Repère - Algérie-Espagne, retour à la normale

14/12/2023 mis à jour: 03:22
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La reprise à son rythme initial par Air Algérie de ses vols vers les deux plus importantes destinations espagnoles, Madrid et Barcelone, est un signe de la restauration progressive des relations entre l’Algérie et l’Espagne qui ne trompe pas.

Depuis que notre ambassadeur a repris ses fonctions dans la capitale ibérique, après une interruption qui aura duré près d’une année en raison de la décision des autorités algériennes de suspendre les liaisons commerciales et le traité d’amitié avec l’Espagne, conséquemment au revirement politique de son gouvernement sur la question du Sahara occidental, les choses, selon de nombreux observateurs, semblent se remettre petit à petit en place, voire se normaliser à une cadence appréciable.

Ce qui est évident et palpable, toujours selon ces derniers, c’est que le climat de dissension, qui s’était installé de ce côté de la Méditerranée et qui avait atteint des proportions insoupçonnables, allant jusqu’à suspendre de manière nette toute relation diplomatique, et réduire presque à néant les échanges commerciaux entre les deux pays, hormis les ventes de gaz algérien qui n’ont guère été affectées, est bel et bien en train de retrouver les conditions idoines de relance d’un partenariat qui compte pour les deux pays.

En somme, on s’est trouvé des deux côtés de la rive des raisons valables, et même sûrement incontournables, pour aplanir les différends et antagonismes de circonstance et entamer réciproquement une reprise des relations qui saura, souhaite-t-on de part et d’autre, résister à d’éventuelles divergences et incompréhensions susceptibles de torpiller les bons rapports d’amitié et de coopération.

L’une des illustrations les plus significatives des dispositions espagnoles ayant contribué à servir de déclic et aller vers un rétablissement rapide et sincère de ces rapports avec l’Algérie, à montrer à cette dernière qu’elle reste un partenaire fiable malgré les brouilles parfois inévitables, est sans aucun doute la modération très significative du discours du Premier ministre, Pedro Sànchez, lors de la dernière Assemblée générale de l’ONU concernant la position officielle espagnole sur le Sahara occidental.

Le chef du gouvernement espagnol, on s’en rappelle, n’a plus fait allusion à l’adhésion de son pays au plan de la «marocanité» du territoire sahraoui, mais a clairement soutenu la solution du conflit préconisée par les Nations unies à travers ses résolutions consacrant le principe d’autodétermination.

Si ce revirement politico-diplomatique a jeté le froid dans la cour du souverain alaouite, il a grandement soulagé la classe politique espagnole qui avait, dans une large majorité, fustigé la position du Premier ministre, la qualifiant d’acte de faiblesse devant le makhzen, prompt à brandir la menace d’un déferlement migratoire vers les deux enclaves espagnoles situées au nord du Maroc, Ceuta et Melilla.

D’ailleurs cette même presse saisit l’opportunité du drame que vit le peuple palestinien, pour lequel l’Espagne manifeste sa solidarité, pour reprocher au Premier ministre son double langage, laissant entendre qu’il devait de manière constante avoir la même attitude envers le peuple sahraoui.

Pedro Sànchez, qui avait cédé à ce chantage, selon la presse espagnole, et pour d’autres raisons plus personnelles dit-on encore, avait joué une carte contre-nature, sachant que son propre parti aux commandes aujourd’hui a toujours défendu la cause sahraouie, considérant le conflit du Sahara occidental comme un problème de décolonisation, exactement comme le définit l’ONU.

Se retrouvant dans une position politique très précaire alors qu’il aspirait à rempiler à la tête du gouvernement, il avait besoin, au-delà des alliances partisanes nécessaires pour réaliser son objectif, de se ressaisir sur l’affaire du Sahara en révisant totalement son positionnement. On peut dire que sur ce dernier point qui risquait de lui compliquer la vie politique, il a opté pour la démarche la plus convenable, quoiqu’en diplomatie il faut toujours savoir manier les mots pour défendre les thèses les plus inextricables.

Pour l’Algérie, la position du Premier ministre espagnol réaffirmée en faveur des résolutions onusiennes est suffisamment crédible pour remettre les pendules à l’heure. Au demeurant, c’est sans faire de bruit que notre ambassadeur est retourné dans sa résidence madrilène, donnant ainsi le start à la restauration de la coopération à travers toutes ses facettes.

Comment est aujourd’hui l’état des relations commerciales ? Pour bon nombre d’experts, on est à peine dans une reprise qui va mettre du temps pour retrouver son rythme d’avant. A Dély Ibrahim, «zone» privilégiée des revendeurs des produits de finition (dalles de sol, faïences, salles de bains, et autres dérivés) presque exclusivement importés d’Espagne, on persiste à faire la moue en raison des lenteurs bureaucratiques, selon eux, qui continuent de frapper le marché. «La marchandise ne rentre pas encore comme avant, et c’est sur de vieux stocks que nous travaillons», laisse-t-on dire.

La partie espagnole est, elle aussi, en attente de reprendre du service, à savoir les exportations vers l’Algérie, qui lui ouvre de bonnes perspectives commerciales. Ce partenaire au demeurant viable reconnaît que la crise qui a sévi entre l’Algérie et l’Espagne a considérablement affecté ses intérêts commerciaux, relevant un déficit de 71% en neuf mois de blocage.

Dans cet ordre d’idées, la presse espagnole parle d’un effondrement des exportations et d’une perte de quelque 1200 millions d’euros enregistrée par les petites et moyennes entreprises espagnoles. Globalement, les statistiques donnent un déficit commercial avec l’Algérie jamais connu jusque-là en une période aussi courte. Autant dire que la reprise des relations au plus haut niveau va apporter un bol d’air à ces échanges commerciaux qui devront profiter aux deux pays. Le retour d’Air Algérie est un signal fort. Le reste suivra, promet-on.

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