Référendum constitutionnel aujourd’hui au Mali : Un test de vérité pour les forces de transition

18/06/2023 mis à jour: 03:31
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Photo : D. R.

Le projet constitutionnel, soumis à référendum, est primordial pour un éventuel retour des civils à la tête du pays, comme promis par les forces de transition. La réussite de ce scrutin dépendra du niveau de participation au vote dans ce pays englué dans une crise multidimensionnelle qui perdure depuis plus d’une décennie.

Les Maliens sont appelés aujourd’hui aux urnes pour s’exprimer sur le projet d’une nouvelle Constitution soumis à référendum par le pouvoir militaire issu du coup d’Etat de juin 2021. Pour faciliter l’opération électorale, les organisateurs ont prévu des bulletins de couleur différente : le vert pour le oui, le rouge pour le non et le blanc pour l’abstention.

Ce projet d’une nouvelle Loi fondamentale est présenté par ses promoteurs, à leur tête le président de la transition, le colonel Assimi Goïta, comme une étape décisive dans le parachèvement du processus de réalisation du vaste chantier de réformes institutionnelles qui devrait être couronné par une élection présidentielle en février 2024.

Appel à un «vote massif»

«Je demande aux Maliens de sortir massivement le dimanche 18 juin (aujourd’hui, NDLR) pour donner raison au projet de Constitution en votant oui. C’est le résultat d’un travail consensuel de toutes les sensibilités. Même les membres de la diaspora ont été impliqués, mais aucune personne étrangère n’a été associée à sa rédaction», a déclaré Assimi Goïta lors d’une intervention dans un stade de Ségou, dans le centre du pays.

Ce projet constitutionnel renforce les pouvoirs du Président, crée la chambre haute du Parlement (Sénat), institue une Cour des comptes pour le contrôle des finances publiques, consolide la laïcité, hisse les treize langues traditionnelles maliennes en langues officielles et rétrograde le français en langue de travail. Il se veut également une digue contre les coups d’Etat récurrents au Mali, aux conséquences graves aussi bien sur le plan sécuritaire qu’économique. «Tout coup d’Etat ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien», est écrit dans l’article 121 de ce nouveau projet de Constitution amendant celui divulgué en octobre 2022.

Cela même si l’article 188 décrète une amnistie pour les faits antérieurs à la promulgation de la nouvelle Constitution dont les auteurs ne peuvent, en aucun cas, faire l’objet de poursuite. La dernière réforme constitutionnelle aboutie remonte à 1992. Considéré par le gouvernement de transition comme une réforme majeure qui consacrerait un Etat de droit, renforcerait la souveraineté du pays et rendrait aux institutions républicaines leur prestige, ce projet ne fait pas l’unanimité.

Bien qu’hétéroclite, l’opposition malienne rejette le référendum en estimant que le texte présenté par les forces de transition n’est pas «consensuel». On peut distinguer deux principales forces opposées à ce projet de réforme. La première est constituée d’influentes organisations et associations religieuses, à l’instar de la Ligue malienne des imams et érudits pour la solidarité islamique qui a appelé ses fidèles à rejeter ce projet constitutionnel à cause du maintien du principe de la «laïcité».

Cette organisation, ainsi que d’autres associations religieuses, ont pressé le président Assimi Goïta pour abandonner ce principe constitutionnel. En vain. Le projet soumis à référendum définit toujours le Mali comme une «République indépendante, souveraine, unitaire, indivisible, démocratique, laïque et sociale».

La deuxième force s’étant exprimée contre le projet constitutionnel est celle des mouvements de l’Azawad, implantés dans le Nord-Mali. Ces Mouvements, signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, en l’occurrence la CMA et la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d’Alger et une partie des mouvements de l’inclusivité, tous regroupés au sein du CSP-PSD, ont accusé Bamako d’avoir renié ses engagements relatifs à la consécration d’une large autonomie au Nord malien, où la population est majoritairement constituée de Touareg.

Le rejet de l’opposition

Le CSP-PSD a rappelé, dans une déclaration rendue publique le 28 mars dernier, que le gouvernement malien s’est engagé, lors de la dernière réunion de niveau décisionnelle tenue du 1er au 5 août 2022 à Bamako, à «veiller à la prise en charge intégrale de l’accord dans la nouvelle Constitution». Mais, le CSP-PSD a affirmé, non sans regrets, que «ledit projet n’enregistre aucune évolution particulière à la Constitution du 25 février 1992, en matière de dispositions indispensables à une concrétisation des mesures législatives et réglementaires des engagements politiques et institutionnels pris à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger».

Ces Mouvements signataires à travers le CSP-PSD ont ainsi déclaré «ne pas se reconnaître dans ce projet de la nouvelle Constitution en son état». Il y a aussi des partis politiques qui n’adhèrent pas à ce texte constitutionnel qui consacre un «régime présidentialiste». «Nous avons assisté à une personnalisation du pouvoir, à un culte de la personnalité. Or, si une nouvelle Constitution se met en place, elle doit redresser ces dérives, équilibrer les pouvoirs au lieu de les concentrer dans les mains du seul président», a dénoncé Sidi Touré, porte-parole du Parti pour la renaissance nationale (Parena) dans une déclaration reprise par l’AFP, tout en rappelant les «défis» auxquels est confronté le Mali, comme «la guerre contre le terrorisme et la pauvreté».

Ainsi, face à ce rejet, le scrutin risque de connaître une forte abstention voire même d’être empêché dans le fief des forces opposées à cette réforme constitutionnelle, en plus des craintes objectives liées à la situation sécuritaire dans ce pays qui est en proie aux exactions des groupes terroristes. Ce référendum est primordial pour un éventuel retour des civils à la tête du pays, comme promis par les forces de transition. Et sa réussite dépendra du niveau de participation au vote dans ce pays englué dans une crise multidimensionnelle qui perdure depuis plus d’une décennie.


 


 


 


 

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