Le film Ashkal (Les formes) du jeune cinéaste Tunisien Youcef Chebi a fait sensation, dimanche soir, au 2e jour des rencontres cinématographiques de Béjaïa (RCB), devant un public, visiblement bien au fait de l’actualité tunisienne, notamment les tourments générés au lendemain des évènements de 2011, coïncidant avec la chute du régime du président Zine El-Abidine Ben Ali.
Le film, dans son essence, n’est pas une chronique politique mais un polar, dont les enjeux et les ramifications sociales ont donné matière à une trame lugubre, relatant la transition démocratique du pays, balloté entre l’espoir d’un changement profond et radical et la peur de succomber au chaos. De fil en aiguille, le réalisateur prend prétexte sur un cas d’immolation dans les jardins et le chantier de Carthage, alors siège de construction d’une cité résidentielle huppée pour construire son intrigue.
La mort par le feu à Sidi Bouzid de Mohamed Bouazizi en janvier 2011 en a été l’élément inspirateur, seulement, à contrario de la version «Bouazizi» et de l’émotion qu’elle a générée, les gravats de cette zone urbaine ont révélé une multitude d’autres cas, morts dans des circonstances aussi atroces mais surtout de façon mystérieuse et récurrente.
L’enquête de la police ne résout pas le mystère et a fini par s’orienter vers l’hypothèse scabreuse et spirituelle voire fantasmatique, en laissant croire qu’un fantôme pousse les victimes à se trucider par les flammes.
La chute du film ne donne pas le résultat des investigations mais autorise les spectateurs à tirer leur propre enseignement sur la gestion politique des évènements, à l’origine de tous les excès. La trame est sombre, mais durant 90 minutes, elle accapare l’esprit et donne matière à réfléchir.
Ce qui n’a pas déplu, selon les spectateurs que l’APS a approchés et qui ont dit avoir apprécié cette approche policière qui a donné lieu à un éclatement kaléidoscopique fort bavard sur la situation politique du pays. Le film a reçu l’Etalon d’or au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) 2023 (Burkina Faso), et une distinction spéciale au Cinéma Méditerranéen (France) également en 2023. Il a été aussi présenté au Festival de Cannes (France) en 2022.