Son procès en appel s’est ouvert hier à la Cour d’Alger : 10 ans de réclusion criminelle requis contre Ghediri

17/05/2023 mis à jour: 12:08
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Ali Ghediri, général-major à la retraite - Photo : H. Lyès

A une vingtaine de jours de sa fin de détention de 4 ans, l’affaire du général-major à la retraite Ali Ghediri a été examinée hier.

Le procès du général-major à la retraite, Ali Ghediri, s’est ouvert hier devant la Cour d’appel criminelle, à Alger. Il revient après cassation le mois de septembre 2022, par la Cour suprême du verdict de 4 ans de prison ferme (qui expire le 13 juin prochain), prononcé par la même juridiction, autrement composée. Dès son entrée à l’audience, vers 10 heures 15 minutes, les mains libres mais entouré par une escouade de gendarmes, Ali Ghediri, cet ancien directeur des ressources humaines au ministère de la Défense (2000-2015), est applaudi par une très nombreuse assistance, venue lui exprimer son soutien.

Poursuivi pour avoir «porté atteinte, en temps de paix, au moral de l’armée», il commence par préciser que son métier «repose sur deux piliers, la conscience et la conviction. Dans l’arrêt de renvoi, il est dit que j’ai commis ce crime en 2019 et je me demande toujours ce que j’ai pu faire. La seule chose est que je me suis présenté à élection présidentielles- d’avril 2019. Est-ce que cela est un crime ?» La présidente  : «Contentez-vous des faits uniquement des faits». L’accusé : «L’enquête revient à l’entretien que j’ai accordé en 2018 au journal El Watan. Est-ce que les jurys ont pris connaissance de son contenu ?».

La présidente  : «Il le liront une fois en délibéré». Me Bouchachi : «Il n’y aura pas de plaidoirie lors des délibérés. Toutes les pièces doivent être discutées ici et non pas en délibéré.» La juge  : «J’ai dit qu’ils prendront connaissance de cet entretien.» Ghediri : «Il y a quinze questions dans l’entretien, mais seulement cinq concernent l’Armée et les évènements de 2019. Vous pouvez m’accuser de tout sauf de porter atteinte au moral de l’armée. Je n’ai pas une relation professionnelle avec l’armée, mais sentimentale, familiale et historique. J’ai trois enfants, des officiers supérieurs de l’Armée, j’y ai travaillé durant 41 ans et mon père est un ancien moudjahid. En 2015 j’ai été le premier à répondre aux graves accusations portées contre la moudjahida Zohra Drif.

J’ai publié trois contributions sur El Watan. Vous pouvez prendre n’importe quelle décision à mon encontre, cela ne me fera rien. Il me reste quelques jours et j’aurais purgé ma peine.» Déclaration suivie d’une forte acclamation de l’assistance suscitant la réaction de la présidente. «Je ne tolérerai plus cette réaction. Je prendrai la décision de vider la salle», dit-elle puis elle se retourne vers Ghediri : «Ne considérez-vous pas que vos déclarations peuvent être de nature à porter atteinte au moral de l’armée ?» Ghediri : «Je ne peux pas rester passif devant ce qui se passe dans mon pays. Revenez au contexte de 2019. Mon seul souci était la sécurité de mon pays.

Un général-major qui voit son pays aller vers la dérive, doit-il se taire ? Pourquoi ne m’ont-ils pas poursuivi pour mes autres déclarations ?» La présidente : «Comment était la situation du pays à l’époque où vous aviez tenu ces propos ?» L’accusé  : «Nous étions au bord du précipice. Ils voulaient le faire passer avec une chaise roulante à la tête de l’Etat.» La juge : «Parlez-nous de la campagne électorale, des financements.» Ghediri : «Cela n’a aucune relation avec les accusations. Je n’ai pas fait de campagne. Je récoltais les signatures…»

«L’avenir de mon pays me concerne»

La présidente l’interroge sur la campagne électorale, qui, selon lui, «a été confiée à des amis et des militants et des sympathisants». La juge : «Où avez-vous connu Guesmi ?»
Ghediri : «Il déclare que c’est au Bon Gibier, mais ce dont je suis sûr, c’est qu’il m’a appelé au téléphone et j’ai été le voir à la cité où il habite. Je ne le connaissais pas physiquement. C’est lui qui m’a reconnu. S’il ne m’avait pas aidé avec les signatures, il n’aurait pas eu de problème. Il était l’appât. C’est une manipulation pure et simple». La juge  : «A travers vos propos, ne pensez-vous pas que vous aviez appelé à une intervention de l’armée ?». Ghediri : «J’ai exprimé un sentiment. Est-ce un crime ? En Algérie, le politique est né de l’Armée.» La juge  : «N’avez-vous pas incité l’Armée à intervenir ?» Ghediri rappelle les discours de feu Gaid Salah, notamment celui du 26 mars 2019, où il évoque le recours de l’article 102 de la Constitution pour faire face à la crise que traverse le pays, mais la juge précise : «C’était bien après votre entretien de décembre 2018.» Ghediri  : «Je n’étais pas un observateur passif mais actif. L’avenir de mon pays me concerne. La Constitution est garante de liberté d’expression.»

La juge : «Vous aviez demandé au chef d’état major de l’ANP d’intervenir et bien avant 2019.» Ghediri : «Je ne lui ai pas demandé.» Le procureur général : «Le contexte de l’époque était très difficile et votre appel à l’état-major pour prendre ses responsabilités…». Ghediri intervient et nie avoir demandé «une quelconque intervention de l’Armée. On ne fait pas bouger les Armées avec des déclarations». Le magistrat : «Quel est l’objectif de votre appel ?». Les avocats contestent et exigent que «les questions soient liées aux faits». Ghediri : «L’Algérie était comme un bateau qui allait couler. Je n’ai pas un pays de rechange».

La juge appelle Hocine Guesmi président et porte parole du parti «La tribune de l’Algérie de demain», poursuivi et condamné à 10 ans de prison pour «faux et usage de faux, usurpation de fonction et pour octroi d’informations à des parties étrangères de nature à porter atteinte à la sécurité du pays». Guesmi nie en bloc le fait de rencontrer des diplomates étrangers en Algérie et à l’étranger. «C’est moi qui les ramène ces diplomates dans le cadre du partenariat. J’ai des investissements et j’ai besoin qu’ils m’aident pour les équipements et non pas pour l’argent.

Toutes les autorités sont informées de leur visite à mes projets…» La juge : «Votre carte d’identité et votre permis de conduire portent l’identité de Gouasmia, avec votre photo. Or, ce dernier n’a pas la même filiation ni la même date de naissance. Qui est ce Gouasmia ?» L’accusé : «Il existe». La juge lui rappelle ses propos lors de l’instruction : «Vous aviez déclaré que c’est un certain Bibi qui vous a ramené la carte de Gouasmia pour utiliser son identité étant donné que vous aviez des poursuites judiciaires sur le casier judiciaire». L’accusé confirme. «Votre dossier pour l’agrément du parti dont vous êtes le président a été fait au nom de Gouasmia alors que vous vous appelez Hocine Guesmi…».

L’accusé perd son sang-froid : «Je vous parle des raisons qui m’ont amené ici et vous, vous me dites que ce n’est pas mon nom. Je n’ai pas fait de faux. Gouasmia existe. Tout cela est fabriqué. Je suis ici parce que j’ai refusé de marcher avec eux». La juge : «Je veux vérifier des faits et vous devez me répondre avec respect. C’est la loi qui vous a amené ici». Le procureur général a requis 10 ans de réclusion criminelle à l’encontre d’Ali Ghediri et 20 ans  contre Guesmi. 
L’ affaire a été mise en délibérée en début de soirée.

 


 

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