Le député Abdenacer Ardjoune du Front de libération nationale (FLN) de la wilaya d’El M’ghaïer, ville située à 650 km au sud-est d’Alger, a été mis en examen et écroué vendredi pour avoir tenté de faire parvenir, via le chef de la brigade de la gendarmerie, une enveloppe contenant des réponses à l’épreuve de mathématiques à sa fille, candidate à l’examen du BEM, qui s’est déroulé du 6 au 8 juin en cours.
Le procureur de la République a ordonné, suite à une dénonciation de la part du chef du centre d’examen de la commune de Still, l’ouverture d’une enquête pour situer les responsabilités. Selon des sources au sein de l’ex-parti unique, le député Ardjoune, un militant discret et peu connu dans les rangs du FLN, a commis «l’irréparable».
La ville d’El M’ghaïer a été hissée lors du dernier découpage administratif de 2019 au rang de wilaya et Abdenacer Ardjoune, un notable respecté dans sa région, a récolté 100 000 voix lors des dernières élections législatives, très loin devant le deuxième sur la liste qui n’a obtenu que 3000 voix.
Ce résultat, explique un député, prouve la «popularité» du personnage dans cette région. Une fois élu, Ardjoune est même désigné vice-président de la commission de l’habitat, de l’équipement, de l’hydraulique et de l’aménagement du territoire à l’APN.
Comment cet élu a usé de son autorité pour se procurer des sujets d’examen du BEM et les faire parvenir à sa fille ? Interrogé, Temamri Sid Ahmed, président du groupe parlementaire du FLN, a refusé de commenter cette affaire préférant «attendre de connaître les détails de ce dossier ainsi que la position du bureau de l’Assemblée qui devrait se réunir dans les heures à venir». Mais tant qu’il y a la présomption d’innocence, les responsables du FLN estiment que leur collègue est toujours innocent.
Au moment des faits, nous confient ses proches, le député Ardjoune était à Alger. Il a été convoqué par la gendarmerie le 8 juin et a répondu présent le lendemain. Il s’est présenté devant le procureur de la République du tribunal d’El Oued, qui l’a renvoyé devant le juge d’instruction pour les chefs d’inculpation de «fuite des réponses et des sujets d’examen du BEM via un groupe de personnes» et de «mauvaise utilisation de la fonction». Il est aussi accusé d’«incitation des fonctionnaires au trafic d’influence» et «mauvaise utilisation de la fonction».
Trois autres personnes sont impliquées dans cette affaire. Après leur audition, le député et le chef de brigade de la gendarmerie ont été placés sous mandat de dépôt et les deux autres personnes ont été placées sous contrôle judiciaire. Certaines indiscrétions affirment que le député a été «piégé». «Le chef du centre aurait proposé ses services au député. Ce dernier a cédé», rapporte un député.
D’aucuns s’interrogent pour savoir comment le député a pu se procurer les sujets d’examen. «Les sujets de toutes les épreuves officielles sont censés être emballés dans des sachets scellés et ne sont ouverts que le jour de l’examen devant les élèves. L’enquête doit être élargie à ce niveau pour situer les responsabilités», propose un député.
Pour ce qui est du sort du mis en cause, son immunité parlementaire, selon la Constitution du 1er novembre 2020, ne couvre que les activités en lien avec son mandat et donc le membre du Parlement jouit de l’immunité pour seulement «les actes rattachés à l’exercice de sa fonction».
Dans ce sens, l’article 131 de la Constitution dispose : «En cas de flagrant délit ou de crime flagrant, il peut être procédé à l’arrestation du député ou du membre du Conseil de la nation. Le bureau de l’Assemblée ou du Sénat, selon le cas, en est immédiatement informé. Il peut être demandé, par le bureau saisi, la suspension des poursuites et la mise en liberté du député ou du membre du Conseil de la nation.»
L’article 130 précise que le parlementaire peut faire l’objet de poursuites judiciaires pour les actes ne se rattachant pas à l’exercice de ses fonctions parlementaires après renonciation expresse de l’intéressé à son immunité. En cas de non-renonciation, les autorités de saisine peuvent saisir la Cour constitutionnelle aux fins de se prononcer, par décision, sur la possibilité ou pas de la levée de l’immunité.