Trump, le Lesotho et le reste du monde

09/04/2025 mis à jour: 20:30
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La guerre commerciale que vient de déclencher le président des Etats-Unis avec l’offensive sur les droits de douane, appliqués aux produits entrant sur le sol américain et provenant de l’étranger, n’en finit pas d’avoir des répercussions au niveau de la planète. Lundi dernier, pratiquement toutes les Bourses des pays occidentaux ont ouvert en baisse. Un «lundi noir». Le pétrole a aussi perdu de sa valeur sur les marchés entre 15 et 16%.

Une situation mondiale inédite, depuis la crise de Covid-19 de 2020. Tout le monde y perd dans ce que beaucoup d’observateurs voient comme étant un nouveau paradigme du commerce international, une remise en cause du libre-échange, dans les flux internationaux, qu’ils soient financiers, industriels et technologiques, imposés par Washington depuis le 1er avril courant.

Et ce n’est pas par hasard, si les premiers à crier à l’injustice et à s’inquiéter du sort du monde, dans l’immédiat et à moyen terme, sont les pays européens essentiellement, qui voient dans l’attitude de Donald Trump, une volonté de remise en question de l’ordre mondial, en fonction des intérêts exclusifs américains ! D’une manière générale, les pays européens se voient taxés de l’ordre de 20% pour leurs exportations futures vers les Etats-Unis.

Beaucoup de leurs dirigeants disent craindre une chute du produit intérieur brut (PIB) de leurs pays respectifs de l’ordre de 1 à 3%. Ce qui, admettent-ils, aura des répercussions sur la croissance entraînant des risques évidents d’inflation pour des économies en faible croissance ou en stagnation, comme l’Allemagne par exemple. D’ailleurs, ce pays est celui du Vieux Continent qui exporte le plus vers les Etats-Unis, essentiellement des véhicules automobiles.

On évoque, ici et là, le spectre du chômage, l’inflation, les pertes d’emploi qu'entraînerait cette nouvelle reconfiguration des échanges commerciaux avec les Etats-Unis. Ou dans le meilleur des cas, une stagflation à l’échelle internationale avec des conséquences très différenciées selon les pays. C’est pour cela qu’une cinquantaine de pays ont demandé à négocier, face au refus de Trump d’accorder une quelconque pause avant l’entrée de ces nouvelles taxes.

Mais cette bataille douanière et commerciale, sur fond géostratégique, ne peut dissimuler les ambitions géopolitiques américaines, notamment dans l’espace indopacifique. La Chine est vue comme une puissance concurrente, pour ne pas dire rivale, depuis des décennies. Depuis le temps où l’administration de Barack Obama avait délimité l’espace indopacifique, comme centre d’intérêt majeur, et ce, par rapport à la puissance grandissante de la Chine.

Les Américains se sont évertués à avancer des têtes de pont en vue de renforcer leur contrôle sur l’espace qui va de l’océan Indien au Pacifique, avec la mise place de l’organisation militaire «Aukus», regroupant l’Australie, la Nouvelle- Zélande, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Une «alliance militaire» destinée à tenir «à distance» la Chine en réduisant ses ambitions géopolitiques.

La Chine qui a déjà fait l’objet de mesures de relèvements de taxes douanières, de la part des Etats-Unis, notamment en ce qui concerne ses exportations d’aluminium. Suite à la décision de Trump de relever les tarifs douaniers de 34% pour les produits chinois entrant aux USA, Pékin a aussitôt appliqué la réciprocité et saisit l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le président américain s’est dit décidé à poursuivre le bras de fer, en menaçant d’augmenter les taxes de 50% sur les produits chinois, soit à plus de 104% au final !

Les Africains, eux aussi, sont inquiets, à l’image du royaume du Lesotho, pays enclavé d’un peu plus de deux millions d’habitants qui exporte à peine un plus de 200 millions de dollars vers le marché américain, essentiellement du textile «Denim», les fameux «jeans». Un pays où le taux de chômage a atteint plus 25%, et auquel Donald Trump a fait le reproche d’avoir bénéficié en moins de 10 ans de près d’un milliard de dollars pour la lutte contre le sida et a décidé de suspendre toute aide américaine à la population de ce royaume d’Afrique centrale. La Guinée ou Madagascar paient le prix d’avoir fait en sorte que la Chine devienne leur premier partenaire économique.

Quant à l'Île Maurice, ce n’est pas pour ses atouts touristiques que Trump a décidé de la faire figurer sur ses tablettes des nouvelles taxes, mais sans doute parce que l’île est depuis une quinzaine d’années un important «hub» financier au niveau du continent, avec une moyenne de 46 milliards de dollars d’investissements directs destinés aux pays africains qui transitent par cette place financière continentale.

L'île Maurice a même été dans les années 2010 le premier partenaire de l’Inde en matière d’investissements directs étrangers. De quoi sans aucun doute attiser l'appétit de Donald Trump. On saura dans les jours qui viennent si la «stratégie du fou» qui guide sa prise de décision aura été payante ou pas.
 

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