Avec le renforcement du dispositif sécuritaire sur les axes routiers durant la pandémie Covid-19 et tout le long de la région frontalière avec le Maroc, premier producteur mondial de cannabis, en raison de la crise diplomatique qui a suscité la rupture des relations avec ce voisin, les quantités saisies de kif traité ont connu un recul substantiel.
Pour de nombreux experts, les barons marocains se sont redéployés sur d’autres routes qui longent la frontière sud du pays, comme le nord du Mali et le Niger, où prolifèrent les groupes terroristes, les contrebandiers et les trafiquants en tout genre, pour faire acheminer leurs cargaisons de cannabis et tenter de les faire entrer par le sud et l’est du pays.
Mais pendant que l’Etat mobilisait ses moyens pour faire face à ce trafic, des barons d’un autre type de drogue ont tissé une véritable toile d’araignée qui organise et contrôle les convois vers l’Egypte, la Tunisie mais aussi vers l’Algérie d’importantes quantités de psychotropes, importés de l’Inde par certains laboratoires libyens. Un commerce très rentable pour les seigneurs de la guerre d’hier et d’aujourd’hui, qui ont pignon sur rue au nord de la Libye.
Aidés par un Etat en dislocation et une grave situation sécuritaire, les nouveaux barons ont mis en place des réseaux puissants qui ont pu développer des itinéraires sécurisés pour acheminer des cargaisons de psychotropes vers Algérie, en utilisant tantôt les anciens réseaux de cannabis, tantôt de nouvelles organisations. Le plus gros des cargaisons a pour destination finale l’Europe, à travers certains ports. Mais au fil des années, les quantités alimentant le marché local devenaient importantes.
Une manière de créer le besoin et surtout de financer toute la logistique mise en place pour accroître les revenus de cette activité criminelle qui consiste à vendre «une mort à petit feu» à la jeunesse algérienne. Les spécialistes se montrent formels lorsqu’ils affirment que chaque quantité saisie ne représente que 10% de la quantité réelle introduite sur le territoire. «Lorsqu’une cargaison de 1 million de comprimés est récupérée, cela veut dire qu’une autre de 90 millions a échappé au coup de filet.
Les barons n’investissent pas dans un produit, les pertes qu’ils risquent de subir dépassent les 10%. C’est une règle…» expliquent certains spécialistes. Ce trafic que subit l’Algérie ne provient pas uniquement de la Libye. D’autres pays sahélo-sahariens et d’Afrique de l’Ouest, et d'ailleurs, confrontés à des conflits armés ou à des crises politiques endémiques, ont sur leurs territoires des unités clandestines de fabrication de psychotropes qu’ils combinent souvent à des produits chimiques et au cannabis, les rendant extrêmement dangereux pour la santé. La plus grande quantité a été importée du Niger. Elle a été acheminée vers l’Algérie par des passeurs de migrants. Les quantités saisies ne sont, certes, pas importantes en termes de volume, comparativement à celles qui proviennent de Libye.
Cependant, cette filière reste aussi dangereuse que celle de la Libye, dans la mesure où elle est connectée aux réseaux de trafic de cocaïne latino-américaine, qui transitent par l’Afrique de l’Ouest. Elle a également des connexions avec les trafiquants d’armes et les contrebandiers du nord du Mali et de la Libye, qui se rendent service ou s’allient pour assurer la réussite d’une action criminelle.
L’Algérie se retrouve ainsi prise en étau entre les barons du cannabis en provenance du Maroc et ceux des psychotropes qui viennent de Libye et des pays du Sahel. En réalité, l’Algérie fait face à des organisations criminelles transfrontalières qui menacent non seulement son intégrité territoriale mais aussi la santé de ses citoyens. Un défit important à relever.