Bien que le développement de la pisciculture intégrée connaît un extraordinaire engouement de la part des agriculteurs, les produits halieutiques élevés localement, pour une centaine d’entre eux, n’arrivent pas encore dans les assiettes des citoyens de Tiaret, confrontés à la cherté des produits carnés, rouges ou blancs, alors que certains, à l’exemple de Bedrani Bedrane, pionnier dans cette activité, font face à certains aléas, surmontables, d’autant que les pouvoirs publics, tant centraux que locaux, misent sur ce segment pour participer, relativement, à freiner la dépendance.
C’est en marge de la journée mondiale de l’eau qu’une visite officielle a été programmée dans la commune de Hamadia, 58 km à l’est de Tiaret, à la ferme Mechti.
Technicien en hydraulique à la retraite, Bedrani Bedrane s’est investi corps et âme dans cette activité qui pourrait valoir des perspectives salvatrices pour cette région des Hauts-Plateaux. Lancé dans son investissement depuis 2016 avec un bassin aux normes, M. Bedrani, qui est actuellement président de l’Association des éleveurs de poissons, s’est retrouvé par la force des choses celui dont l’activité pourrait être boostée.
Sa ferme spécialisée dans la pisciculture intégrée ne désemplit pas et son affaire pourrait croître à la faveur d’un partenariat en autofinancement avec la Sarl Ahpet-Food établie à Boumerdès en élevant la carpe et le Tilapia. Deux espèces prisées par les faibles bourses et pour avoir été testées par les ménagères et qui plus est à un prix raisonnable par rapport aux prix exorbitants des produits de la mer.
«En 2016, j’ai commencé avec 400 alevins pour en disposer de 90 pièces pour mon écloserie», affirme avec fierté M. Bedrani rencontré au lendemain de la visite du chef de l’exécutif venu s’enquérir globalement de la disponibilité de l’eau, après que ses services ont octroyé plus de 1000 autorisations de forage aux agriculteurs, établi une feuille de route devant raccorder 309 exploitations agricoles et pour être à l’écoute des doléances du monde rural.
C’est sur ces problèmes qu’il rencontre dans sa ferme excentrée par rapport à la route, dont la nationale 90 et avec près de deux kilomètres de pistes et l’indisponibilité de l’électricité, que M. Bedrane voudrait attirer l’attention de Ali Bouguerra.
A l’appui de sa demande, M. Bedrane cite la panne d’électricité qui a duré trois heures et qui lui a valu la perte de pas moins de 500 des 2000 alevins se trouvant dans un bassin. Un bassin pour qui il faudrait créer un microclimat en fournissant de l’énergie qui alimentent des bouteilles de gaz butane pour chauffer l’eau, d’autant que dans la région, très froide en hiver, ne pousse pas à l’entrain beaucoup d’autres agriculteurs qui abandonnent dès les premières pertes d’alevins.
Une préoccupation d’autant plus pertinente que la ferme de Bedrani Bedrane devient presque un site incontournable pour les agriculteurs et étudiants en quête d’expériences. «M’alimenter en gaz propane, comme on en voit fleurir un peu partout en milieu rural et en zones enclavées et aménager la voie qui mène à cette ferme pilote, ne sont pas des travaux difficiles», estime notre interlocuteur.
C’est dans sa ferme qu’a eu lieu, il y a quelques mois, une formation in-situ pour 172 agriculteurs, dont des jeunes porteurs de projets. D’ailleurs, dans le cadre du dispositif d’aide à l’emploi, l’ANAD a validé 8 des 10 projets qui lui ont été soumis, dont les bénéficiaires voudraient investir dans la pisciculture.
«La commission exige néanmoins la réalisation de 24 bassins pour chaque investissement selon des critères techniques préétablies et la moitié de l’assiette réservée à l’engraissement qui varie entre 11 et 13 mois pour que le produit soit marchand , le coût de financement estimé pour chaque projet est de 9,3 millions de dinars en bénéficiant toutefois d’un accompagnement technique et financier à hauteur de 70 et 25% par un apport de l’agence de développement de l’entrepreneuriat», nous a-t-on expliqué, pour ce qui est de ces projets de jeunes, dont on escompte booster la donne.
En attendant donc du Tilapia d’ici une quinzaine de jours sur nos étals, le pionnier de la pisciculture intégrée a remis au wali, pour les offrir à des éleveurs de la wilaya de Relizane, dont une femme, pas moins de 500 alevins, signe de sa volonté de valoir à cette activité un plein essor.
Globalement et, même si l’importation de produits halieutiques a cessé depuis 2016, l’élevage, dit continental sur des ouvrages hydriques, reste actuellement à l’arrêt du fait de la chute drastique des réserves dans les deux barrages de la wilaya (Bekhadda et Dahmouni) quand bien même les autorisations restent du ressort exclusif de l’ANBT.
Les perspectives pourraient être meilleures, puisque, renchérit docteur Benamara, chef de l’antenne de Tiaret, qui soutient que «la production ira crescendo en attendant le recensement des agriculteurs possédant des bassins de 1000 m3 avec les services de la DSA pour leur exploitation à des fins d’élevage intensif».