Prévu initialement le 27 février, le Sommet arabe d’urgence consacré à la reconstruction et l’administration de la bande de Ghaza a fini par se tenir hier, au Caire. Le conclave se devait de formuler une proposition unanime à même de contrer celle de Donald Trump.
Le président américain avait proposé début février, rappelle-t-on, un plan préconisant de placer l’enclave palestinienne sous contrôle américain, d’opérer un déplacement forcé de près de 2,4 millions de Palestiniens vers l’Egypte et la Jordanie, préalablement à la reconstruction de Ghaza.
Pour obtenir l’adhésion des Palestiniens, Trump, en magnat de l’immobilier qu’il est, s’est engagé à leur construire des logements neufs. Le fantasque leader US a promis également de faire de la bande de Ghaza, ce territoire défiguré par 15 mois d’atrocités, la «Riviera du Moyen-Orient» en référence au littoral huppé longeant la Côte d’Azur.
Parmi l’aréopage de dirigeants arabes ayant fait le déplacement au Caire pour prendre part à ce sommet présidé par Abdel Fattah Al Sissi, il y avait le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, l’émir du Qatar, Hamad Ben Tamim Al Thani, le roi de Bahreïn, Hamad Bin Issa Al Khalifa, le président irakien Abdul Latif Rashid, ou encore le prince héritier koweïtien Sabah Al Khaled Al Sabah.
Notons également la participation du président libanais, Joseph Aoun, du président syrien par intérim, Ahmad Al Charaa, ainsi que du président mauritanien, Mohamed El Ghazouani. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a tenu lui aussi à prendre part à cet événement.
L’Arabie Saoudite, elle, était représentée par le chef de la diplomatie saoudienne, Fayçal Bin Ferhane, en l’absence du prince héritier Mohammad Ben Salmane.
«Une déclaration politique sur la question palestinienne»
Autre grand absent à ce sommet : le président de la République, Abdelmadjid Tebboune. Le chef de l’Etat a, cependant, pris soin de dépêcher le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, dans la capitale égyptienne pour «représenter l'Algérie aux travaux de la session extraordinaire du Conseil de la Ligue arabe au niveau du sommet», indique l’APS.
M. Attaf est arrivé avant-hier au Caire. Selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères, «ce sommet extraordinaire (…) sera consacré à l'examen des développements de la question palestinienne, face aux menaces existentielles qui la guettent, dans le contexte de ce qu'on appelle les dispositions de l'après agression contre Ghaza».
La même source précise que «les travaux de ce sommet devront aboutir à l'adoption d'un plan arabe de reconstruction de la bande de Ghaza». «Le sommet devra également être sanctionné par une déclaration politique portant sur la position arabe commune quant aux derniers développements de la question palestinienne et aux efforts politiques consentis en vue d'aboutir à une solution juste, durable et définitive au conflit israélo-arabe, de manière à assurer l'établissement de l'Etat palestinien indépendant et souverain, comme condition sine qua non pour instaurer la paix et la stabilité au Proche-Orient», a conclu le communiqué des AE.
Une dépêche de l’APS diffusée dimanche, mentionnant une «source bien informée», a explicité les raisons de l’absence du président de la République au sommet du Caire en dénonçant l’emprise exercée par une poignée de pays arabes sur tout ce qui touche à la question palestinienne.
«Cette décision intervient dans le contexte des déséquilibres et des lacunes qui ont entaché le processus de préparation de ce sommet, dans la mesure où ce processus a été monopolisé par un groupe limité et étroit de pays arabes qui ont accaparé la préparation des outcomes du sommet du Caire sans aucune coordination avec le reste des pays arabes, qui sont tous concernés par la question palestinienne», rapporte l’APS. «Le président de la République, poursuit l’agence officielle, éprouve un sentiment d’insatisfaction par rapport à cette façon de faire, basée sur l'inclusion de pays et l'exclusion d'autres, comme si le soutien de la cause palestinienne était devenu aujourd’hui le monopole de certains et pas d'autres. Alors que la logique des choses a été et demeure toujours de consolider l'unité arabe et de renforcer le rassemblement de tous les pays arabes autour de la cause palestinienne qui reste leur cause centrale, d'autant plus que cette dernière est confrontée à des défis existentiels qui visent à s’attaquer au projet national palestinien dans son essence».
Une administration de «technocrates» pour Ghaza
C’est en milieu d’après-midi, vers 16h, heure locale, dans la nouvelle capitale administrative, que se sont ouverts ce mardi les travaux de ce sommet arabe extraordinaire.
Après les discours d’ouverture, les travaux se sont déroulés à huis clos. Le conclave devait entériner sans surprise le plan égyptien de reconstruction de Ghaza. Le quotidien gouvernemental Al Ahram a rapporté hier, avant la lecture de la déclaration finale, reprenant une information de la chaîne Al Qahera News réputée proche des milieux officiels cairotes, que «le brouillon de la déclaration finale du sommet arabe a adopté le plan égyptien sur l’avenir de Ghaza». Al Qahera News dit avoir eu accès au projet de reconstruction proposé par l’Egypte.
Le document s’étale «sur 112 pages», précise le média. «Il comprend des cartes montrant comment Ghaza sera réaménagée et des dizaines d'images colorées générées par l'intelligence artificielle de projets de logements, de parcs et de centres communautaires», ajoute Cairo News (le nom en anglais de la chaîne et son site). «Selon le projet de plan, le relèvement rapide de Ghaza prendra six mois, y compris l'enlèvement des décombres et l'installation de logements temporaires.
La première phase durera deux ans et comprendra la construction de 200 000 unités d’habitation», détaille la même source. Coût total du plan : 53 milliards de dollars, selon Al Ahram. «La première phase coûtera 20 milliards de dollars, tandis que la seconde coûtera 30 milliards de dollars et durera deux ans et demi, avec la construction de 200 000 logements supplémentaires et d'un aéroport à Ghaza», affirme Al Qahera News. La durée globale du chantier est estimée à 5 ans.
Sur le plan institutionnel et politique, l’administration de la bande de Ghaza serait confiée à une équipe de technocrates, recommande l’Egypte. «Le plan prévoit la formation d'un comité chargé de gérer les affaires de la bande de Ghaza pendant une période transitoire de six mois. Ce comité doit être indépendant et composé de technocrates indépendants de toutes les factions et travaillant sous l'égide du gouvernement palestinien.»
D’après Al Ahram, le sommet arabe du Caire «appellera la communauté internationale et les institutions financières à présenter un soutien rapide au plan égyptien, de même qu'il approuvera l'organisation d'une conférence internationale pour la reconstruction de Ghaza au Caire au cours du mois prochain».
«Toujours selon le brouillon de la déclaration finale, les dirigeants arabes appelleront à l’organisation d’élections dans toutes les régions palestiniennes dans un délai d’un an si les circonstances le permettent.»
Enfin, toujours selon le grand quotidien d’information cairote, «le Hamas a salué le plan égyptien et affirme qu’il va soutenir la proposition égyptienne appelant à la formation d’un comité pour l’administration de la bande de Ghaza».