Sur fond de crise politique : La Libye fait face à la colère sociale

03/07/2022 mis à jour: 01:52
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La veille, les discussions menées par les présidents des deux Parlements rivaux libyens à Genève se sont achevées sans résultat tangible pour permettre de relancer le processus électoral, a déclaré la conseillère de l’Onu pour la Libye.

La grogne sociale gagne toute la Libye embourbée déjà dans une impasse politique. Du berceau de la révolte de 2011 Benghazi (est) à la capitale Tripoli dans l’ouest, en passant par les villes orientales de Tobrouk et Al Baïda, des manifestations ont éclaté dans le pays vendredi soir pour protester contre la détérioration des conditions de vie et l’incurie de leurs dirigeants.

Selon plusieurs chaînes de télévision, relayées hier par l’AFP, à Tobrouk, des manifestants ont forcé l’entrée du Parlement armés d’un bulldozer, avant d’y mettre le feu. «Nous voulons avoir de la lumière», ont scandé les manifestants, en référence aux coupures d'électricité qui durent une douzaine d’heures quotidiennement, voire 18 heures les jours de forte chaleur. Dans la capitale, des centaines de personnes ont réclamé le renouvellement de la classe politique, la tenue d’élections et la fin des coupures de courant. A Sebha, dans le sud, des manifestants ont incendié un bâtiment officiel.

Le secteur névralgique de l’énergie est marqué depuis mi-avril par des fermetures forcées de sites pétroliers, conséquence d’un bras de fer entre deux gouvernements rivaux. La Compagnie nationale de pétrole (NOC) a annoncé, jeudi, des pertes de plus de 3,5 milliards de dollars et une baisse de la production de gaz, pourtant nécessaire à l’approvisionnement du réseau électrique.

Le même jour, les pourparlers menés à l’Onu entre les premiers responsables des deux Chambres libyennes rivales, à savoir le président de la Chambre des représentants Aguila Saleh et le président du Haut Conseil d’Etat Khaled Al Mechri ont pris fin par un échec : ils n’ont pas trouvé d’accord sur un cadre constitutionnel permettant la tenue d’élections nationales.

«Si les progrès réalisés lors des trois cycles de consultations au Caire et de ce cycle à Genève sont importants, ils restent insuffisants», a déclaré l’émissaire de l’Onu, Stephanie Williams, à l’issue de ces trois jours de discussions menées au siège de l’Onu à Genève. Selon les médias libyens, les divergences portent notamment sur la possibilité pour les doubles nationaux de se présenter ou pas. L’exclusion des doubles nationaux reviendrait en effet à exclure un des leaders de l’Est, Khalifa Haftar, qui détient la nationalité américaine.

Impasse

Depuis la chute de Mouammar El Gueddafi, la Libye ne parvient pas à s’extraire du chaos politique, avec des rivalités entre les principales régions, des luttes de pouvoir et des ingérences étrangères. En février 2011, une contestation violemment réprimée débute à Benghazi (est), avant de s’étendre. En mars, une coalition dirigée par Washington, Paris et Londres lance une offensive après un feu vert de l’Onu.

Le 20 octobre, Kadhafi est tué. Trois jours plus tard, le Conseil national de transition (CNT), organe politique de la rébellion, proclame la «libération» du pays. Le 7 juillet 2012, les Libyens élisent la première Assemblée nationale, un scrutin émaillé de violences dans l’Est.

Un mois plus tard, le CNT remet ses pouvoirs au Congrès général national (CGN, Parlement). En juin 2014, après de nouvelles élections, le CGN dominé par les islamistes et de plus en plus contesté, est remplacé par un Parlement contrôlé par les anti-islamistes. Mais fin août, après des semaines de combats, une coalition de milices, en majorité islamistes, s’empare de Tripoli.

Elle rétablit le CGN et installe un gouvernement. Le gouvernement en place jusque-là et le Parlement tout juste élu s’exilent dans l’Est. Le pays se retrouve avec deux gouvernements et deux Parlements. Fin 2015, des représentants de la société civile et des députés signent un accord parrainé par l’Onu. Un Gouvernement d’union nationale (GNA) est proclamé.

Son chef, Fayez Al Sarraj, s’installe à Tripoli en mars 2016, mais le cabinet parallèle, soutenu par Khalifa Haftar, et le Parlement rejettent le GNA. En 2017, Haftar annonce la «libération totale» de Benghazi des jihadistes, après plus de trois ans de combats. En 2018, ses forces s’emparent de Derna, bastion des islamistes radicaux et seule ville de l’Est qui échappait à son contrôle.

Début 2019, elles prennent Sebha, chef-lieu du Sud désertique et Al Charara, énorme champ pétrolier. Le 4 avril, elles lancent une offensive vers Tripoli. Mais en juin 2020, les forces du GNA, aidées par la Turquie, reprennent l’ensemble de l’Ouest, en chassant les combattants de Haftar. Le 23 octobre 2020, les parties signent un cessez-le-feu sous l’égide des Nations unies.

Des délégués réunis en Tunisie s’entendent sur la tenue «d’élections nationales» en décembre. Le 5 février 2021, ils désignent l’homme d’affaires Abdel Hamid Dbeyba Premier ministre intérimaire, au côté d’un Conseil présidentiel. En septembre, Aguilah Saleh, le chef du Parlement, promulgue sans vote, une loi électorale controversée taillée sur mesure pour son allié Khalifa Haftar.

Le 22 décembre, face à l’impossibilité d’organiser l’élection présidentielle prévue le 24, la Haute commission nationale électorale propose de le reporter d’un mois, mais le Parlement n’entérine pas la date proposée. En mars 2022, le pays se retrouve avec deux gouvernements antagonistes après que le Parlement eut approuvé un nouvel exécutif dirigé par l’ex-ministre de l’Intérieur Fathi Bachagha, en concurrence avec le cabinet en place à Tripoli dirigé par Abdelhamid Dbeyba.

Ce dernier refuse de céder le pouvoir avant la tenue d’élections législatives qu’il annonce pour juin. Le 29 avril, le Conseil de sécurité de l’Onu adopte une résolution prolongeant de seulement trois mois, jusqu’au 31 juillet, sa mission politique en Libye, la Russie refusant toute durée plus longue tant qu’un nouvel émissaire onusien ne sera pas nommé.

Le 17 mai, des affrontements éclatent à Tripoli après l’entrée du gouvernement désigné par le Parlement pour déloger l’exécutif rival. Ce gouvernement dit finalement se retirer «pour préserver la sécurité (...) des citoyens»

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