Première réunion grand format des ténors de la société civile tunisienne en marge du congrès de l’UGTT. Unanimité du satisfecit sur le départ des islamistes du pouvoir. Projet de conception d’un programme de redressement économique en Tunisie entre les centrales patronale et ouvrière.
Un soutien précieux est venu au président Saïed, lors du congrès de la centrale syndicale UGTT, avec des propos, notamment des patrons de l’Utica, favorables aux changements introduits dans la structure politique du pays. Les piliers du dialogue national de 2013/14, lauréats du prix Nobel de la paix 2015, ont exprimé leur rejet du système né de la Constitution de 2014.
Le 25e congrès de la centrale ouvrière tunisienne, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), s’est ouvert hier à Sfax, au sud-est de la Tunisie (270 kilomètres de Tunis), ville symbole aussi bien pour le labeur de sa population que sa contribution à la lutte nationale et son apport au dénouement des grands tournants historiques en Tunisie. Le congrès de Sfax du Parti destourien a tranché en 1955 en faveur du clan de Bourguiba contre Ben Youssef.
La grande manifestation du 12 janvier 2011 à Sfax a scellé le sort de Ben Ali, avant son départ, deux jours plus tard. Et, aujourd’hui encore, les ténors de la société civile, la centrale ouvrière UGTT, la centrale patronale Utica et l’Ordre des avocats, ont sauté sur l’occasion pour exprimer, chacun à sa manière, un soutien réservé au président Saïed, en lui tendant la main pour un redressement du pays après une décennie marquée par l’échec. C’est la première fois que pareils propos sont aussi clairs et ciblés.
Le président du patronat (Utica), Samir Majoul, a commencé le bal des interventions et n’a pas été tendre avec les gouvernants durant la dernière décennie, en accusant la Constitution de 2014 d’être derrière les déboires vécus par la Tunisie.
«Avec cette Constitution, jamais nous n’aurons une majorité stable (…). Nous avons perdu tout notre patrimoine en dix ans (…). Ils font des bêtises et nous payons !» a-t-il notamment dit, se positionnant clairement aux côtés du président Saïed, en accusant les islamistes d’Ennahdha, sans les citer, de chercher en vain à noyauter les organisations nationales. «La politique ne doit pas s’infiltrer dans nos institutions.
Le vrai danger depuis 2011 ce sont toutes ces tentatives de politiser l’économie et les institutions», a souligné Majoul, qui a toutefois terminé ses propos sur une note positive : «Assumons donc notre responsabilité et ne vous inquiétez pas nous sauverons la Tunisie !» L’UGTT et l’Utica entameront ce week-end des débats pour un programme de redressement économique. Les échos font état que ledit programme irait dans le sens des investissements recherchés par le président Saïed dans l’arrière-pays et financés par l’amnistie des hommes d’affaires corrompus.
Défense
Dans son intervention, le bâtonnier des avocats, Me Brahim Bouderbala, s’est opposé de manière virulente aux propos contenus dans le communiqué des ambassadeurs du G7 en Tunisie, en leur rappelant «leur silence suspect dans le dossier des fonds tunisiens spoliés et déposés à l’étranger, tout comme le rejet par leurs instances judiciaires des demandes de remise des suspects incriminés en Tunisie, en se basant alors sur des critiques de la magistrature tunisienne qui ne respecte pas les normes internationales».
Me Bouderbala a exprimé «son soutien à toutes les tentatives visant à la lutte contre la corruption dans le pays, surtout que les malversations ont sévi en Tunisie durant la dernière décennie». Il a rappelé que «la magistrature doit être en tête de la lutte contre la corruption, puisque l’on ne peut défendre les intérêts de tous les intervenants qu’avec l’éradication des malversations dans la magistrature», critiquant ceux qui «appellent à l’intervention étrangère dans les affaires du pays».
C’est dire que ce congrès a, pour une fois, réuni des propos cohérents de soutien au changement du 25 juillet et proposé une voie de salut, par le projet de redressement économique que vont confectionner l’UGTT et l’Utica.
L’Ordre des avocats soutient, pour sa part, ledit changement et la réforme de la justice. Le Syndicat des magistrats est appelé par les observateurs à s’exprimer, car l’association est connue pour une politisation très nuancée et taxée d’être pro-islamiste.
On attend la réaction du président Saïed face à cette main tendue.