Raï is not dead, film documentaire en six épisodes de Hadj Sameer et Simon Maisonobe, a été projeté, lundi dernier, à l’Institut français d’Oran.
Il faut dire que le titre a été bien choisi comme en a témoigné l’intérêt du public, venu en grand nombre, et resté plus de deux heures après la projection pour un débat des plus passionnés, avec Hadj Sameer et Amina Salem Castaing, la productrice exécutive, présents les deux pour répondre aux questions des spectateurs.
Se répartissant en six épisodes, ce film documentaire, réalisé pour le compte de la chaîne française ARTE, s’adresse à toutes celles et ceux pour qui le raï est une musique qui a marqué leur existence, qu’ils soient de simples néophytes ou des puristes invétérés. Le pitch en est simple : Hadj Sameer, passionné de raï depuis sa plus tendre enfance, collectionneur de vieux vinyles de ce genre musical, lui-même DJ et digger, va à la rencontre de toutes celles et ceux, en France et en Algérie, qui ont contribué à l’émergence de ce phénomène musical qui n’a laissé personne indifférent. Le travail s’est voulu rigoureux, plongeant dans les racines de ce qu’on appelle maintenant le «proto-raï», -celui qui avait vu le jour timidement durant les années 1970-, jusqu’à faire intervenir les chanteurs du raï 2.0, -celles et ceux qui occupent la scène actuelle-, en passant par la période des Raïna Raï (les années 80 et 90) et Raï’n’B (qui a prévalu au début des années 2000).
Avec sa caméra, Hadj Sameer est donc allé à Barbès, notamment chez les disquaires qui ont pignon sur rue dans ce quartier, avant de prendre le chemin de Lyon, puis Marseille rencontrer ces Algériens, témoins directs de l’émergence du phénomène raï en France durant les années 80 et 90 ou ceux de la nouvelle génération qui se targuent de perpétuer le legs de leurs aînés, avec plus ou moins de talent. Simon Maisonobe et Hadj Sameer embarquent ensuite pour l’Algérie, d’abord à Oran, puis Sidi Bel Abbès, Tlemcen, Témouchent, Alger, Batna et Constantine, faire parler toutes celles et ceux qui ont été les acteurs directs de la popularisation de ce phénomène.
Le film se termine par une séquence émouvante, à Jijel, ville dont Hadj Sameer est originaire, où ce dernier rencontre sa grand-mère de 98 ans et écoutent ensemble, à l’aide d’un vieux poste-radio, un morceau anthologique de raï. Tout le long des six épisodes, Hadj Sameer fait parler Cheba Fadela, Taibi, Bellemou, Lotfi Atar (de Raïna Raï), Farid Ghoul, Sofiane Saïdi et même Cheb Khaled, comme cerise sur le gâteau.
A Oran, il va jusqu’à la maison où Cheb Hasni a été assassiné et fait parler celles et ceux qui l’ont connu et apprécié. Quand il s’agit de faire parler les chanteurs du raï 2.0, on voit même des petites séquences furtives filmées dans un des cabarets de la corniche oranaise, là où le raï a le mieux prospéré. Cependant, durant le débat, certains ont reproché au documentaire de faire l’impasse sur une catégorie de chanteurs raï, à l’image de Cheb Abdou ou Houari Manar (décédé en janvier 2019) dont l’homosexualité est affichée et assumée et qui jouissent eux aussi d’une grande popularité.
On apprend alors que certains n’ont pas souhaité intervenir dans le film et qu’à cela, il y avait cette crainte que les polémiques stériles noient le film et que l’intention initiale soit, elle, complètement zappée. Hadj Sameer s’en est expliqué : «Je ne voulais pas tomber dans le travail facile et qu’on dise : ‘Ah, il a bossé pour une chaîne européenne, ils lui ont dicté ce qu’il fallait faire et ce qu’il fallait montrer’. Je voulais prendre les gens à contre-pied.
Mon message de base c’était de raconter l’histoire du raï, raconter ce qui s’est passé. Le raï, ce n’est pas juste la bibine, Khaled et les affaires juridiques, c’est vraiment parler d’archives, parler de ce qui s’est passé, parler d’évolution technologique sonore et esthétique, parler de l’ADN du raï et puis évidemment, parler de la trajectoire et de l’impact sociétal qu’il a eu, en Algérie et en France avec un rapport de réciprocité grâce à la diaspora.»