La place Port-Saïd, baptisée du nom de la ville égyptienne, lors de la visite du président Abdel Nasser en 1963, et que les plus vieux désignent toujours par Square Bresson, au milieu duquel trône un kiosque à musique, a perdu de son lustre. Point de chute pour les gens venant de l’intérieur du pays ou passage obligé pour rallier la gare de train, l’endroit suscite le haut-le-cœur tant «ses» occupants attitrés déclinent un spectacle peu recommandable. Bien que réaménagé depuis quelques années, égayant le jardin de plus d’un demi-hectare, avec des effigies de figures du 4e art, l’endroit est loin d’être reluisant pour celui qui le traverse ou décide d’y faire une halte : un lieu malfamé qui abrite des sans-abri et autre plèbe aux mœurs dissolues. Des nénettes agressives et, parfois, soûles, flanquées de leurs nourrissons, jacassent au milieu d’une horde de jeunes et de vieux… d’un autre âge qui s’adonnent au jeu d’argent, déclenchant à l’occasion des rixes et débitant, toute honte bue, des propos obscènes… A l’ombre des arbres ficus, le vieux ammi Rezki fait un saut dans le passé, convoquant les moments agréables qu’agrémentaient autrefois sous la tonnelle les musiciens. «On voyait, raconte-t-il, défiler dans le square, qu’enjolivaient quatre vasques, des spectacles et on assistait à une animation qu’offraient les bateleurs et autres petits baudets qui tournaient inlassablement pour la grande joie des chérubins.» Cette plazza, qui fait face au café Le Tantonville et embrasse le bel édifice le TNA (ex-Opéra d’Alger), offre malheureusement une image désolante. Plus, dans les abords de ce square, les «cambistes» – sans qu’ils soient inquiétés le moins du monde par l’autorité publique – vous apostrophent avec des mains tapant des liasses d’euros et de dinars avant que les vendeurs de l’or cassé ne vous hèlent à un lancer de pierre plus loin. Et quoi de plus repoussant à ce paysage lorsque les escaliers menant du Théâtre national algérien (ex-Opéra d’Alger) au marché Ahmed Bouzrina (ex-la Lyre) déballent le long du parcours, des détritus et autres relents pestilentiels générés par les odeurs acres d’urine. Des scènes qui, somme toute, feront regretter le quidam de s’y être aventuré. Bien des raisons aussi qui feront se retourner dans leurs tombes les concepteurs de ce noyau urbain, pendant que la puissance publique ne sait plus si elle doit faire face au désordre de la ville ou lui tourner le dos.