Sécheresse en Europe : vers une pénurie d'huile d'olive dans les prochains mois ?

28/04/2023 mis à jour: 00:44
AFP
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L'Espagne, en tant que premier producteur, a vu sa récolte 2022-2023 s'effondrer, passant de 1,49 à 0,68 million de tonnes. De quoi mettre en péril l'approvisionnement mondial et de faire grimper les prix.

«L'olivier a beau être traditionnellement inféodé aux terres sèches, la situation actuelle est dramatique», commente amèrement Hélène Lasserre, directrice du pôle conservation et recherche de France Olive, l'association interprofessionnelle de la filière oléicole française. En cause, un déficit pluviométrique hors norme. Pour la spécialiste de l'impact du réchauffement climatique sur cette culture millénaire, le manque d'eau dans une partie du Gard, du Var ou encore des Pyrénées Orientales - qui sont en état d'alerte - «est tel que l'enjeu n'est plus de minimiser les pertes, mais bien de sauver les arbres».

Dans le Sud-Est, le cumul de précipitations est déficitaire de 25% à 50% depuis septembre dernier, selon les relevés de Météo France. Il atteint même 50 à 75% par endroits. Une situation d'autant plus dramatique que dans l'Hexagone, 80% des oliveraies ne sont pas irriguées. Car même si la culture de l'arbre athénien n'est pas la plus gourmande en eau, celle-ci reste «nécessaire» explique Laurent Bélorgey, président de France Olive et oléiculteur dans le Var. «L'olivier peut résister à la chaleur et à la sécheresse, mais s'il manque d'eau, il ne donnera pas de fruit. L'arbre a besoin d'eau pour produire, au moins à une certaine période». Or, «les pluies printanières sont capitales, elles permettent à l'arbre de redémarrer un nouveau cycle de floraison et donc de donner des fruits». À cette heure, la production des oliveraies non irriguées est plus qu'incertaine.

Hausse des prix certaine, pénurie probable

Mais le cas français n'est que l'arbre qui cache la forêt. L'union européenne pèse pour deux tiers de la production d'huile d'olive à l'échelle mondiale. Notre voisin espagnol fait largement la course en tête avec 65,6% de la production de l'UE, puis viennent l'Italie (14,5%) et la Grèce (10,2%). Les oléiculteurs français ne produisent qu'à peine 5% de l'huile d'olive consommée en France. Or, la sécheresse la plus grave est celle qui frappe la péninsule ibérique, où l'absence de pluie est couplée à des températures dépassant les 35° C.

«En Andalousie et en Catalogne (deux des régions les plus oléicoles d'Espagne, NDLR), les faibles pluies automnales n’ont pas suffi à remplir les nappes phréatiques. Depuis, il n'est presque rien tombé et les rivières sont à sec. La floraison ayant déjà commencé là-bas et l'aridité extrême étant néfaste à la viabilité des pollens et donc à la fécondation, on ne peut qu'être inquiet quant à la prochaine récolte», s'alarme Hélène Lasserre.

Surtout que les chiffres provisoires donnent la récolte 2022-2023 comme catastrophique. L'Espagne a vu sa production s'effondrer, passant de 1,49 à 0,68 million de tonnes (-54%). Même constat en l'Italie, avec une diminution de 27%. Seule la Grèce a enregistré une augmentation (+42 %), ce qui est loin d'être suffisant pour compenser les pertes subies par les autres principaux pays producteurs. De fait, les stocks européens pour l'année en cours devraient être quasiment réduits de moitié. Alors, pour le consommateur final, la note risque d'être salée.

Actuellement, l'insee estime que le prix du litre d'huile d'olive a augmenté de 30% en moyenne depuis janvier 2022. Une flambée que Laurent Bélorgey, président de France Olive, explique par «l'augmentation des tarifs de l'énergie, des engrais, du verre, des emballages et du transport». Et selon les données les plus récentes d'Eurostat, les stocks européens d'huile d'olive devraient diminuer de 41,9% par rapport à ceux de l'année précédente, en raison de la récolte désastreuse de 2022-2023. D'où une raréfaction sans précédent du produit et donc une envolée du prix de vente. Surtout en France où l'huile est massivement importée, ce qui fait gonfler l'adition.

Ajoutons à cela la menace sur la prochaine récolte : la hausse devrait encore se renforcer, voire se pérenniser. «Le stress hydrique d'aujourd'hui perturbe durablement les arbres en bloquant la croissance printanière des rameaux qui servent de support aux fruits de l'année prochaine. On ne peut s'en rendre compte que sur le temps long», détaille Laurent Bélorgey. Les récoltes pourraient donc s'amenuiser d'années en années, si le déficit hydrique perdure. D'autant que «l'habituelle alternance bois/fruits - selon laquelle l'olivier développe annuellement l'un ou l'autre - n'explique pas la chute de production de l'année dernière, ni celle que l'on redoute aujourd'hui», précise-t-il.

Adapter les cultures

Face à la hausse progressive des températures et à la raréfaction conjointe des précipitations, les pratiques agricoles sont contraintes de s'adapter. Une solution pourrait être de planter des variétés d'oliviers plus résistantes, comme celle qu'on trouve en Tunisie. Mais «cela empêcherait de bénéficier des huit Appellations d'Origine Protégée française, qui valorisent la qualité à la quantité», fait remarquer Laurent Bélorgey. Hélène Lasserre, la directrice du pôle conservation et recherche de France Olive, pencherait davantage pour développer la technique des greffes comme le font les Italiens, afin de renforcer les variétés existantes en France, sans pour autant devoir les replanter.

«Le changement climatique provoque une septentrionalisation des climats, alors l'Andalousie connaîtra bientôt un climat nord africain, et d'ici 2100 Nîmes aura le climat le Cordoue», ajoute Hélène Lasserre. C'est pourquoi de nouveaux territoires pourraient devenir des terres oléicoles, notamment le Sud-Ouest et l'amont de la vallée du Rhône. «L'olivier s'adapte à presque tous les sols, du moment qui ne soient pas trop salins ou hydromorphes (qui gardent l'eau)», explique-t-elle. C'est pourquoi la Chambre d'agriculture de Gironde, en coopération avec France Olive, a déjà mis en place des parcelles d'observation pour voir si l'olivier pourrait se plaire sur les terroirs peu à peu abandonnés par la viticulture. Mais pour éviter une ruée vers le Nord, le destin du précieux liquide vert demeure suspendu à la chute de l'or bleu.

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