Déjà lourdement affectés par des récoltes réduites en raison des perturbations climatiques et par une forte demande en Chine et au Moyen-Orient, les prix du blé subissent de plein fouet les conséquences de la crise actuelle entre la Russie et l’Ukraine.
Dix jours après le débarquement russe, les prix des matières premières alimentaires sont toujours sous forte tension. Certes, il y a une certaine accalmie après le record du 24 février dernier (premier jour de l’invasion russe), mais, les cours sont repartis hier à la hausse et les craintes sur les approvisionnements s’accentuent.
C’est en fait de nouveau la flambée avec l’arrêt du trafic maritime en mer Noire et les sanctions économiques à l’encontre de la Russie. Deux facteurs qui réduisent l’offre mondiale des céréales mais aussi des huiles alimentaires, puisque les disponibilités russo-ukrainiennes sont quasiment inaccessibles.
Exemple : jeudi 3 mars sur le marché européen Euronext, le prix du blé tendre progressait de 21,50 euros à 372,75 euros la tonne sur l’échéance de mars, et le maïs gagnait 15 euros à 355 euros la tonne sur la même échéance. A la Bourse de Chicago (CME), peu après l’ouverture, le prix du blé de variété SRW atteignait 10,59 dollars le boisseau, en hausse de 7,62% pour le principal contrat à terme, avec livraison en mai.
Le maïs était lui en progression de 1,89% à 7,39 dollars le boisseau, et le soja en baisse de 0,68% à 16,78 dollars.
Le soja américain a enregistré lui aussi des performances haussières hors du commun, porté, notamment, par la flambée du pétrole et du marché des huiles. Cela pour dire que les marchés des matières premières sont fortement impactés par la guerre en Ukraine, qui vient réduire chaque jour un peu plus et un peu plus durablement les disponibilités mondiales.
Ainsi, après la sidération, les marchés se rendent compte que cette flambée s’inscrit dans le «long terme», selon des analystes européens repris par Terre-net. «Les marchés tentent de réallouer les approvisionnements, et pour l’instant, c’est surtout la peur qui domine», expliquent-t-ils, rappelant à chaque fois que la Russie et l’Ukraine sont deux exportateurs majeurs.
Les pays dépendants des importateurs risquent de se retrouver dans des situations difficiles avec la réduction des stocks. Et ce, d’autant qu’ils sont nombreux ceux dont les récoltes s’annoncent en baisse cette année en raison de la sécheresse. Ce qui va accentuer leur vulnérabilité.
Le directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), Qu Dongyu, l’a bien souligné ce 1er mars : «L’évolution de la situation pourrait avoir des répercussions sur la sécurité alimentaire au-delà des frontières de l’Ukraine, y compris pour la sécurité alimentaire dans un certain nombre de pays qui dépendent à des degrés divers du blé provenant de cette région.»
L’autre produit touché par cette flambée est l’huile de tournesol, dont l’Ukraine assure la moitié du commerce mondial, ce qui représente 14% des échanges des huiles végétales. «Cela va être très compliqué de remplacer le tournesol : la crise est dans une situation déjà très tendue sur ce marché, avec des récoltes insuffisantes pour l’huile de palme en Asie, après les campagnes catastrophiques de colza au Canada et une tension grandissante pour le soja du fait de la sécheresse en Amérique latine», résume Sébastien Poncelet, expert international des marchés des grains.
Par ailleurs, en plus du poids important de ces deux pays dans l’exportation de céréales, notons aussi le rôle de la Russie dans le commerce d’engrais. Un commerce déjà volatil depuis quelques mois.
La Russie représente en effet 13% du commerce des produits intermédiaires d’engrais et 16% des échanges d’engrais finis. Les effets du conflit s’annoncent importants concernant le nitrate d’ammonium. La Russie à elle seule représente 40% des exportations mondiales, essentiellement vers l’Amérique latine et notamment le Brésil, un gros producteur mondial de céréales.
Du côté des engrais potassiques, la Russie et le Bélarus fournissent 20% du commerce mondial. Dans ce contexte, une rupture des volumes fournis ne pourrait pas être compensée par les autres fournisseurs, selon les spécialistes qui prévoient une hausse des coûts de production des matières premières agricoles végétales.