Rapprochement entre le Parlement et le Conseil de l’État en Libye : Bach Agha tente d’isoler Dbeyba

24/03/2022 mis à jour: 01:10
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L’ex-ministre de l’Intérieur libyen, Fathi Bach Agha

Le Conseil de l’Etat en Libye se dirige vers la formation d’une commission mixte avec le Parlement en vue de concevoir la base constitutionnelle des prochaines élections générales en Libye. C’était la condition du Conseil et des islamistes pour la tenue du scrutin. 

Ladite commission serait même composée de 12 membres de chaque camp, comme proposé par le Parlement, et non de six, comme l’a suggéré Stéphanie Williams, la représentante du secrétaire général de l’ONU. Un point pour Fathi Bach Agha dans sa marche pour dégager Abdelhamid Dbeyba de Tripoli puisque Bach Agha est en train d’amadouer le Conseil de l’Etat et priver son rival de tout soutien interne. 

Les tractations que connaît la scène libyenne, depuis l’annulation des élections prévues le 24 décembre 2021, montrent que les deux gouvernements se disputant la légitimité en Libye n’utilisent pas les mêmes atouts dans leur lutte fratricide. 
 

Alors que celui de Abdelhamid Dbeyba ne dispose que du pouvoir de l’argent, qui n’est pas faible, et d’un soutien mitigé de la communauté internationale, celui de Fathi Bach Agha bénéficie d’un large soutien à l’intérieur de la Libye, aussi bien à l’Est, qu’à l’Ouest et au Sud. 
 

Le gouvernement Bach Agha est déjà installé dans ses locaux à Sebha au Sud et à Benghazi à l’Est. Il n’est pas, non plus, rejeté par les puissances étrangères. Son président étant lui-aussi originaire de Misrata. Par ailleurs, Othmane Abdeljelil, le ministre de la Santé du gouvernement Bach Agha, défie Dbeyba de s’aventurer dans n’importe quelle zone libyenne en dehors de Tripoli, alors que son rival, Bach Agha, peut circuler dans toute la Libye. «Et c’est là toute la différence entre les deux hommes», a souligné le ministre dans une interview sur la chaîne libyenne Al Wassat. Othmane Abdeljelil, se présentant comme explicateur du programme du gouvernement Bach Agha, a notamment critiqué la corruption qui a touché tous les circuits ces derniers mois.
 

Abdelhamid Dbeyba affirme, pour sa part, qu’il ne remettra son pouvoir qu’à un gouvernement désigné par un nouveau Parlement. Il a demandé à sa ministre de la Justice de préparer une assise constitutionnelle aux prochaines élections législatives. Dbeyba a demandé à sa ministre de réaliser cette tâche parce qu’il n’est plus le vis-à-vis des instances constitutionnelles, que sont le Conseil de l’Etat et le Parlement. Il est désormais dos au mur. Il multiplie également les promesses envers la population de leur accorder des aides diverses, comme les 50 000 dinars libyens (10 000 dollars) pour le mariage. «Il aurait mieux valu, selon la majorité des citoyens contactés, faire des actions contre la hausse du coût de la vie pour monsieur lambda, notamment pour les aliments de base, comme le pain, la semoule ou la farine, qui ont vu leurs prix monter de près de 20%», remarque le politologue libyen Faïçal Bourigua. «Il est clair que Dbeyba exploite sa mainmise sur la trésorerie libyenne pour accorder de telles facilités, afin d’améliorer sa cote de popularité», ajoute le politologue.

Usure 

Le chef du gouvernement d’union nationale, désigné à Genève, Abdelhamid Dbeyba, et celui nommé par le Parlement, Fathi Bach Agha, sont issus de la ville de Misrata, la plaque tournante de l’économie et des finances libyennes. Si Dbeyba est un riche homme d’affaires, Bach Agha descend d’une famille de notables, très impliquée dans la politique. Ce dernier était pendant plus de cinq ans le ministre de l’Intérieur de Fayez Al Sarraj, le chef de gouvernement d’unité nationale nommé par l’accord de Sekhirat (Maroc), qui avait également pour objectif de tenir des élections générales en Libye. 

Bach Agha s’est porté candidat à Genève dans une liste avec Aguila Salah, et son quatuor a perdu face celui de Dbeyba/El Menfi. Divers observateurs assurent que Bach Agha dispose d’un large éventail de soutiens parmi les islamistes et même les groupes armés de Tripoli, acquis lors de son passage au ministère de l’Intérieur. 

Stéphanie Williams est, elle-aussi, sûre que la partie de Dbeyba ne sera pas facile contre Bach Agha, surtout que ce dernier bénéficie du soutien de l’armée régulière et de bon nombre de milices, convaincues de continuer à bénéficier de leurs dotations financières, comme ce fut le cas avec le gouvernement d’Al Sarraj. 

Pour confirmer ce constat, le politologue Ezzeddine Aguil renvoie sur la réunion du mardi 22 mars de Dbeyba avec la commission militaire (5+5), puisque «seulement quatre membres (sur dix) étaient présents, soit même pas la totalité des membres de la région Ouest», a souligné le politologue. Ainsi, le soutien à peine déguisé de Stéphanie Williams ne suffit pas, semble-t-il, à maintenir Dbeyba au pouvoir. 

Tunis
De notre correspondant  Mourad Sellami 

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