Les pays exportateurs de gaz ont indiqué, en marge des travaux du 6e sommet du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF) qui s’est achevé hier à Doha, au Qatar, qu’ils n’ont pas les capacités supplémentaires nécessaires, en dehors de leurs contrats en cours, pour répondre à la demande européenne, dans le sillage de la crise ukrainienne, tout en indiquant qu’ils n’ont «aucune visibilité sur les prix», dont l’envolée est due notamment au manque d’investissements.
Les représentants des pays membres du Forum, dont le président Abdelmadjid Tebboune, se sont réunis du 20 au 22 février, pour leur 6e sommet à Doha, alors que la crise entre Moscou et les pays occidentaux participe à exacerber la crise énergétique et à renforcer l’envolée des prix du gaz sur les marchés mondiaux. La Russie a clairement affirmé, hier, par la voix du ministre de l’Energie russe, Nikolaï Choulguinov, qui représentait le président Vladimir Poutine au sommet, que «les compagnies russes étaient totalement engagées dans les contrats existants» et ne prévoyaient donc aucune coupure d’approvisionnement. Des «risques potentiels» ne cessent cependant d’être mis de l’avant par les pays occidentaux qui menacent de recourir à des sanctions contre la Russie, dans le cadre de ce qu’ils qualifient d’«invasion de l’Ukraine».
Dans ce contexte, les onze pays gaziers membre du GECF, fortement sollicités en vue de répondre à la demande européenne – qui demeure importante dans les mois à venir pour répondre aux besoins de la consommation, mais aussi pour constituer les stocks quasi à sec – indiquent qu’ils n’ont pas inclus la crise énergétique européenne à leur ordre du jour, tout en soulignant, en marge du sommet, qu’ils sont déjà liés par des contrats avec d’autres clients, ce qui limite leurs marges de manœuvre.
L’émir du Qatar, Cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani, a notamment déclaré, lors de son allocution à l’ouverture du sommet, que son pays, un des principaux pays exportateurs de gaz, avait assuré l’Europe de son «aide» en cas de difficultés d’approvisionnement, précisant toutefois qu’elle serait limitée aux volumes disponibles, les producteurs étant liés par «des contrats à long terme». «Les volumes qu’on peut rediriger, vers d’autres clients, représentent environ 10 à 15%», a-t-il indiqué.
Or, la Russie «représente 30 à 40% des approvisionnements de l’Europe. Remplacer rapidement ce type de volumes est quasiment impossible», a-t-il ajouté. S’exprimant en marge du sommet de Doha, le ministre qatari de l’Energie, Saad Al Kaabi, a pour sa part déclaré que la crise russo-ukrainienne qui suscite des inquiétudes quant à une perturbation potentielle des approvisionnements en gaz russe vers l’Europe n’avait pas été discutée lors du sommet du GECF du 22 février. «Il n’y a eu absolument aucune discussion sur quoi que ce soit lié à ce qui se passe en Ukraine, parce que nous ne sommes pas un forum politique. Il n’y a eu absolument, sans équivoque, aucune discussion sur quoi que ce soit, lié à la politique dans ce forum», a-t-il déclaré. Saad Al Kaabi a déclaré en outre qu’«aucun pays ne pourrait remplacer le gaz russe». La plupart des volumes de GNL sont déjà «liés à des contrats à long terme et à des destinations très claires. Remplacer rapidement ce volume est presque impossible», a-t-il ajouté.
Le ministre qatari a également souligné que le détournement de cargaisons d’un marché à un autre aurait «un effet d’entraînement négatif» sur le marché. «Nous ne romprons pas les contrats pour favoriser un client plutôt qu’un autre», a-t-il déclaré. Dans un marché aussi serré, «il risque d’y avoir une pénurie et une flambée des prix», a-t-il déclaré. Le ministre a indiqué également que les prix élevés actuels «étaient fondamentalement le résultat d’un manque d’investissement» dans le secteur du gaz et «sont donc bien antérieurs» à la crise russe. «La hausse des prix a été observée au milieu de l’année dernière. La question fondamentale sur les prix est une question d’offre et de demande et un manque d’investissement dans les énergies fossiles principalement causé par l’euphorie vers la transition énergétique qui n’a pas été bien étudiée» a déclaré Saad Al Kaabi.
Le Forum insiste sur l’importance des contrats à long terme
La déclaration finale ayant sanctionné les travaux du 6e sommet du GECF a souligné «l’importance cruciale de la poursuite des investissements et du développement des ressources en gaz naturel et des infrastructures connexes pour assurer la sécurité énergétique et des systèmes énergétiques résilients».
Le document met en relief «l’impact négatif de l’extrême volatilité du marché sur la demande de gaz naturel et son accessibilité, et la nécessité de politiques énergétiques clairvoyantes qui intègrent le gaz naturel comme source fiable et flexible pour la production d’énergie de base ; ainsi que l’importance de la sécurité de la demande, de cadres juridiques transparents et non discriminatoires et de politiques énergétiques, commerciales, fiscales et environnementales prévisibles dans les pays consommateurs et de transit de gaz».
Réitérant leur détermination à «renforcer la sécurité énergétique mondiale en tant que fournisseurs fiables de gaz naturel pour répondre à la demande énergétique mondiale croissante», les participants ont, en outre, mis en l’avant «l’importance de la coordination et de la coopération entre les pays membres, et du dialogue entre les producteurs, les consommateurs et les autres parties prenantes concernées, pour la promotion de la coopération internationale visant à assurer la viabilité et la durabilité des marchés du gaz».
Le Forum a par ailleurs insisté sur «l’importance des contrats à long terme pour le gaz et le GNL, et des prix équitables et stables pour soutenir la poursuite des investissements dans l’industrie mondiale vitale du gaz» Il a mis en exergue «la tarification du gaz basée sur l’indexation pétrole/produits pétroliers pour assurer des investissements stables dans le développement des ressources en gaz naturel».
Les membres du forum ont aussi fait part de «leur profonde préoccupation et leur désaccord concernant «les restrictions économiques unilatérales entreprises sans l’approbation du Conseil de sécurité des Nations unies et l’application extraterritoriale des lois et réglementations nationales contre les pays membres du GECF qui affectent négativement le développement et le commerce du gaz naturel».