La polémique que soulève le feuilleton «Houb El Moulouk» et les mesures prises par l’ARAV à l’encontre de la chaîne de télévision qui le diffuse relancent une nouvelle fois la question de la liberté de création dans notre pays.
Des professionnels estiment que le secteur de la production audiovisuelle et du cinéma ne doit pas céder devant les menées archaïques et la volonté de tout contrôler.
Tout cela n’est pas «cathodique»
Belkacem Hadjadj, réalisateur et producteur, déclarera : «Quand on parle de censure dans une production télévisuelle, c’est déjà une atteinte à la liberté. La liberté est capitale. Les libertés sont en train de se restreindre. Il y a un réalisateur, Boualem Ziani, on le fait courir pour une autorisation de tournage pour un documentaire. C’est une forme de censure. Il y a un décalage entre le discours officiel du président de la République, exhortant à relancer et développer le cinéma en Algérie, et la réalité du terrain.
On dirait qu’on fait l’inverse, on n’écoute pas. On avait adressé une correspondance au président de la République concernant la dissolution du Fdatic. Un mécanisme de financement salutaire pour les actants du cinéma. Où est la liberté ? Je suis sidéré. On dirait que ce n’est pas le ministère de la Culture qui décide. On fait peur au fonctionnaire pour qu’il ne prenne aucune responsabilité. Une autocensure de fait. C’est comme l’interdiction de diffusion du film Papicha (de Mounia Meddour). Il n’y a aucune explication…»
A propos de l’évaluation des productions télévisuelles de ce mois de Ramadhan, Belkacem Hadjadj indiquera : «Vu les conditions de tournage… Durant 11 mois, les réalisateurs, les producteurs ne tournent pas. Mais quelques semaines avant le Ramadhan, on s’ébroue, on s’affaire pour réaliser des feuilletons…
Cela fait longtemps que je ne travaille plus avec la TV algérienne. Depuis la série ‘‘Saha’’. Un feuilleton, cela s’écrit, se prépare une année à l’avance. Alors, la qualité en pâtit. Tout cela est triste. On pousse le téléspectateur algérien à regarder d’autres programmes ailleurs. Ou bien des productions conçues avec des yeux autres que ceux algériens. On impose aux Algériens un autre regard, c’est un travail de sape. On désarme son peuple, son pays face à une propagande venue d’ailleurs…»
Des films algériens qui ne passeront jamais à la TV
Le réalisateur Djamel Azzizi étayera à propos de cette forme déguisée de censure, indirecte : «Dès qu’on insinue faire ‘‘taire’’, dire : chut, c’est une forme de censure.
Cela touche notre métier d’artiste. Il s’agit de se développer. Face aux arguments invoqués d’ordre sociétal, religieux, idéologique ou au service d’un clan. C’est une double peine. On évite, on survole, on évacue les sujets qui fâchent. La télévision est cadenassée… A titre d’exemple, depuis plus d’une quinzaine d’années, des réalisateurs algériens ont fait plus de 20 films très remarqués et très bons. Eh bien, ils ne passent pas à la télévision, ils n’y sont jamais diffusés…
Tous les Etats du monde aident les films (allusion à la dissolution du Fdatic), il y va de l’image du pays. Si tu n’es pas aidé et soutenu, tu ne fais de bons films. C’est une sorte de ‘‘robinet’’ dont bénéficie tout un village. Et quand on coupe l’eau, la vie, c’est une forme de dissuasion. C’est ne pas avancer… C’est régresser…»
Boualem Ziani, réalisateur et producteur, nous précisera quant à une sorte de lourdeur administrative et pesanteur bureaucratique entravant un tournage d’un simple documentaire : «Nous avons déposé notre demande d’autorisation de tournage munie d’un synopsis, l’agrément, le fonds de commerce, la fiche technique.
Normalement, au bout d’une semaine, le document est délivré. Mais là, cela traîne, une fuite en avant. On nous invoque de nouvelles mesures…C’est une forme de ‘‘répression’’, une forme de censure… Le grand problème, c’est que le président de la République propose un projet ambitieux pour le cinéma algérien. Et la réalité est tout autre. Pas d’application…»