Les éditions Bel Horizon ont publié récemment un beau livre intitulé Oran méditerranée signé par Kouider Métayer.
Dès les premières lignes de « Oran méditerranée », le deuxième terme mis en minuscule pour des raisons de graphisme, Kouider Métayer décoche un coup de griffe, mais d’une patte de velours, en rendant la monnaie de sa pièce à l’auteur de « La peste », une épidémie de triste mémoire qu’il a fait sévir à Oran.
De surcroit, le prix Nobel de littérature en a brossé un peu sympathique portrait dès les premières lignes de ce roman en affirmant qu’à première vue, El Bahia est une ville ordinaire, laide, un lieu neutre où l’on s’y ennuie. Il lui reproche par ailleurs, usant de la métaphore, de tourner le dos à la mer, ce qui n’est pas inexact, ses rues ne convergent pas jusqu’au large, stoppées qu’elles sont dans leur tracé par deux principales artères, les actuelles Ben Mhidi et Khémisti, qui, perpendiculairement à elles, leur barrent la vue. Mais encore, l’accès à la mer est interdit par les abruptes falaises en bordure du plateau sur lequel elle est implantée.
Mais, en vérité, Camus n’aimait pas la ville de ses beaux parents, trop algérois qu’il était, moquant cruellement dans ses écrits son petit peuple d’ibères émigrés et leur façon d’être qu’il juge grossière. D’évidence, à Oran, Camus était un étranger. Métayer, lui, aime sa cité et le prouve ; Il admet que sa ville s’est, sur la durée, quelque peu détournée de sa méditerranéité et qu’elle doit se ressourcer à Mare nostrum, elle qui s’est un peu trop tournée vers son arrière pays. Kouider s’y prend, non travers un récit, mais par le biais de chapitres-flash dont chacun s’attelle à mettre en évidence un aspect historique ou patrimonial de la ville.
Il y passe tour à tour Oran l’andalouse, l’espagnole et l’ottomane, l’origine de son nom, l’histoire des lions, Mers el Kébir, ses figures illustres dont Mohamed el Kébir, Hassan Pacha, Houari Hanani, l’auteur de « Sehab eLbaroud », Blaoui, Wahbi, Zabana, etc. Tout ce travail mémoriel, Métayer est bien placé pour le faire pour être le président fondateur de la très active association culturelle Bel Horizon engagée activement dans la sauvegarde du patrimoine de la cité. Son investissement a débuté en 2001 dès sa retraite de la télévision publique où il a été ingénieur en audio-visuel.
C’est à l’occasion des vingt ans d’existence de Bel Horizon que cette dernière a publié « Oran Méditerranée », écrit par Kouider qui n’en est pas à son premier essai dans l’écriture, lui qui, par ailleurs, se fait à l’occasion collaborateur de presse. Métayer promeut également l’image de sa cité dont il est un des guides, connaissant ses méandres et leurs charmes. L’ouvrage qui relève du beau livre comprend autant de pages consacrées au texte qu’à une riche iconographie, certaines photos sont somptueuses, d’autres révèlent un vrai regard de photographe comme celle des statues de lions prises sous un angle qui fait regretter à tout photographe qui les a déjà immortalisés de ne pas y avoir pensé avant Métayar, les photos étant toutes les siennes. De nombreux tableaux de peintres, dont des maîtres, ayant immortalisé des sites sont également reproduits. Écrit à deux voix, Métayer accordant parfois à Oran le soin de se raconter, l’ouvrage se laisse lire plaisamment, mêlant l’anecdotique à la profondeur historique des grands événements du long cours.