La mémoire de la Guerre de Libération nationale est ce qui reste quand on a tout oublié. De nombreuses cérémonies de remise de prix ont eu lieu récemment et ont concerné différents secteurs, mais celle organisée par le ministère des Moudjahidine et des Ayants droit, dimanche au Centre international des conférences à Alger, a un impact particulier et une valeur exceptionnelle pour chaque citoyen.
Les lauréats de la 28e édition du Prix du 1er Novembre 1954 ont été récompensés pour leurs travaux dans les domaines de la recherche historique, de l’audiovisuel et de la littérature. L’Histoire «parle» aux Algériens, ils vivent sur le théâtre des actes héroïques de leurs aînés et côtoient encore des acteurs de la lutte victorieuse contre le colonialisme.
Le legs historique est une véritable bouée de sauvetage dans un monde de plus en plus tumultueux, un repère inaltérable qu’il faut continuellement convoquer pour s’en imprégner et pouvoir relever les défis présents et à venir.
En plus de sa dimension évocatrice et historique, le Prix organisé par le ministère des Moudjahidine a un rôle notable dans l’encouragement et le soutien aux chercheurs et auteurs investis dans la perpétuation de la mémoire commune. Cependant, il est indispensable d’essaimer les initiatives à travers tout le territoire national, dans ses moindres localités marquées par des hauts faits d’armes et de bravoure pendant la lutte libératrice.
Ce patrimoine historique cardinal n’est pas suffisamment exploré, conté et transmis pour l’inscrire définitivement dans la postérité. Les directions locales de ce secteur adoptent une louable démarche en se rendant aux domiciles des anciens moudjahidine, notamment quand ils sont souffrants. Un hommage symbolique méritoire mais qui n’est pas accompagné d’un effort documentaire pour transcrire les épopées individuelles et collectives.
Les témoins des luttes passées partent souvent sans avoir été sollicités pour verbaliser une mémoire si précieuse. Des centaines, des milliers de batailles attendent d’être racontées et inscrites avec plus de force dans les manuels et les livres d’histoire.
Elles concernent chaque village et chaque empan des massifs forestiers et des plaines. Pour seul souvenir, des stèles portant les noms des martyrs sont érigées sur le lieu de leur combat et de leur sacrifice, mais il arrive que rien n’indique ni ne fasse référence à un héritage héroïque sur des chemins et des terrains anonymes, tombés dans l’oubli.
Des organisations villageoises prennent régulièrement des initiatives pour commémorer des faits d’histoire qui ont marqué la lutte d’indépendance et qui en ont constitué des tournants décisifs. Les autorités sont parfois prises au dépourvu en constatant l’absence de plaque commémorative sur des lieux portant le souvenir et le récit des actes de courage des populations locales face à l’arsenal colonial.
Ce fut le cas, il y a plus d’un an, lors d’une commémoration et d’un hommage à plus d’une centaine de martyrs tombés en octobre 1956, près d’un village côtier de Tizi Ouzou, sous un déchaînement des représailles engagées par air, mer et terre, contre la force K. qui avait alimenté l’ALN en armes et en mutinions, l’un des plus sévères revers essuyés par les plus hauts officiers de l’armée coloniale.
La «guerre psychologique» déclenchée par ces derniers après cet épisode retentissant ne parvint pas à réduire la mobilisation de tout un peuple déterminé à arracher son indépendance. Le devoir de mémoire doit être constamment cultivé et perpétué afin de permettre un ressourcement patriotique vital pour les générations présentes et futures.