Activement mobilisées, aussi bien au niveau national qu’international, les plus hautes autorités du pays semblent être résolument décidées à relever les défis qu’elles s’étaient fixés dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la corruption. En témoigne la multiplication des initiatives tendant à aligner l’arsenal juridique et les règles de pratique et les dispositifs techniques sur les standards internationaux.
Et avec le pacte scellé, dernièrement, entre la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) et la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption pour «un échange d’expertises en matière de prévention et de lutte contre la corruption», c’est un nouveau pas vers l’instauration d’un système financier plus «clean» et d’une meilleure gouvernance des affaires économiques avec les freins et des contrepoids nécessaires, qui vient ainsi d’être franchi. Il faut dire que le choix du timing n’est pas fortuit.
Un rendez-vous crucial attend les deux institutions ainsi que d’autres organes, tout aussi impliqués dans la guerre anticorruption. Il s’agit de la dixième session de la Conférence des Etats parties à la Convention des Nations unies contre la corruption, prévue du 11 au 15 décembre prochain au Georgia World Congress Center, à Atlanta (Etats-Unis).
Ce sera un regroupement de très haut niveau politique, surtout, au cours duquel les conférenciers, issus de plus d’une centaine de pays, devraient se concentrer sur des questions essentielles telles que, entre autres, l’examen de l’application de la Convention, le recouvrement d’avoirs, la coopération internationale, la prévention, l’assistance technique, etc. Y seront également présentées et débattues les conclusions et les recommandations des réunions, tenues au début de septembre de l’année en cours, au siège de l’organisation des Nations unies (ONUDC) à Vienne (Autriche) par les trois groupes de travail intergouvernementaux, issus de la Conférence des Etats parties à la Convention des Nations unies contre la corruption chargés, respectivement, du suivi de l’application de la Convention, de la coopération internationale et du recouvrement des avoirs.
Représentée par une forte délégation comprenant des représentants du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, du ministère de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, du ministère de la Justice, de la Haute Autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption, de l’Office central de répression de la corruption (OCRC), de la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF), du commandement de la Gendarmerie nationale et de la DGSN, l’Algérie avait, par la voix du chef de l’OCRC, insisté sur l’importance de la coopération internationale dans le cadre de l’entraide judiciaire et des commissions rogatoires, leur objet, la typologie de la corruption et les manœuvres utilisées pour le transfert et le blanchiment du produit de la corruption à l’étranger ainsi que les pays de destination.
Entraves à la coopération internationale
Et ce, tout en signalant les nombreuses «entraves à la coopération internationale» et soulignant «les efforts déployés par l’Algérie pour y faire face, notamment à travers les contacts directs avec les autorités étrangères compétentes, l’adhésion au réseau GlobE Network et l’assistance technique de l’initiative StAR».
De nombreuses contraintes ont, par ailleurs, été exprimées lors du 3e Dialogue mondial sur la corruption, tenu le 10 octobre passé à Paris, à l’initiative du groupe de travail de l’OCDE sur la corruption. Ce dernier est responsable du suivi de la mise en œuvre et de l’application de la Convention de l’OCDE sur la corruption, de la Recommandation de 2009 visant à renforcer la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales.
Ce à quoi œuvre inlassablement l’OCRC, ce service opérationnel de police judiciaire chargé des recherches et des constatations des infractions dans le cadre de la lutte anticorruption. D’autant que modifiant et complétant celui du 8 décembre 2011, le décret présidentiel du 7 février 2023 qui a renforcé ses missions, l’habilite, désormais, à «détecter et localiser les produits de la corruption en vue de leur saisie et de leur gel, coordonner avec les organismes nationaux chargés de la lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et la fraude et promouvoir la collaboration et l’échange d’informations et l’entraide avec les organismes similaires au niveau international dans le cadre bilatéral et multilatéral», notamment, compte tenu du caractère souvent transnational de la grande corruption, avons-nous appris du porte-parole de l’office.
C’est particulièrement à cette fin qu’a été décidée l’adhésion de l’Algérie au Global Operational of An-ticorruption law EnforcementAuthority (GlobE Network), poursuit notre interlocuteur. Au sein de ce réseau regroupant pas moins de 176 autorités et organismes spécialisés œuvrant pour la lutte contre la corruption à l’échelle mondiale, notre pays est représenté par le Service central des investigations criminelles (ministère de la Défense nationale), la DGSN et l’OCRC.
A ce titre, l’office peut, via des canaux sécurisés, échanger avec ses homologues étrangers des informations sur «les activités et l’identité des personnes soupçonnées d’implication dans les infractions prévues par la convention et les mouvements du produit du crime et des biens provenant de la commission de ces infractions», nous a-t-on indiqué. Toujours dans les enquêtes relatives au blanchiment du produit de la corruption, l’OCRC peut, en outre, «solliciter des informations auprès des pays membres du groupe Egmont», à travers la CTRF.
En plus du Réseau arabe pour la transparence et la lutte contre la corruption qu’il a rejoint en vue de «renforcer la coopération au niveau régional» et son statut de membre observateur au sein du GLEN (Réseau mondial OCDE des professionnels chargés de l’application de la loi en matière de lutte contre la corruption), l’OCRC, qui s’attache à mettre les affaires de corruption transnationale à l’abri de toute influence potentielle du pouvoir politique et exécutif, vient de s’offrir un siège à la prestigieuse Association internationale des autorités anticorruption (IAACA), avons-nous appris auprès de l’Office.
800 A 2000 MILLIARDS DE DOLLARS D’AVOIRS BLANCHIS
Indépendante et apolitique, cette organisation, forte d’un réseau de plus de 160 organes de lutte contre la corruption de différents pays et régions, veille à «promouvoir l’application effective de la Convention des Nations unies contre la corruption (CNUCC) et à aider des organes de lutte contre la corruption dans le monde entier à la prévention et la lutte contre la corruption». Ce fléau qui s’est profondément ancré en Algérie et qui n’épargne aucune région du monde s’avère de plus en plus difficile à circonscrire.
Bien que les chiffres exacts y afférents ne soient pas cernés, ils n’en illustrent pas moins la gravité du phénomène et l’ampleur considérable qu’il ne cesse de prendre.
A en croire les dernières statistiques de Transparency International, chaque année des centaines de milliards de dollars sont versées en pots-de-vin dans le monde. Le montant total des sommes blanchies est estimé à une fourchette oscillant entre 800 milliards et 2000 milliards de dollars par an.
Les flux transfrontaliers des produits de la corruption et de l’évasion fiscale se situent, quant à eux, entre 1000 et 1600 milliards de dollars par an, dont la moitié proviendrait de pays en développement. «Si le volume exact des flux financiers issus de la grande corruption circulant dans nos économies est difficile à chiffrer, des estimations rapportent que les pays en développement et les économies émergentes auraient perdu près de 8000 milliards de dollars en flux financiers illicites au cours de la période 2004-2013», déplore l’Organisation.