenaires à Ghaza, nous construisons une jetée qui nous servira à décharger l’aide avant de la charger sur des camions qui livreront la nourriture. Notre équipe dispose de 500 tonnes supplémentaires d’aide à Chypre, prêtes à être chargées sur les futurs bateaux», précise encore l’organisation caritative.
A Chypre, tout un dispositif logistique a ainsi été mis en place pour acheminer l’aide humanitaire vers Ghaza. «WCK et Open Arms se sont installés à Larnaca, une ville portuaire du sud de Chypre. Là-bas, notre équipe logistique s'approvisionne, emballe et charge des palettes de riz, de farine, de légumineuses, de légumes en conserve et de protéines en conserve qui sont en route vers les communautés palestinienne déchirées par la guerre», affirme World Central Kitchen.
«Combien de vies doivent-elles encore être perdues ?»
Si ce couloir maritime va permettre de desserrer un tant soit peu le blocus inhumain imposé à Ghaza, WCK insiste sur la nécessité d’accélérer les flux d’aide par voie terrestre. «L’ouverture du couloir d’aide maritime nous permettra d’atteindre beaucoup plus de personnes.
Cependant, la communauté internationale doit continuer à rechercher toutes les voies d’aide possibles, y compris l’ouverture de davantage de points de passage terrestres vers toutes les zones de Ghaza», plaide l’équipe du chef José Andrés.
De son côté, l’ONG espagnole Open Arms a fait une annonce concernant cette opération à travers une publication sur sa page Facebook postée vendredi dernier. «Il y a 3 semaines, déclare-t-elle, le navire Open Arms est arrivé à Chypre en mission conjointe avec World Central Kitchen. Ce qui semblait être une tâche impossible à ce moment-là est sur le point de se réaliser.
Les efforts déployés pour ouvrir un couloir humanitaire maritime à Ghaza portent leurs fruits, et notre remorqueur est prêt à partir à tout moment, avec des tonnes de nourriture, d’eau et d’équipements essentiels à bord pour la population civile palestinienne.» L’ONG attire l’attention sur le fait que «la situation à Ghaza devient de plus en plus désespérée et chaque minute compte».
«Combien de vies doivent-elles encore être perdues avant que le monde ne réagisse avec l’urgence que la situation exige ? Des dizaines d’enfants ont déjà été victimes de la faim et des dizaines de milliers sont sur le point de mourir dans les prochaines heures si nous n’agissons pas d’urgence», alerte-t-elle.
«Ces dernières semaines, la menace de famine s’est intensifiée à Ghaza et 1,1 million d’enfants risquent de mourir de faim», prévient l’organisation espagnole dans une autre publication diffusée sur son site officiel (openarms.es). «A Open Arms, nous ne pouvions pas rester les bras croisés face à la situation inhumaine vécue par la population civile palestinienne.
C’est pour cette raison que nous avons uni nos forces avec World Central Kitchen pour briser le blocus maritime de Ghaza et rendre possible une voie d’entrée pour la nourriture qui contribue à atténuer l’urgence subie par des millions de personnes en raison des attaques israéliennes. Une mission très complexe, mais très nécessaire», relève l’ONG.
Pour rappel, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait annoncé, vendredi dernier depuis Chypre, l’ouverture de ce couloir maritime. «Nous sommes très proches de l’ouverture de ce corridor maritime. Avec un peu de chance, cela se fera ce dimanche», avait-elle affirmé alors.
Commentant hier le départ du navire Open Arms vers Ghaza, Mme Von Der Leyen y voit un «signe d’espoir». «Nous allons travailler dur pour que beaucoup d’autres bateaux suivent», a-t-elle promis sur le réseau X.
Parallèlement à cette opération pilote, un navire militaire américain a mis le cap samedi sur les côtes palestiniennes depuis les Etats-Unis avec à son bord «le matériel nécessaire à la construction d’une jetée pour débarquer les cargaisons d’aide», indique l’AFP. Cela fait suite à l’annonce du président américain, Joe Biden, qui, lors de son discours sur l’état de l’union jeudi dernier, avait déclaré avoir ordonné la construction d’un port temporaire à Ghaza pour y acheminer de l’aide par mer.
Ces opérations maritimes couplées aux largages aériens d’aides sont une bonne nouvelle pour des Ghazaouis privés de tout depuis plus de cinq mois, les quantités qui parviennent à entrer demeurent cruellement insuffisantes, tant les besoins sont importants. Ricardo Perez, porte-parole de l’Unicef, s’est dit incapable de «trouver les mots appropriés pour décrire les atrocités auxquelles les enfants de Ghaza sont exposés en raison de la famine».
«Ghaza est un cimetière pour des milliers d’enfants»
Alors que les négociations peinent à aboutir à une trêve, il a insisté sur l’urgence d’un cessez-le-feu immédiat en précisant que les enfants «constituent la catégorie la plus touchée par le désastre de la famine et de la malnutrition dans la bande de Ghaza». Dans une déclaration précédente, l’Unicef avait prévenu : «Ghaza est devenue un cimetière pour des milliers d’enfants.
C’est un enfer pour tout le monde.» Selon l’agence onusienne, «plus de 80% des enfants de Ghaza souffrent d’un grave déficit alimentaire». De son côté, le commissaire général de l’Unrwa, Philippe Lazzarini, a dénoncé le blocage, par les autorités israéliennes, de fournitures médicales vitales dont des respirateurs et des anticancéreux destinés aux malades confinés à Ghaza. Dans un message posté hier sur le réseau X, il écrit : «Une population entière dépend de l’aide humanitaire pour survivre.
Très peu de choses entrent et les restrictions augmentent. Un camion chargé d’aide vient d’être refoulé, car il contenait des ciseaux utilisés dans les kits médicaux pour enfants.
Les ciseaux médicaux s’ajoutent désormais à une longue liste d’articles interdits que les autorités israéliennes classent comme ‘à double usage.
La liste comprend des articles de base et des produits vitaux : des anesthésiques, des lampes solaires, des bouteilles d’oxygène et des ventilateurs, ou encore des tablettes de nettoyage de l’eau, des médicaments contre le cancer et des kits de maternité.» «Le dédouanement des fournitures humanitaires et la livraison des articles de base et essentiels doivent être facilités et accélérés.
La vie de 2 millions de personnes en dépend, il n’y a pas de temps à perdre», plaide le chef de l’Unrwa. Au nord de la bande de Ghaza, le personnel médical est touché de plein fouet par les privations nutritives.
Alors qu’ils doivent faire face à une demande de soins colossale, entre les patients réguliers et les centaines de blessés, se retrouvant souvent débordés, à la limite du burn-out, médecins et infirmier dans les hôpitaux du nord de l’enclave n’ont ni de quoi rompre le jeûne ni de quoi s’autoriser un repas de s'hour correct leur permettant d’affronter les rigueurs du jeûne.
«2000 cadres médicaux n’ont pas trouvé de quoi rompre le jeûne lors du premier jour du Ramadhan», a affirmé hier le porte-parole du ministère de la Santé, Ashraf Al Qudrah, avant d’ajouter : «Les équipes médicales sont menacées par la famine qui frappe le nord de Ghaza.»
80 Palestiniens tués
Au deuxième jour du Ramadhan, les raids ne se sont pas calmés, faisant de ce mois de jeûne 2024 le plus affreux des Ramadhans palestiniens. D’après le ministère de la Santé à Ghaza, une nouvelle série de bombardements a visé encore une fois la ville de Ghaza ainsi que celles de Rafah et de Khan Younès entre lundi soir et hier matin, faisant 80 morts au total.
Le bilan global provisoire des victimes enregistrées depuis le début de l’offensive israélienne s’élève désormais à 31 184 morts et 72 889 blessés.
En ce 158e jour de la guerre, hier, trois raids ont été menés contre le quartier de Haï Al Zaytoun, au sud-est de la ville de Ghaza, faisant dix morts et une vingtaine de blessés, indique l’agence Wafa. L’artillerie israélienne a en outre pilonné les quartiers d’Al Sabra, Cheikh Ajlin et Tal Al Hawa, toujours dans la ville de Ghaza, «entraînant la mort d’au moins trois citoyens qui ont été transférés au complexe médical Al Shifa».
A Jabaliya, au nord, quatre civils ont trouvé la mort dans un bombardement qui a visé deux maisons. Dans les gouvernorats du Centre, l’aviation de l’occupant «a lancé une série de raids sur Deir al Balah, le camp de Nuseirat, al Bureij et al Maghazi», informe l’agence Wafa, ajoutant que ces attaques ont fait plusieurs morts ainsi que des blessés.
«Des sources médicales ont annoncé la mort de huit citoyens tandis qu’un certain nombre de personnes sont portées disparues à la suite du bombardement d’une maison de la famille Abu Sinjar à Deir Al Balah», rapporte l’agence d’information palestinienne.
Dans la ville d’Al Qarara, au nord de Khan Younès, 11 personnes appartenant à la famille Al Qudrah, ont trouvé la mort dans une frappe qui a ciblé leur maison, indique Al Jazeera.
La même source nous apprend que 9 Palestiniens qui attendaient de l’aide humanitaire au rond-point Koweit, au sud-est de la ville de Ghaza, ont été tués par une frappe aérienne. Cette même attaque a fait plus de vingt blessés. Un mot sur l’évolution des pourparlers.
Majed Al Ansari, porte-parole du ministère des Affaires étrangères du Qatar, pays engagé dans les négociations comme médiateur, a annoncé dans une conférence de presse hier que les deux parties n’ont toujours pas trouvé de terrain d’entente.
«Nous ne sommes pas près d’un accord, ce qui signifie que nous ne voyons pas les deux parties converger vers un langage susceptible de résoudre le désaccord actuel sur la mise en œuvre d’un accord», a affirmé le porte-parole qatari selon des propos repris par l’AFP. Majed Al Ansari a toutefois précisé que Palestiniens et Israéliens «continuent à œuvrer dans le cadre des négociations pour parvenir à un accord, espérons-le, pendant le Ramadhan».