L’Inde a annoncé il y a une semaine qu’elle suspend l’exportation du riz blanc non-basmati. Comme si la tension sur le blé ne suffisait pas, le riz, aliment de base pour 3 milliards de terriens, ajoute au sale temps.
Le battement d’ailes du papillon des rizières du Penjab risque en effet de provoquer une nouvelle crise alimentaire mondiale avec effet immédiat. Pourquoi ? L’Inde est le premier pays producteur de riz blanc avec plus de 40% des exportations mondiales en 2022, soit 10,3 millions de tonnes.
Un quart des revenus indiens est tiré de l’exportation de cet aliment. C’est censé être positif, n’était le grain de sable qui a fini par inquiéter New Delhi. La pandémie de Covid, la guerre en Ukraine et le phénomène climatique El Niño ont fortement réduit les rendements des rizières, notent les analystes, alors que les prix du riz ont pris l’ascenseur du marché international. D’après le ministre indien du Commerce et de la Consommation, les prix de détail ont poussé de 11,5% en 2022 et de 3% en juin dernier.
Or, sur le marché local où le riz est un produit de première nécessité, cette envolée a de fâcheuses conséquences. La décision du gouvernement de Narendra Modi vise donc à assurer la sécurité alimentaire des Indiens quitte à provoquer des bouleversements ailleurs. Et ailleurs justement, l’impact est inévitable, et plus rapide que celui provoqué sur le marché du blé suite au déclenchement de la guerre en Ukraine.
La mesure jugée salutaire pour les Indiens devrait influer négativement sur l’offre et la demande mondiale, puisque les pays importateurs vont chercher à charger leurs stocks, ce qui amènerait naturellement les pays exportateurs à ajouter du sel à une facture qui donne déjà le tournis (la tonne de riz est vendue à 513 dollars en juillet 2023, alors qu’elle était à 470 dollars en mai et juin).
Une partie de l’Afrique de l’Ouest, notamment des pays dépendant du riz comme le Bénin, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Sénégal et le Togo, des pays de l’Asie mineure, la Turquie, la Syrie et le Pakistan, ou encore le Bangladesh et le Népal, souffriront particulièrement des conséquences du papillon indien.
L’Algérie ne sera pas aussi impactée que les pays cités plus haut à cause d’une faible dépendance à ce produit, mais la goutte du riz ajoutera certainement aux déséquilibres d’approvisionnement en céréales, d’autant que nous importons 100% de notre consommation de riz (environ 132 000 tonnes en 2021), provenant en première position d’Inde.
Les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), fixés par l’ONU pour résoudre la question de la sécurité alimentaire, sont ainsi mis au défi par ces nouvelles menaces. Les voyants rouges s’allument partout sur la carte géo-économique alors que la communauté internationale est impuissante à apporter des réponses pertinentes à ces enjeux, en ce début du troisième millénaire.