La réévaluation des projets pour l’année 2024 s’élève à pas moins de 489,25 milliards de dinars en autorisations d’engagement et 396,83 en crédits de paiement. Il s'agit là des montants consacrés dans le projet de loi de finances 2024, voté il y a quelques jours par l’APN.
«Les réévaluations proposées pour 2024 sont imputées à hauteur de 92,6% à 6 portefeuilles de programmes : Travaux publics (49,3%), Habitat (16,7%), Santé (11%), Hydraulique (7,9%), Education (5,1%) et Jeunesse et Sports (2,7%)», peut-on lire dans ce document.
Le gouvernement précise que ces crédits sont proposés pour «la réévaluation des opérations en cours de réalisation, notamment celles qui ont fait l’objet de levée de gel».
Une sélection de ces opérations a dû être effectuée auparavant puisque l’on rappelle dans ce document que 782 opérations ont fait l’objet d’une levée de gel, dont 591 opérations au titre de la période 2021-2023 pour une autorisation d’engagement de plus de 360 Mrds DA, dont 53% au profit du programme centralisé et 47% pour le programme déconcentré.
Mais pourquoi ces réévaluations et quels sont les projets réellement concernés tant le texte de loi en question n’en dit pas plus ? En vérité, la question des réévaluations de projets en Algérie est devenue un vrai casse-tête pour les dirigeants qui ont du mal à assurer une efficacité budgétaire.
Des montants sans cesse réévalués pour des projets qui, faute de bonne exécution, bénéficient de report en report, et donc de rallonges budgétaires qui mettent à rude épreuve les finances publiques.
Il y a deux ans, soit en novembre 2021, l’ex-Premier ministre Aïmene Benabderrahmane expliquait devant des membres du Conseil de la nation que «le gel représente l'une des mesures prises par les pouvoirs publics afin de maîtriser les dépenses d'équipement et faire face aux restrictions financières qui se sont imposées à partir de 2014. Ce gel concerne principalement les projets dont les travaux n'ont pas encore été entamés et ceux qui ne sont pas prioritaires».
Et de déclarer qu’«en fonction du développement des capacités financières de l'Etat, nous procéderons graduellement au dégel des projets prioritaires, sectoriels ou régionaux», ajoutant que «l'opération se poursuivra pour les projets d'infrastructures réalisés à plus de 50%, en tenant compte de la situation du Trésor public et de la faisabilité du projet en question, et ce, sur décision des pouvoirs publics». Soit. Mais pour l’an 2024, il en va autrement.
Car dans le projet de loi des finances 2024, il est précisé que dans le cadre des dépenses d’investissement, il y a lieu d’«accorder la priorité au parachèvement des projets en cours de réalisation, notamment ceux ayant atteint un taux d’exécution supérieur à 70%» et «prendre en considération l’incidence sur les coûts des projets ayant fait et/ou devant faire l’objet d’une levée de gel éventuelle par les pouvoirs publics».
Les réévaluations en question concernent des projets dans plusieurs secteurs, comme celui des Travaux publics et Infrastructures de base avec 240,60 Mrds DA en AE et 227,12 en CP. Le secteur de l’Habitat, Urbanisme et Ville avec 81,35 Mrds DA en AE et 52,62 en CP.
La Santé : 53,75 Mrds DA en AE et 27,61 Mrds DA en CP. L’Hydraulique : 38,42 Mrds DA en AE et en CP, dont 30,83 Mrds DA en AE et en CP. L’Education nationale : 24,94 Mrds DA en AE et 19,9 Mrds DA en CP. La Jeunesse et les Sport pour 13,2 Mrds DA en AE et 9,13 Mrds DA en CP.
Mais ces réévaluations à répétition constituent le talon d’Achille des gouvernements successifs qui trahit les faiblesses de gestion des projets, qui sont, de ce fait, budgétivores.
Rappelant alors les raisons du «déficit budgétaire énorme que nous enregistrons actuellement», le Premier ministre avait évoqué le lancement de projets d'équipements publics «sans étude ni maturation», soulignant que «les niveaux de réévaluation des projets publics pour la période 2005-2019 s'élevaient à plus de 8700 milliards de dinars».
Ainsi la question se pose aujourd’hui de savoir si l’adoption d’un nouveau système budgétaire est à même de fournir les moyens de la maîtrise budgétaire qui fait défaut, et partant arrêter la saignée des ressources publiques ? Il y a lieu de noter enfin que le montant de l’enveloppe budgétaire prévue pour 2024 pour l’inscription des nouvelles opérations (le programme neuf) est de 2405,33 Mrds DA en AE et 1356,57 Mrds DA en CP.
«L’autorisation d’engagement consacrée au programme neuf (hors MDN) est imputable à hauteur de 92% à 9 portefeuilles de programmes : Habitat (51,1%), Travaux publics (12,4%), Hydraulique (7,8%), Education (7,5%), Santé (3,4%), Justice (2,9%), Enseignement supérieur (2,5%),Transports (2,4%) et Agriculture (2,3%)», a-t-on noté.