L’ancien chef de l’Etat Nicolas Sarkozy, figure tutélaire de la droite en France, a annoncé hier qu’il voterait au second tour de la présidentielle pour Emmanuel Macron qui «est, en l’état actuel des choses, le seul en situation d’agir», selon lui. L’ancien Premier ministre socialiste Lionel Jospin a également indiqué qu’il apporterait sa voix au président sortant pour «écarter» la candidate d’extrême droite Marine Le Pen.
Les deux adversaires à la présidentielle française, le président sortant Emmanuel Macron et la candidate d’extrême droite Marine Le Pen, regardent vers la gauche, lorgnant notamment les électeurs de Jean-Luc Mélenchon qui pourraient, selon les analystes, faire la différence au second tour, le 24 avril.
Sûrs a priori de faire le plein des voix sur leur droite, les deux prétendants s’affrontent sur le terrain du pouvoir d’achat, sujet de préoccupation n° 1 des Français. M. Macron, qui multiplie les déplacements depuis dimanche, devait se rendre hier dans l’est de la France, au lendemain d’une tournée dans le nord, dans des régions populaires qui ont voté massivement Marine Le Pen au premier tour.
Assailli toute la journée sur son projet de report de l’âge de la retraite de 62 à 65 ans, le président-candidat a fini par lancer lundi un signal fort à l’électorat populaire, en entrouvrant la porte à un départ à 64 ans. Une concession inattendue.
Pour l’emporter, M. Macron, qui a recueilli 27,85% des suffrages dimanche, doit convaincre un maximum d’électeurs de gauche. Il se rendra mardi à Mulhouse et Strasbourg, deux villes ayant porté le 10 avril le candidat de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon en tête avec 35-36% des suffrages (contre 21,95% au niveau national).
Mais la tâche n’est pas aisée. «J’attends qu’il donne des signes d’ouverture», affirme Jean Mathieu, un architecte qui a donné son bulletin à M. Mélenchon et dit vouloir «voter pour Macron, même si ça ne (lui) fait pas plaisir».
Accusé d’avoir été trop absent avant le premier tour, M. Macron a décidé de multiplier les visites et bains de foule qu’il affectionne. Cela devrait culminer avec un grand meeting samedi à Marseille (sud-est), deuxième ville de France touchée notamment par des problèmes d’insécurité et de pauvreté, et pour laquelle il avait annoncé en septembre un vaste plan de soutien.
«Match retour différent»
Pour sa part, Marine Le Pen, qui dit avoir appris depuis le dernier duel avec Emmanuel Macron lors de la présidentielle de 2017, a appelé dès dimanche soir les électeurs de droite comme de gauche à la «rejoindre», en vantant un projet de «justice sociale» et de «protection». La fille du sulfureux fondateur du Front national Jean-Marie Le Pen a rendu publique mardi une nouvelle affiche très sobre, où on peut lire «Pour tous les Français», continuant ainsi à polir son image.
La candidate, qui défend le maintien de la retraite à 62 ans, veut engager une profonde réforme des institutions, en recourant au référendum et en inscrivant la «priorité nationale» dans la Constitution, pour permettre «aux seuls Français» d’accéder à certaines prestations sociales. Elle entend également interdire le port du voile dans l’espace public et le sanctionner par une «amende».
Lors d’un déplacement lundi dans le centre-est, Mme Le Pen, qui a obtenu 23,15% des voix au premier tour, a insisté, comme durant toute sa campagne, sur le pouvoir d’achat, plombé par la forte inflation, soulignant la nécessité de «mesures d’urgence» pour y faire face.
Avec sa stratégie de proximité et ses thèmes sociaux, elle mise sur les voix de Jean-Luc Mélenchon et de son parti «La France insoumise», avant celles de son rival d’extrême droite Eric Zemmour.
Mme Le Pen a dénoncé mardi la «trahison» de M. Mélenchon vis-à-vis de ses électeurs, appelés à ne pas donner une voix à la candidate au second tour, alors que selon elle, Emmanuel Macron a mené «une politique violemment antisociale». «Je dis aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon, soyez de vrais insoumis, (...) n’allez pas sauver la tête d’Emmanuel Macron», a lancé sur la chaîne LCI le porte-parole de la candidate, Sébastien Chenu.
Pour le directeur de l’institut de sondages Ipsos, Brice Teinturier, «c’est un match retour totalement différent» de 2017 quand M. Macron avait largement battu Mme Le Pen au second tour : «l’affiche est la même et en même temps elle n’est plus du tout la même». A ce stade, l’électorat de M. Mélenchon a l’intention de voter «à 34% pour Emmanuel Macron, à 30% pour Marine Le Pen, ce qui est plus qu’en 2017, et à 36% de rester à la maison», précise M. Teinturier.