Depuis le début du mois de Ramadhan, les chaînes TV rivalisent entre séries et feuilletons, avec du bon et du moins bon. Du cinéma ? Pour certaines séries, on s’en approche, pour d’autres, c’est encore de la télévision, mais devant le vide pédagogique, le Ramadhan restera l’école de formation pour tous les métiers du cinéma.
C’est parti, produits ménagers, opérateurs de téléphonie, Coca-cola (malgré le boycott anti-sioniste), ceci pour le cadre de financement. Le ramadan c’est beaucoup d’argent, ce qui permet aux chaînes de produire des séries et feuilletons, la légende voulant que les Algérien(ne)s soient scotchés devant leur télévision.
Ce qui n’est pas entièrement vrai, beaucoup sortent après le ftour, surtout les jeunes, mais regardent ensuite, en général la journée, les rediffusions sur Youtube de toutes les séries. Youtube, Google et les USA gagneraient-ils plus d’argent que les producteurs algériens de séries de détergents eux-mêmes ?
Ce serait un scandale national, mais nous n’en sommes pas là, juste un peu de publicité encore, les Arab Drama Critics Awards ont placé l’année dernière 3 feuilletons algériens en première place du podium de la semaine en termes de popularité, record pour la production audiovisuelle nationale avec la série sociodramatique El Ikhtiar El Awwel de Mohamed Ali Zouaghi, suivie de près par la série à succès Eddama de Yahia Mouzahem et en troisième position, la série Hdach hdach (11/11). Alors qui va gagner cette année ?
Peut-être El Barrani sur Samira TV, de Yahia Mouzahem qui n’a pas fait de deuxième saison Eddama pour cause de polémique mais qui se place déjà avec 4,8 millions de vues Youtube pour le premier épisode qui démarre rapidement avec deux pêcheurs trouvant des sacs de cannabis sous l’eau, rapidement tués, au harpon, par un homme en tenue de plongée. Probablement un des meilleurs génériques, tout se passe sous l’eau, y compris la présentation des acteurs et actrices, dont certaines semblent étouffer.
De l’eau qui coule comme pour le générique de la série Hayat sur l’EPTV de Bachir Sellami avec Mohamed Fermehdi et Yasmine Ammari sur un scénario de Zahra El Adjami, 400 000 vues au 1er épisode, 160 000 au 5e. Au titre justement du meilleur générique, c’est probablement la série thriller 11.11 sur Chourouk TV qui gagne pour sa deuxième saison sur un scénario de Mohamed Ali Dammak et Oussama Qobbi, réalisé par Oussama Qobbi avec Aziz Boukrouni, Youcef Shiri, Mustapha Laribi et Malika Belbey.
Un dessin animé signé H Level factory en guise de générique, avec là aussi, probablement la meilleure musique chantée par Chemsou Freeklane et Lila Borsali, de Anis Djama, Mohamed Cherik Lahoubi, Ben Salah Zekri. Oui mais les vues ? 11/11 démarre sur 900 000 vues au premier épisode (Youtube), sur l’explication du nombre 11, symbole de conflit, de manque d’unité, perte, violation de la loi et de peché humain, d’excès, transgression et crime, pour retomber à 300 000 au 5e épisode.
Mais pour revenir à la publicité, comment ne pas rater Dmou3 lawliya, les larmes de la pauvre, qui a tout misé sur la diffusion, affichée partout, les murs et les bus ? Série phare de cette année mise en scène par Nadjib Oulebsir pour son premier essai en réalisation, produite par Amar Bahloul (la série El Khawa) avec Numidia Lezoul, qui interprête aussi avec Cheb Fathi la chanson du générique de Mehdi El Moulhi et Mehdi Saoud, Cheb Fathi. Démarrage aussi sur la mort, avec un enterrement vu de dessous (Hassan Kechache à la pelle) et Kader Affak qui fume toujours (va-t-il mourir d’un cancer ?) 2,9 millions de vues, 1,1 million au 5e épisode. On le sait, les Algérien(ne)s aiment découvrir et cherchent dès le départ leur série préférée, ce qui explique les chutes d’audience après.
Peut-être la série dramatique El Rihan sur Nahar TV, réalisée par Mahmoud Kamel, scénario de Rafika Boujdaï sur un récit de Abdelkader Djeriou, qui même si elle n’est pas dotée d’une bonne musique, rassemble Abdelkader Djeriou, Abbas Zahmani, Djamila Arras et démarre sur un procès, celui de Abdelkader Djerriou, qui écope de 5 ans ferme et 300 000 DA d’amende. Mais 3,2 millions de vues, 1,2 million pour le 5e épisode.
Il ne faut pas non plus oublier El Batha, la saison 2 réalisée par Walid Bouchbah et qui a déjà fait ses preuves, écrite par Nabil Asli, Nassim Hadoush et Mohamed Bin Dawoud, avec Nabil Asli, Hakim Zallum, Nidal Al Mallouhi, Haifa Rahim et qui démarre sur le marché hétéroclite, El Batha, entre brochettes, pièces auto et pneus, derboukas et femmes qui chantent. Les Algérien(ne)s préfèrent-ils les drames ou les comédies ? Les premières séries citées ici sont des drames, et El Batha est un drame mais aux accents comiques, peut-être le juste milieu, 4,3 millions de vues, 1,8 au 5e épisode. La suite aux prochains numéros.
Peut-on passer un ramadhan sans chorba et sans humour ?
Bien sûr, la spécialité du Ramadhan a longtemps été la comédie facile, le sitcom au budget très serré, les simples sketchs ou les caméras cachées, qui ont disparu, seules les caméras de surveillance des autorités ayant maintenant le droit de filmer. Bien sûr aussi, la tendance a changé, avec beaucoup plus de drames, voire de thrillers comme 11/11. Mais la comédie reste un incontournable, avec en premier lieu la saison 2 de Dar lechouch sur Samira TV, entre famille, héritage, différences culturelles et sociales réalisé par Djaffar Gacem, avec Merouane Guerouabi, Samia Meziane, Athmane Bendaoud et Hichem Mesbah. 2,1 millions de vues et 800 000 pour le 5e épisode par contre, ce qui contribuerait à croire que la primeur est bien au drame, et les séries légères avec gags à répétition et dialogues en boucle d’auto-dérision tendent à ne plus gagner les faveurs du public, qui bascule donc (un peu) dans le cinéma, même à la télévision.
Mais pas de fantastique, de science-fiction, de western mais bonne nouvelle quand même. Oui, dans la catégorie humour toujours, on n’a pas cité Une famille en panne, série sur l’ancienne mode comique réalisée par Amine Boumediene, et Ziyyer rouhek, sitcom minimaliste de Meriane Amir produit par Row studio, les deux sur El Wataniya, chaîne inconnue au bataillon.
Justement, au chapitre chaînes TV, c’est encore Chourouk TV qui rafle la mise, avec 3 séries, El Batha, 11/11 et El Barrani, suivie par Samira TV, pourtant chaîne culinaire, 2 séries, Dmou3 lawliya et Dar Lefchouch, Nahar TV, avec El Rihan et la télévision nationale avec Hayat, dépassés par El Wataniya avec deux séries, si l’on considère les sitcoms comme des séries.
Mais alors que la concurrence égyptienne, syrienne et turque est rude en matière de séries TV, on n’a pas parlé de la série choc, co-production égypto-algérienne qui aborde un sujet sensible et tabou le trafic d’organes humains, 700 000 vues, démarrage timide. Intiqam ezzaman, la vengeance du temps, suit l’histoire de Chaimaa, une jeune femme qui se lance dans une quête désespérée pour retrouver son fils kidnappé par un réseau de trafiquants d’organes.
En Algérie, traffique-t-on des organes ? On ne sait pas mais la télévision est en elle-même un organe. Gérée par l’Etat, qui veille comme un gardien sourcilleux à l’image véhiculée.
Car les Algériens ont des yeux. Et un cerveau. Mais il n’y a pas encore, même à l’échelle mondiale, de trafic de cerveau. Ou alors au sens figuré.