Télévision : Alger confidentiel : Un thriller à côté de la plaque

19/02/2022 mis à jour: 17:00
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Scène de la mini-série sentant la «manip» et à dessein

La série diffusée par la chaîne franco-allemande Arte a entraîné de multiples réactions critiques, jusqu’aux autorités officielles. Plus que d’habitude, cette fiction télévisée donne une fausse image de l’Algérie

La série était vendue comme une fiction mixée d’intrigues politique, policière, d’amour et d’espionnage entre Alger, France et Allemagne. L’affiche était prometteuse. Pourtant, rapidement l’intrigue du thriller Alger confidentiel diffusé en quatre épisodes sur Arte jeudi soir a largement déçu le public algérien. 

Malgré d’excellents comédiens et un rythme soutenu. Pourtant l’écueil était prévisible. D’abord parce que le scénariste Abdel Raouf Dafri et le réalisateur Frédéric Jardin paraissent ne pas connaître grand-chose de l’Algérie où ils situent l’histoire et d’ailleurs ils n’y ont pas tourné, ajoutant au trouble qu’on ressent. 

En conséquence, tout sonne faux. Ils ne savent rien de l’essor tous azimuts du pays et les contradictions politico-socio-économiques d’un grand pays, après la catastrophe des années de la décennie noire. Ils ne connaissent rien de son bouillonnement et de ses tiraillements. Ils ignorent tout de l’organisation particulière du peuple algérien et du régime, ni des enjeux du pays avant le hirak et après. 

Ils survolent et réinventent à leur façon très rocambolesque les rouages du pouvoir dépeint uniquement comme corrompu sans qu’aucun personnage civil ne soit mis en scène. Seulement quelques militaires véreux qui auraient la main sur des contrats d’armes avec l’Allemagne, des militaires désincarnés sensés représenter l’armée nationale populaire. 

Face à eux, ils osent dépeindre des «militants» laïcs utopistes qui prennent le relais du fourvoiement coûteux des islamistes armés. Le film, tiré d’un roman allemand Paix à leurs armes d’Oliver Bottini (éd. Piranha, 2016) voudrait faire croire que l’Algérie n’a aucune «personnalité» et qu’il est le jouet de l’espionnage américain, français et allemand. 

Il en ressort le sentiment désagréable que l’Algérie serait un petit pays dont on peut jouer impunément. Ce dernier effet qui fait passer l’Algérie pour une république bananière est le plus dommageable. 

La mini-série tournée au maroc

En réalité, il est dû au fait que la série a été tournée au Maroc, dont le niveau de développement des campagnes n’est pas le même que celui atteint par la ruralité algérienne (ou ce qu’il en reste). Les images d’incruste pour figurer la capitale (tournée certainement par un prestataire algérien) n’y peuvent rien. Très vite la fausseté des images surgit et empêche le public algérien de goûter comme il se doit cette histoire de pied-nickelés du terrorisme et d’agents étrangers digne du comique d’OSS 117.

Au cœur de l’histoire de la mini série, écrite et tournée avant le hirak, une projection des mouvements de protestation contre le régime qui, fatigués de réclamer la démocratie, passeraient à la lutte armée. Pour cela un groupe de terroristes, chapeauté par un jeune colonel ambitieux, monte une opération incroyable de détournement d’un convoi d’armes achetées par l’armée algérienne en Allemagne. Tout le reste nourrit la série.

 À Alger, Ralf, attaché à l’ambassade d’Allemagne, vit une liaison avec Amel Samraoui, une juge d’instruction algérienne. Clandestine, leur histoire est compromise lorsqu’ils sont amenés à travailler sur le même dossier : un important vendeur d’armes allemand vient d’être kidnappé. 

Le rapt intervient alors que les deux pays s’apprêtaient à conclure une vente. En Allemagne, le docteur Katharina Prinz enquête au ministère des Affaires étrangères sur le contrat d’armement ratifié par son prédécesseur. Tandis que la négociation vacille, Ralf s’intéresse à un intermédiaire français, Alexis Clérel, trafiquant d’armes qui n’hésiterait pas à faire affaire avec les islamistes. Dans l’ombre, CIA et services secrets français sont à la manœuvre. 

Déjà Arte avait diffusé un documentaire sur les juifs durant la Seconde Guerre mondiale diffusé il y a quelques semaines. Un film où on laissait entendre que le seul souci de l’Algérie coloniale pétainiste entre 1940 et 1943, puis du nouveau pouvoir allié sous la houlette américaine, était uniquement la question juive alors que les Algériens du mouvement nationaliste vivaient dès le débarquement anglo-américain du 8 novembre 1942 une véritable résurrection qui devait donner naissance au Manifeste du peuple algérien de Ferhat Abbas en 1943 et déboucher sur le 8-Mai 1945 avec sa sanglante répression. Tout cela, décidément, ce serait plutôt aux Algériens de l’écrire…

Paris 
De notre bureau  Walid Mebarek 

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