Les efforts entrepris pour tenter de résoudre la crise de la dette des pays pauvres sont insuffisants, face à l’ampleur et l’urgence du problème, a jugé, hier, la cheffe de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement.
Rebeca Grynspan réclame que le sujet soit mis sur la table la semaine prochaine lors des réunions d'automne de la Banque mondiale et du FMI. «J'aimerais voir la question de la dette évoquée dans la discussion (...), c'est un problème important», a déclaré Mme Grynspan lors d’un point de presse de présentation des projections économiques annuelles compilées par l’agence qu’elle dirige, la Cnuced.
Les efforts entrepris, notamment au sein du G20 ou parmi les institutions de Bretton Woods, Banque mondiale et FMI, pour trouver les moyens de réduire le fardeau de la dette des pays à faible revenus, ne sont pas suffisants. «C’est très lent, car de plus en plus de pays ont besoin d’aide. Nous avons donc besoin d’un meilleur mécanisme pour résoudre plus rapidement le problème de la dette», insiste la secrétaire générale. Et de proposer d’aider les pays débiteurs à mieux négocier, «nous devons réunir tout le monde autour de la table.»
A cela vient s’ajouter l’urgence d’empêcher des pays de faire défaut sur le remboursement de leur dette, a rappelé la secrétaire générale, saluant les discussions en cours pour donner beaucoup plus de masse critique à la Banque mondiale et aux autres banques de développement régionales, comme sur le continent africain par exemple.
«Une partie du problème est que le système est trop petit par rapport à l’ampleur du défi auquel nous sommes confrontés», souligne Mme Grynspan qui rappelle que la Banque mondiale a grandi bien moins vite que l’économie mondiale et a donc plus de difficultés à répondre aux besoins. Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale vont tenir leur traditionnelle réunion d’automne hors les murs de leur siège américain cette année, à Marrakech, au Maroc.
Les responsables financiers, grands argentiers du monde entier et autres responsables du développement et d’ONG se retrouvent du 9 au 15 octobre dans la ville meurtrie un mois plus tôt par un violent séisme qui a fait près de 3 000 morts dans la région.
Le rapport publié, hier, souligne que le fardeau de la dette, qui pèse sur de nombreux pays en développement, reste une préoccupation majeure. Le mélange asphyxiant d’une hausse des taux d’intérêt, combinée à un affaiblissement des monnaies et une croissance atone des exportations, «limite la marge de manœuvre budgétaire nécessaire aux gouvernements pour fournir les services essentiels» et transforme «le fardeau croissant du service de la dette en une crise de développement», souligne le document.
La Cnuced rappelle que quelque 3,3 milliards de personnes – soit près de la moitié de l’humanité – vit, désormais, dans des pays qui dépensent davantage pour honorer les intérêts de leur dette qu'en éducation ou en santé.
Les pays les plus durement touchés sont les pays en développement à faible revenu ou intermédiaire qui se sont lancés sur les marchés de capitaux internationaux, après la crise de 2008 et que la Cnuced qualifie d’économies frontières. «Au cours de la dernière décennie, la dette extérieure publique et garantie par l’Etat (PPG) de ces économies a triplé», a souligné l’agence onusienne.
Les paiements du service de la dette PPG en pourcentage des recettes publiques ont bondi pour ces pays, passant de près de 6%, en 2010, à 16%, en 2021. «Aujourd’hui, près d’un tiers des économies frontières sont au bord du surendettement et sont confrontés à des risques de crédit croissants», insiste le rapport, estimant que l’accès restreint aux marchés financiers représente une menace sérieuse pour ces pays, dans la mesure où les remboursements des obligations devraient fortement augmenter en 2024 et 2025.