Se basant sur des bouts de témoignage d’une décennie houleuse et jonchée de pans de douleurs, voire de scènes dramatiques, la jeune auteure romancière Amina Damerdji a fini par donner naissance à son «dernier bébé», en l’occurrence le corpus intitulé Bientôt les vivants, paru en janvier de l’année en cours et rangé dans la «Collection blanche» des éditions Gallimard.
Entreprendre pareille écriture est loin d’être une sinécure, selon l’auteure qui renseigne sur cette entreprise au long cours, tant il fallait, laisse-t-elle entendre, faire un repérage des lieux, avant de se lancer dans la rédaction de son manuscrit.
Pour ce faire, il fallait retourner sur les «lieux des horribles crimes», en étant accompagnée dans cette aventure par des témoins, des proches et amis qui ont survécu à un des sombres épisodes qu’a connus le pays.
La romancière s’appuie sur l’éclairage de ces derniers qui l’aident à échafauder un plan de travail, pour pouvoir enfin «reconstituer les scènes» à partir de personnages fictifs, certes, mais inspirés de faits réels. Elle situe les noms et les lieux avant de se lancer dans son récit. Après avoir grandi dans Alger, dans un faubourg à un lancer de pierre du littoral de la côte turquoise, dominée par une forêt, l’auteure quitte le pays en proie à une guerre fratricide.
Une situation qui a contraint nombre de compatriotes à fuir la horde qui, des années durant, s’en est prise à tous ceux et toutes celles qui ne se rangent pas de son côté. Le hameau Sidi Youcef, juché sur les hauteurs d’Alger, à la confluence de Bouzaréah et Baïnem, est le théâtre du récit où vit Selma, personnage protagoniste qui voit sa vie de jeune demoiselle buter contre des images innommables, au début des années 1990, autrement dit «ces dhabbahine» ou ces égorgeurs sortis de nulle part pour aller trucider les autres qui ne sont pas de leur bord. Le «qui tue qui» revient sur beaucoup de bouches, mais Selma, une passionnée d’équitation», ne comprend pas ces horribles massacres perpétrés contre d’innocentes populations, des gens qui font les frais de «déchirements entre des politiques» que d’aucuns soutiennent alors que d’autres contestent, au sein de son proche entourage.
Entre dialogue et narration à forte charge descriptive, la romancière laisse défiler, le long du corpus de 282 pages, des séquences éprouvantes, des scènes parfois, déchirantes, sinon poignantes, les unes aux antipodes avec le bon sens, les autres mettant en avant le destin opposé des personnages, comme Adel, qui épris par les ondes da vie et de sa dulcinée Selma, finit par céder au chant des sirènes, à tourner casaque après avoir basculé dans l’autre camp...
Soulignons que l’auteur, qui est écrivaine et chercheuse a, à son actif, deux autres ouvrages. «Laissez-moi vous rejoindre» est un roman qui planche sur une icone oubliée, Haydée Santamaria, une guérillera (combattante) et une personnalité de la révolution cubaine de 1959. L’intitulé de l’autre corpus est «Poésie et dissidence à Cuba», sorti en 2022.