Le gouvernement attend beaucoup des walis pour mettre en œuvre la nouvelle politique de dépense adoptée dans la loi de finances 2023.
Considérés comme «des présidents de la République» au niveau de leurs territoires, les walis voient leurs prérogatives s’élargir davantage au fil des mois et des années. «Je veux des walis managers capables de créer de la richesse au niveau local», a déclaré le président Abdelmadjid Tebboune lors d’une précédente rencontre gouvernement-walis. Représentants de l'Etat et délégués du gouvernement dans sa wilaya, ces hauts responsables sont appelés désormais à assurer un rôle plus efficace dans l’exécution des programmes d’investissement publics décidés par l’Etat.
C’est du moins ce qui est énoncé dans l’article 21 du projet de loi de finances rectificative de l’année en cours. «Les walis sont chargés exceptionnellement de réaliser les opérations d’investissement public inscrites dans le cadre des programmes de développement complémentaire des wilayas, et ce, conformément à l’alinéa 1 de l’article 23 de la loi organique n° 18-15 du 22 Dhou El Hidja 1439, correspondant au 2 septembre 2018 relative aux lois de finances», est-il-écrit dans le projet de loi qui sera soumis incessamment au vote des deux Chambres du Parlement.
Dans l’exposé des motifs, il est précisé que cette disposition intervient en complément à l’instruction du Premier ministre n° 3074 datée du 12 août 2023 chargeant les walis à œuvrer à la concrétisation des programmes de développement approuvés par le Conseil des ministres. S’agit-il d’une nouvelle prérogative ou d’une mission conjoncturelle visant à insuffler une nouvelle dynamique de développement au niveau des wilayas ?
La loi aborde le rôle du wali dans la réalisation des projets d’équipements publics décidés par le gouvernement. «En la matière, il faut rappeler que les walis jouent à présent le rôle de simples administrateurs et/ou de coordinateurs. Ils n’ont pas une grande emprise sur la gestion financière des programmes sectoriels», estime le Pr Mohamed Himrane, chercheur au Cread et expert en finance publique.
«Des walis managers !»
La nouvelle loi leur confère, selon lui, un pouvoir économique. «Ils vont tout chapeauter et doivent agir comme des managers ou des PDG d’entreprises. Ils auront un portefeuille de projets à réaliser conformément aux objectifs fixés préalablement. Et ils seront soumis à l’obligation de résultats», explique-t-il. Et d’ajouter : «Auparavant, les wilayas reçoivent des dotations financières qui sont réparties sur les différents secteurs.
A la fin de chaque exercice, le wali est informé du taux de consommation et de réalisation de tous les projets. Dorénavant, c’est lui le manager général. S’il y a échec ou réussite, c’est lui le premier responsable.» Il faut dire que le gouvernement attend beaucoup des walis pour mettre en œuvre la nouvelle politique de dépense adoptée dans la loi de finances 2023.
«La loi de finances en vigueur est la première depuis l’indépendance à être axée sur les résultats et les programmes. Les objectifs sont fixés à l’avance et le financement des projets ne se fera plus par tranches comme c’était le cas auparavant. D’habitude, les lois de finances sont axées sur les moyens, d’où l’adoption en milieu de chaque année de lois de finances complémentaires pour faire des réajustements financiers», indique M. Himrane.
La nouvelle approche a-t-elle atteint les objectifs escomptés ? Bien qu’il soit encore trop tôt pour parler du bilan, beaucoup d’économistes relèvent des retards dans la consommation des budgets, évoquant des appréhensions et des difficultés des acteurs locaux à s’adapter à la nouvelle donne. Lors de sa visite dans la wilaya de Khenchela, en août dernier, le ministre de l’Intérieur n’a pas manqué d’exprimer son insatisfaction quant au taux d’avancement des projets et de la consommation des budgets (16%) alloués au profit de la wilaya dans le cadre du programme complémentaire de développement. Cette wilaya avait bénéficié d’une enveloppe de 113 milliards pour la réalisation de 59 projets d’envergure, mais seulement 16 ont été achevés.
Un statut particulier
Un plan presque similaire a été également décidé en janvier 2022 en faveur de la wilaya de Tissemsilt et un autre le sera incessamment pour la wilaya de Djelfa. Les walis ont-ils l’expertise, les compétences et les moyens nécessaires pour booster les investissements et répondre aux préoccupations des citoyens ? La phrase : «N’ayez pas peur ! Vous êtes protégés par la loi», lancée en 2021 par le Président a-t-elle provoqué un déclic chez ces hauts commis de l’Etat ? Difficile de le savoir.
«Certes, les walis ont de larges pouvoirs. Désormais ils peuvent même destituer les directeurs des secteurs. Mais, ils font face aussi à des contraintes, dont la plupart résulte de l’absence d’un statut particulier qui régit leur fonction. N’oubliez pas que 42 walis ont fait objet de poursuites judiciaires depuis 2019 et 10 sont toujours en prison. La plupart paye les frais de décisions venues d’en haut et pour lesquelles il était difficile de dire non», estime un ancien secrétaire général de wilaya, rappelant qu’un projet de statut particulier des walis est en cours d’élaboration par le gouvernement.
«Initié sur instruction du président de la République, ce projet de loi devrait apporter un véritable appui et un élan qualitatif à l'action des walis sur le terrain», a déclaré le Premier ministre lors de la réunion gouvernement-wali en septembre 2022. Une rencontre incontournable qui permet de dresser le bilan des exercices précédents et énumérer les lacunes afin d’y remédier.
Le dernier conclave s’est terminé avec plusieurs recommandations, dont celles portant sur la nécessité de réorganiser les services extérieurs de l'Etat placés sous la responsabilité des walis, le renforcement de leurs ressources humaines, leur dotation en outils de gestion moderne reposant sur la planification stratégique, la prospection, le suivi et l’évaluation. En somme, tout un programme !