Représentations : Les films cherchent des comediens occupés à chercher des films

26/11/2023 mis à jour: 00:02
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L’intelligence artificielle peut-elle remplacer un acteur ou une actrice ? Si oui, elle pourra remplacer producteurs et réalisateurs et faire des films autonomes où les humains ne seront que spectateurs ?

Ce sont les stars, sans qui les films passent souvent inaperçus même si le réalisateur a du talent, et en général, ce sont ces acteurs qui ont le meilleur cachet du film. Les comédiens mèneraient une vie de rêve alors que c’est d’être aussi facile qu’on le croit, heureusement le froid de l’hiver est arrivé et c’est la meilleure saison pour eux, en décembre, là où toutes les productions TV pour le ramadan débutent leurs tournages, ce qui multiplie l’offre. 

 qui n’est pas une bonne nouvelle pour tout le monde, un producteur qui a eu l’aide de l’Etat pour son film voulait débuter son tournage ces jours-ci mais par dépit a décidé de le reporter en mai à cause du manque de comédiens, pris sur les séries TV ramadan, ainsi que les techniciens, son, image ou autres.

 Un comédien lui a répondu : «Nous on doit gagner de l’argent et c’est pour le ramadan qu’on travaille, un réalisateur ou un producteur peut tourner plus tard et gagner sa vie.» Sauf que le réalisateur a aussi répondu, il doit gagner sa vie comme tout le monde et s’il attend le mois de mai pour tourner, de quoi va-t-il vivre entretemps ?

 Equation complexe, qui fait dire à un autre comédien qu’«il faudrait deux ou trois ramadans par an pour que les comédiens puissent vivre de leur métier». En attendant une improbable fetwa, s’il n’y a en réalité pas beaucoup de films produits chaque année (5 ou 6, sans compter les productions TV, séries et feuilletons), il n’y a pas non plus de comédiens. 

Malek Laggoune, premier directeur de l’ISMAS, Institut supérieur des métiers des arts du spectacle et de l’audiovisuel, met en cause le système LMD, licence, master, doctorat, appliqué à l’actorat, là où avant 2004 et la transformation de l’ex-INADC, l’entrée en formation d’actorat se faisait sur concours. Tout a changé en 2004, «on entre à l’ISMAAS avec un baccalauréat, sous tutelle double du ministère de la Culture et celui de l’Enseignement supérieur, qui dicte donc les programmes, dont des cours d’infographie et de management, inutiles pour un comédien». 

En 4 ans, on est acteur, ou du moins on a un Master en actorat, «et aujourd’hui, on a des docteurs d’Etat en actorat», souligne encore Malek Laggoune, ce qui peut sembler absurde de former ainsi des universitaires qui finissent généralement directeurs de culture dans les wilayas et pas au cinéma. Bref, l’Algérie produit une quinzaine de comédiens par an, ce qui est insuffisant, «surtout que sur une classe de 15, 5 deviennent au final de bons acteurs», précise Malek Laggoune, qui est aujourd’hui enseignant à la même ISMAS. 

Auxquels il faut bien sûr ajouter tous ceux issus du théâtre, qui est aussi un centre de formation, ceux du conservatoire, et aussi ceux issus des réseaux sociaux, influenceurs qu’aimaient les producteurs sur une brève base mathématique, «il a avec lui 2 millions de followers, ça fait 2 millions de spectateurs, si je le mets dans mon film», expliquait-on alors dans le milieu. Sauf que depuis les déboires judiciaires de certains influenceurs et influenceuses, les producteurs reviennent sur les comédiens professionnels et passent ou pas par les agences de casting, peu nombreuses aussi, Woojooh ou Profile agency pour ne citer que les plus connues, établies à Alger, et un peu partout fleurissent les annonces de casting pour des films, séries ou publicités. Ouvertes à tous. Démocratique. 
 

Acteurs ou comédiens ? 

Au sens courant, acteur et comédien c’est un peu la même chose, ils jouent tous deux un personnage à l’écran ou à la scène, mais en réalité, le comédien est plus neutre et peut jouer tous les rôles, quand il entre dans la peau de son personnage, il fait oublier sa propre personnalité afin qu’on ne retienne que la personnalité de celui qu’il incarne. A la différence de l’acteur, qui, lui, va apporter son charisme et sa personnalité à un personnage qui quel qu’il soit retrouvera le charisme et la caractéristique de l’acteur. 

Tout comédien étant acteur, mais tout acteur n’étant pas comédien, les deux vivent-ils de leur art ? «En Algérie c’est difficile parce qu’il n’y pas beaucoup de tournages à l’année et la demande est plus importante que l’offre», explique Fouad Trifi, directeur de l’agence Woojooh, qui par contre garde l’espoir : «Tout le monde veut devenir comédien», les Algérien(ne)s sont attirés par cette théorique vie paradisiaque, une fois que la pression sociale est passée (ma fille actrice ? Jamais !). 

Ce qui nous amène aux cachets des comédiens, et même s’il n’y a pas de normes, tout dépendant du projet, du budget de production et de la côte de l’acteur, celui-ci peut gagner de 30 000 DA jour à 200 000 DA jour sur un film, ce qui le met à l’abri pour l’année. Restent les droits d’auteurs, «souvent dénigrés par les chaînes TV qui diffusent les films, à charge des acteurs de se réunir en syndicats de comédiens pour réguler», explique encore Fouad Trifi. Oui mais faut-il aller à l’école ? Pas forcément, Malek Laggoune, ex-directeur et enseignant à l’ISMAS, qui forme les acteurs, admet qu’il y a «des acteurs intuitifs qui jouent bien sans avoir été formés, mais sont victimes du typage, ils vont jouer le même rôle toute leur vie». 

Tout comme pour Fouad Trifi qui explique «qu’un acteur, qui n’a pas fait de formation, peut être bon sur un rôle précis et sera toujours appelé pour ce même personnage, il aura donc du mal à faire carrière». Alors de quoi sera fait demain ?

 D’un autre problème avec l’arrivée de l’IA, intelligence artificielle, oxymore évident puisqu’une intelligence ne peut être que naturelle, qui menace les comédiens, comme à Hollywood où après la grève de 1960 à cause de l’essor de la télévision, s’estimant floués, ont arrêté les tournages cette année sur fond d’essor des plates-formes de streaming, s’estimant aussi floués.

 Surtout, les 160 000 comédiens représentés par leurs syndicats ont peur que les machines les remplacent un jour et s’organisent en ce sens. En Algérie, nous n’en sommes pas encore là, les acteurs sont peu nombreux, tout autant que les films, mais les Algériens étant plus doués en informatique qu’en cinéma, tout peut arriver très vite.
 

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