Tel-Aviv tente de mettre la Libye dans son escarcelle : Israël à l’offensive au Maghreb

29/08/2023 mis à jour: 08:02
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Photo : D. R.

Fuites israéliennes sur une rencontre de niveau ministérielle israélo-libyenne à Rome. Levée de boucliers dans toute la Libye. La ministre libyenne des Affaires étrangères, Najla Al Mangoush, qui a assisté à cette réunion, a été exfiltrée vers la Turquie. La télévision libyenne Al Ahrar, citant une source gouvernementale, a annoncé hier son limogeage.

Israël est à l’offensive au Maghreb. Après avoir «retourné» le Maroc, c’est au tour de la Libye d’être dans le viseur de Tel-Aviv. L’entité sioniste tenterait également des approches avec la Tunisie. Les Israéliens cherchent avant tout de mettre dans leur escarcelle le gouvernement libyen d’union nationale. Leurs tentatives ont débouché sur une rencontre à Rome le 23 août entre la ministre libyenne des Affaires étrangères, Najla al Mangoush, et son homologue israélien Eli Cohen.

C’est le quotidien italien La Republica qui a révélé le jour et le lieu de la rencontre. Et même si Al Mangoush a été suspendue puis limogée suite à la divulgation de cette rencontre par des sources médiatiques israéliennes, son départ précipité, dans la nuit de dimanche à lundi, vers Istanbul dans un avion Falcon appartenant au gouvernement libyen de Abdelhamid Dbeiba, montre clairement qu’elle est protégée en haut lieu et n’avait pas agi en solo.

Des contacts israélo-libyens ont sûrement précédé la rencontre de Rome et les deux parties espéraient en tirer profit. Israël comptait inscrire la Libye sur son tableau de chasse au Maghreb, alors que le gouvernement Dbeiba espérait probablement être récompensé pour son geste, par exemple un soutien des pays occidentaux dans les négociations interlibyennes. Il est peu probable donc que cela soit une décision isolée.

Par ailleurs, il a suffi que l’information, concernant la rencontre d’al Mangoush avec Cohen, soit tombée sur les réseaux sociaux pour que des manifestations submergent les grandes villes libyennes. Des drapeaux israéliens ont été brûlés. Les Libyens, à l’image des autres populations maghrébines, sont hostiles à toute normalisation avec Israël. Du moins pas tant que les Palestiniens n’auront pas leur Etat, avec El Qods comme capitale.

Ceci est vrai même au Maroc où le pouvoir a pourtant établi des relations avec Israël. «La rue aurait été submergée de manifestations contre cette trahison, n’eut été la terreur qu’exerce la monarchie sur la société», assure un collègue marocain, qui a préféré garder l’anonymat.

A croire plusieurs sources, ce n’est pas la première fois que des officiels libyens et israéliens de haut rang se rencontrent. Abdelhamid Dbeiba, le chef du gouvernement libyen d’Union nationale, se serait déjà entretenu en janvier dernier à Tripoli avec un grand responsable israélien des services de renseignement, selon les dires du quotidien israélien Yediot Aharonot qui reprend les déclarations de responsables libyens faites à Associated Press.

Lesdits responsables ont affirmé à l’agence que Dbeiba avait accepté de rejoindre les Accords d’Abraham, déjà signés en septembre 2020 par les Emirats et le Bahreïn avant d’être rejoints par le Maroc et le Soudan. Toutefois, Dbeiba avait demandé du temps, craignant justement les réactions de la rue libyenne. Yediot Aharonot a également assuré que la rencontre de la semaine dernière a été précédée de plusieurs autres contacts de haut niveau entre Libyens et Israéliens, impliquant la ministre libyenne et d’autres responsables.

Tollé général à Tripoli et à Benghazi

Dbeiba s’est donc retrouvé coincé face aux fuites israéliennes qu’il n’a pas prévues et aux réactions de la rue et des institutions libyennes, condamnant cette rencontre. Il a donc rapidement suspendu Al Mangoush et ouvert une enquête à son encontre, tout en facilitant son exfiltration vers la Turquie. En face, tous les acteurs politiques libyens se sont dissociés de la rencontre. Mohamed Younes El Menfi a demandé au nom du Conseil présidentiel des explications à Dbeiba, et ce, dans une correspondance officielle publiée sur les réseaux sociaux. Le haut Conseil de l’Etat a dénoncé dans un communiqué la rencontre d’Al Mangoush avec Cohen.

Le Parlement de Toubrouk s’est réuni pour condamner la rencontre, bien qu’il ait déjà retiré la confiance au gouvernement Dbeiba et accordé sa confiance au gouvernement Hammed. Un tollé dans les institutions et  dans la rue libyenne, condamnant cette rencontre et demandant la reddition des comptes. Mais, «ce n’est pas normal qu’Al Mangoush assume seule le revers de ce processus engagé par toute l’équipe Dbeiba», explique le politologue libyen Kamel Al Maraach, qui justifie son exfiltration et s’interroge sur les raisons du retournement de la position israélienne.

Une polémique est survenue en Israël et à travers le monde suite aux fuites concernant la rencontre du 23 août entre Al Mangoush et Cohen. Ce dernier est accusé d’être derrière ces fuites, ce qui a poussé son département à publier un bref communiqué niant toute implication dans ces fuites.

Néanmoins, et comme il y a un calcul d’intérêt derrière tout acte politique, le politologue libyen Kamel Al Maraach pense qu’il est clair que «la partie israélienne est derrière ces fuites et qu’elle a cherché à déstabiliser le camp Dbeiba parce qu’ils ne sont pas parvenus à obtenir de lui ce qu’ils veulent. Israël a fini par tout dévoiler (…)». Al Maraach ajoute : «L’exfiltration de Najla Al Mangoush va lui éviter la prison, mais le camp Dbeiba va payer les pots cassés et Israël en est parfaitement conscient, il dispose peut-être d’un joker dans sa manche !» La scène libyenne est déjà très complexe et ce dossier ne fait que l’envenimer davantage.

 

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