Trump, Steinbeck et la Californie

08/02/2025 mis à jour: 16:06
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Sommes-nous en train de traverser une  sérieuse zone de  turbulences, une étape historique du monde, qui, s’il n’a point accouché de «nouveautés» réjouissantes  annoncées après une bipolarisation neutralisante de près d’un demi-siècle, s’engage dans une voie dangereuse, donnant au nouvel ordre mondial une image très caricaturale, qui pourrait, au train  où vont les choses accélérées, aboutir à un bien triste désordre mondial ? 

L’univers serait-il condamné à être gouverné par la force et la peur ? Puisque les règles établies et les institutions censées les protéger, au plan international, ne semblent plus jouir du respect et de la considération voulus. Pis  encore,  elles sont allégrement défiées et parfois ridiculisées. 

De fait, on se rend compte où peut mener le capitalisme dévoyé du «dieu» argent, qui se décline à travers une occidentalisation de la planète à marche forcée, selon le modèle unilatéral du géant américain, faisant cavalier seul, heurtant les consciences et les partenaires  ainsi que d’autres nations qui, pourtant, n’ont rien demandé, mais qui comptent ne pas se laisser faire dans  cette pathétique  et néanmoins dictatoriale fatalité. Ces «nouveautés» qu’affiche Trump, avec la volonté d’ annexer  des territoires (Canada, canal de Panama et Groenland), en donnant le feu vert à l’occupant israélien de s’agrandir davantage  en Cisjordanie, comme si  Balfour n’a pas suffi, ont suscité plus d’étonnements que de condamnations !

 On sait que le ralliement à l’économie de marché des mastodontes chinois et russe, à la fin du siècle dernier, avait  achevé d’enterrer l’alternative systémique, que fut la grande  illusion égalitariste, reléguant aussi l’Europe divisée au rang de faire valoir, ne pesant pas du poids stratégique que sa monnaie mérite, face au dollar étalon euphorique  et triomphant, qui compte le rester encore pour longtemps. 

Alors que les regards du monde et de Trump sont braqués sur les nouveaux territoires, qu’il veut annexer, voilà  qu’au même moment, la Californie, l’un des puissants Etats de la bannière étoilée, montre des velléités de séparatisme. Cinquième puissance mondiale avec ses 40 millions d’âmes, la Californie ne s’est intégrée aux USA qu’en 1850, alors qu’elle dépendait du Mexique. Elle jouit d’une économie prospère et diversifiée, dont tirent profit les autres Etats américains. 

On sait que cette contrée  est réputée  pour ses excentricités et ses extravagances, mais de là à franchir ce pas ! Qui mieux que Steinbeck, fils d’immigrants irlandais et allemand (comme Trump), peut  décrire cette région  assez étrange  où l’écrivain y est né en 1902. » Sous son ciel hospitalier, les croyances les plus  aberrantes, les sectes les plus pittoresques  se multiplient, se donnant en spectacle, défilant en parades à la fois  clownesques et extatiques. 

Il y a là  comme un creuset mystique tenu par des mains quelque peu ivres. Cette mysticité se reflète dans les romans de l’auteur. La plupart des titres  dévoilent une préoccupation spirituelle. L’un des thèmes essentiels de son œuvre est la malédiction originelle qui pèse sur l’homme. Cette malédiction condamne celui-ci  au mal, même s’il tente de s’y soustraire. On peut le constater dans le récit célèbre Des souris et des hommes. Dans l’œuvre de Steinbeck, l’homme s’oppose au mal «en un combat douteux» et mûrissent sans fin Les raisins de la colère. 

Ce thème de la malédiction fournit à Steinbeck le sujet d’un roman de 600 pages, A l’Est d’Eden  que le cinéma vulgarisa. Dans tous ses ouvrages, Steinbeck  établit une identité entre l’homme et la terre. Sa morale  se complète d’un devoir de justice, d’entraide qui nous conduit du plan religieux au plan social. Marx et Lénine, écrit-il, ne sont pas des causes mais des effets. 

Parmi les écrivains américains, nul plus que lui n’a partagé la vie des humbles. Il exerce vingt métiers, avant de vivre de sa plume. «J’ai appris  quelque chose a dit l’un des héros de Steinbeck.» «Quelque chose que j’apprends tous les jours, si vous avez des ennuis, si vous êtes malade, si vous êtes dans le besoin, demandez aux pauvres. Ce sont les seuls qui aident.» Les seuls. 

De toutes les certitudes élémentaires de Steinbeck, celle-là n’est pas la moindre. Elle se confond  avec l’amour des hommes et de la terre des hommes. On comprendra qu’on est ici aux antipodes  des théories  fascistes et autoritaires qui fleurissent ici et là dans un Occident qui ne sait plus où donner de la tête...

Entre-temps, Trump va-t-en guerre, lui aussi, déclare sans ciller : «Qu’il n’y a aucune garantie que le cessez-le-feu à Ghaza tienne»  et que la Jordanie et l’Égypte finiront par accepter les réfugiés palestiniens. Son obsession est telle,  que  le grand roi de l’immobilier, qu’il était, renaît en lui  en évoquant cet endroit (Ghaza), selon lui, idéal pour son climat et la construction de belles demeures en face de belles plages. Et pour ce faire, il faut que ses occupants actuels déguerpissent ? 

Une autre Nakba en perspective ? Il nous apprend ensuite qu’il est en train de négocier un accès aux terres rares en Ukraine, en échange de l’aide américaine. Avant-hier, il a signé un décret pour retirer les Etats-Unis du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Et l’arrêt de toutes les aides ! 

Enfin il clame haut et fort que son  livre L’art du deal est essentiel. Il se situe juste après la Bible, assure-t-il. «Amen».

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